La Marine nationale mise sur l’intelligence artificielle pour accroître ses capacités de guerre acoustique passive
En mars, au moment d’annoncer la création de l’Agence ministérielle de l’intelligence artificielle de Défense [AMIAD], le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait évoqué une « solution d’analyse automatisée de l’acoustique sous-marine » dont les premiers essais avaient été « bouleversants ».
Lors de son point de presse du 16 mai, le ministère des Armées a donné plus de détails sur ce projet, qui, développé avec l’appui de l’entreprise spécialisée Preligens, vise à assister les « oreilles d’or », c’