L’armée de l’Air et de l’Espace a reçu un nouvel avion de guerre électronique

En 2022, la décision de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] d’accélérer le retrait de sa flotte d’avions de transport tactique Transall C-160 a eu pour effet de priver l’Escadron électronique aéroporté 01.054 Dunkerque de ses deux C-160 « Gabriel », qu’il a exploités jusqu’au dernier moment pour collecter du renseignement d’origine électro-magnétique [ROEM] en mer Noire et en mer Baltique. Et cela, sans attendre l’arrivée de leurs successeurs, à savoir trois Falcon « Archange » [Avion de renseignement à charge utile de nouvelle génération].

Avec la guerre en Ukraine, d’aucuns ont estimé que le retrait de ces deux appareils n’était pas opportun. Alors major-général de l’AAE, le général Frédéric Parisot s’en était expliqué, lors d’une audition parlementaire. « Je suis le responsable de l’arrêt des Transall ‘Gabriel’ et je l’assume : dix Transall nous coûtaient plus de 80 millions d’euros par an, pour une disponibilité de 20 %. Plutôt que de faire des coupes ailleurs, j’ai choisi de les retirer du service », avait-il dit. Et d’assurer que des mesures avaient été prises pour maintenir les compétences dans le domaine de la guerre électronique.

Pour autant, même si elle n’était pas totalement démunie en matière de ROEM, avec les satellites CERES [Capacité d’écoute et de renseignement électromagnétique spatiale], les capacités dédiées de l’Avion légers de surveillance et de renseignement [ALSR] « Vador », la suite MSE [Mesures de soutien électronique] de ses quatre E-3F AWACS, les nacelles ASTAC [Analyseur de Signaux TACtiques] de ses Mirage 2000D ou encore ses drones MQ-9A Reaper, l’AAE se mit en quête d’une solution « intérimaire » pour palier le retrait des deux C-160G Gabriel.

D’où le contrat SOLAR, censé permettre de disposer d’une capacité ROEM aéroportée dans l’attente de la mise en service des trois Falcon Archange, prévue entre 2028 et 2030. Celui-ci n’a fait l’objet de beaucoup de publicité… Si ce n’est que l’intention de l’AAE était de louer un avion de type Saab 340, équipé de « capteurs de nouvelle génération ».

Le contrat SOLAR a été attribué à CAE Aviation, partenaire de « confiance » du ministère des Armées [et en particulier de la Direction générale de la sécurité extérieure].

Quoi qu’il en soit, depuis quelques temps, un Saab 340, à la livrée blanche et rouge, peut être aperçu aux abords de la base aérienne 105 d’Évreux, où est implanté l’escadron 01.054 Dunkerque. Via sa boutique en ligne, l’unité commercialise même un « patch » représentant cet appareil.

Pouvant emporter jusqu’à 34 passagers, le Saab 340 est doté de deux turbopropulseurs General Electric CT7 lui permettant de voler à une vitesse de croisière de 270 nœuds [500 km/h]. Son autonomie est de 1730 km. Quant aux capteurs qu’il est censé mettre en œuvre, ils font probablement partie – du moins pour certains – de la suite AGOMS [Air Ground Operational Management System] développée par CAE Aviation

« AGOMS est le seul système de mission qui permet de piloter et fusionner la totalité des capteurs embarqués sur nos avions ISR : radars de surveillance terrestre ou maritime, systèmes ROEM, boules gyro-stabilisées EO/IR, AIS, etc. », explique en effet l’entreprise.

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34 contributions

  1. HMX dit :

    Gaspillage de ressources et conservatisme technologique. On s’acharne à utiliser des avions pour cette mission… La collecte de Renseignement d’Origine Electromagnétique (ROEM) est pourtant typiquement une mission risquée qui a vocation à être réalisée par des drones (à ne pas confondre avec l’exploitation des renseignements ainsi collectés qui fera toujours appel à des spécialistes). A noter par ailleurs que le ROEM est une mission qui sera de plus en plus dévolue aux satellites, et ce pour un coût réduit et des performances inégalées. Voir à ce sujet le récent article sur les ambitions d’Unseenlabs :
    https://www.opex360.com/2024/04/30/specialiste-francais-de-la-detection-de-radiofrequence-par-satellite-unseenlabs-affiche-de-nouvelles-ambitions/

    Dans ce contexte, quelle est la valeur ajoutée d’envoyer un précieux avion spécialement équipé, et son (encore plus !) précieux équipage à proximité immédiate d’une zone dangereuse ? En attendant une constellation de micro-satellites dédiée à cette mission, un drone équipé de capteurs adaptés pourra faire aussi bien, pour moins cher, en étant plus efficace puisqu’il pourra rester jusqu’à 48h sur zone, là où l’avion devra faire demi tour au bout de quelques heures… L’exploitation des renseignements collectés continuera à être réalisée par les spécialistes, mais cette fois à terre, dans un bureau climatisé, et à distance de sécurité…

    • Frère brun dit :

      Si vous trouvez que le ROEM est une activité dangereuse, ne regardez pas ce qu’est le ROHUM…
      https://mars-attaque.blogspot.com/2023/11/accelerer-sur-la-realisation-de.html

      • Frère Tuck dit :

        Moi, je préfèrerais me pencher sur le RHUM.

      • Sempre en Davant dit :

        Il a l’air intéressant ce quad. Lourd mais intéressant. Avez vous du RETEX partageable?

        Pour le reste, les humains ne sont pas totalement périmés même à l’heure des IA! Ils peuvent être brouillé tout en conservant l’esprit d’équipage et le sens de la mission : pas si mal.

        Après, quad ou pas quad : On coiffe l’objectif, on fouille bien sans trop de discrétion le temps de masquer l’installation des sonnettes en enfants perdus et on retourne sur l’objectif pour l’aménager… Classique non?
        Bon le son et lumière des sonnettes peut être plus simple que le compte rendu faisant plaisir à tous, …, m’enfin.

        Pour les aviateurs qui volent certaines de ces manœuvres sont ardues : Ok!

        • Frère brun dit :

          @ Sempre en Davant
          Pas mieux que cet article, déjà bien fourni.
          Une prochaine fois peut être écrit par OPEX 360 ?

    • ji_louis dit :

      La détection et la discrimination E/M est nettement meilleure par avion que par satellite pour 2 raisons:
      – la distance de détection est au minimum celle de l’orbite du satellite alors qu’elle peut être celle de la frontière internationale pour l’avion (soit un à deux ordres de grandeur).
      – La localisation se fait par mesure de l’effet Doppler pour le satellite, avec une précision au mieux hectométrique (plus généralement de l’ordre du kilomètre). La localisation se fait en avion par relevé goniométrique, et la précision peut être infra-décamétrique.

      Bref, le satellite fera du rafraîchissement de situation (repositionner les spots connus à 99%, relever des spots inconnus à 1%) quand l’avion fait de la prospection (découverte/identification des spots d’une zone).

  2. Kardaillac dit :

    Au premier coup d’oeil j’ai cru à un avion Peugeot 😉

  3. Themistocles dit :

    Du bricolage mais bon, ça colmate tant bien que mal une brèche capacitaire. On est plus à ça près.

  4. Michel dit :

    La guerre électronique pour l’armée de l’air est devenue un impératif pour la mission nucléaire:
    https://www.athena-vostok.com/guerre-electronique-un-article-du-colonel-pierre-alain-antoine-2-partie-1

    Pour ceux qui veulent remonter le Mékong plus loin, c’est par ici:
    https://www.athena-vostok.com/guerre-electronique-un-article-du-colonel-pierre-alain-antoine-1-partie

    Avec la militarisation de l’espace, les possibilités offertes sont bien plus puissantes que par le passé.

  5. OFF AA dit :

    @Thermistocles
    Si Cae-Aviation était dans le bricolage, comme vous dites, cela fait longtemps que la DGSE et l’AAE seraient passées à autre chose.
    D’ailleurs, l’AAE a essayé avec les VADOR avec le succès que l’on connaît. Les VADOR sont tellement exceptionnels qu’ils en sont réduits au défilé du 14 juillet et à l’entraînement des pilotes avant leur départ en OPEX pour prendre les commandes des ALSR de ….CAE-Aviation.
    Pour le SOLAR, c’est une capacité intérimaire avant l’arrivée du 8x Archange qui sera strictement limité au ROEM (ELINT + COMINT), comme le C160 Gabriel.
    Alors que le SOLAR est doté d’autres capacités comme la boule optronique qui lui permettent de remplir un plus large spectre de mission

  6. Grandesaucisse dit :

    La sous traitance est une bonne chose dans la mesure où elle permet d’obtenir des capacités disponibles avec un très faible préavis.
    D’autant que les avions locatif de CAE-Aviation ont une disponibilité supérieure à 90%…loin de celle des aéronefs en service au sein de l’AAE.

    • JC dit :

      On n’est pas dans le même volume. Le prestataire a des contraintes de disponibilité quant à l’AAE elle fait avec les moyens financiers que lui octroie Bercy. Pas d’argent pas de pièces pour les aéronefs. Et c’est ainsi que l’État paie au prix fort certaines prestations tout en démontrant insidieusement que le privé est plus efficace que le public. Vieille recette mais très efficace elle aussi.

    • PK dit :

      « La sous traitance est une bonne chose dans la mesure où elle permet d’obtenir des capacités disponibles avec un très faible préavis. »

      Elle permet de continuer à conserver les déficiences en se rassurant parce que les autres peuvent la combler.

      Dans un monde normal, on pallierait la déficience en premier, quitte à perdre un peu de temps dans l’immédiat.

  7. La Farce dit :

    Du coup les petits avions VADOR, ils servent à quelque chose ou pas ?
    https://www.opex360.com/2023/08/24/lescadron-4-33-perigord-a-recu-ses-deux-premiers-avions-legers-de-renseignement-vador-a-cognac/

    Cela parlait de les envoyer en Indo-Pacifique et depuis plus rien…

    • themistocles dit :

      Et réalité, ils sont limités en tout, performances et senseurs. Et inadaptés aux distances du théâtre Pacifique, à part, à la rigueur, tourner autour de la Nouvelle-Calédonie. Un peu cher comme aéroclub.

  8. frag_facile dit :

    2 réflexions :
    Les drones c’est bien mais dans un environnement très brouillé ( type ukraine, exemple pris au hasard) on peut perdre la liaison en un clin d’œil, et l’asset par la même occasion.
    Le satellite c’est bien gentil mais avec des passes de 90 secondes toutes les 24 heures, et avec des passages tous les jours à la même heure on ne prend pas la même chose qu’avec un capteur aéroporté.

    L’idéal étant d’avoir un mix de drones peu chers et sacrifiables, du satellite, des avions d’arme pour les environnements non permissif, du bateau pour de la durée sur zone et un capteur type archange. Dans l’idéal…

    • speedbird101A dit :

      Le Saab 340 en version civile ,voilà un petit commuter trés facile à piloter …….d’ailleurs c’est simple ,à l’époque, les pilotes l’adoraient ..sur ce, à vérifier toutefois ses nouvelles perfs à cause des greffes mili dont il a été doté….

    • Roland Desparte dit :

      @frag_facile
      Vous avez totalement raison. Juste une précision. Lorsque les drones sont brouillés ou fortement perturbés, ceux-ci sont programmés pour faire automatiquement un “retour maison“…

      • dolgan dit :

        non, la majorité s écrasent rapidement ou se posent dans le cas des voilures tournantes.

        La majorité des drones en service n ont pas de capacité de vol autonome ou très peu.

        • Roland Desparte dit :

          La technologie des drones militaires évolue rapidement !
          Comment l’armée neutralise les drones…
          « Lorsqu’une fois brouillé, le drone tente de se poser au sol ou de retourner à l’envoyeur ; ils sont programmés pour cela »
          https://www.enderi.fr/Comment-l-Armee-neutralise-les-drones_a820.html
          Plus récent (Mars 2024) : Source ONERA (Proposition de sujet de thèse) – EXTRAIT (qui démontre que le brouillage a des parades…
          « …/ si la navigation inertielle seule peut suffire sur de courtes durées, la mission nominale nécessite des mesures externes de recalage et la mise en œuvre d’un algorithme de fusion. Les mesures GNSS sont souvent mises à profit de par leur complémentarité avec les données inertielles mais elles ont l’énorme inconvénient d’être faciles à brouiller. Parmi les capteurs de recalage, une caméra embarquée à bord constitue une solution intéressante. Elle permet d’une part de déterminer le mouvement du drone grâce au défilement du sol dans l’image et d’autre part de recaler la position du drone en utilisant des repères visuels géoréférencés /… »
          https://w3.onera.fr/formationparlarecherche/sites/w3.onera.fr.formationparlarecherche/files/tis-dtis-2024-50.pdf
          Si les drones FPV peuvent être aisément brouillés (guerre électronique), et détruits soit par des dispositions anti-aériennes de l’adversaire soit immobilisés au sol (crash, action contrainte, perte de contrôle, déclenchement du “posé de sécurité“, etc…), les drones d’observations (très onéreux) sont programmés pour faire face en particulier au brouillage, soit automatiquement, soit par la (re)prise en main du drone par la station de contrôle au sol.
          Les drones militaires, dans les bureaux d’études, c’est aujourd’hui une course de rapidité entre la conception, la capacité, la préservation et la parade. Et même certains “petits“ drones évolués peuvent parer une tentative de brouillage ; il y aura souvent échec de la mission initialement fixée mais le drone pourra être récupéré ou mis en sécurité (Ce n’est pas une généralisation).

  9. Homme de défense dit :

    Un appel d’offre qui a été taillé sur mesure pour CAE Aviation . Tout ceux qui ont voulu participer à ce marché , on leur a dit “circulez y a rien à voir “ une enquête doit être faite sur comment sont passés ces marchés auprès de CAE Aviation ? Pourquoi il n’y a jamais d’ouverture à la concurrence ? Oui il peut y avoir de la concurrence…

  10. Les défenseurs de la Tour LEUGHENAER, ceux du 01.054 ont mieux à faire que de diffuser un Patch, aussi bien fait soit-il. Disposer d’un 2nd SAAB par exemple serait déjà mieux ? Quant à la future monture ( l’ARCHANGE/Falcon 8X ) et sur la livraison du premier qui fut annoncée pour 2025, le voile se lève. « Ben oui », dès l’annonce en 2022, on savait que ce délai n’était pas tenable. Maintenant elle est reporté entre 2028 & 2030. Pour 2028 c’est à la limite acceptable. Par contre en 2030 cela ne l’est plus, quand on est un pays qui clame son éternelle volonté d’Indépendance. Enfin et malgré les effets d’un vent du Nord, cher à Jeff, les gens du DUNKERQUE auront-ils les 03 « ARCHANGE » promis et planifiés ? A ce propos, rappelons nous ici du dicton bien terrien qui porte sur les promesses…… Appel !…. ALSR nous entends tu ?

  11. Raphaël dit :

    c’est de ma faute: sur le patch, j’ai d’abord vu un pneu de mob (au dessus de l’avion) avant de voir le casque Bose…1700km d’autonomie a 500kmh, c’est pas fou…faut que les vilains attendent qu’on soit sur zone avant de balancer les infos !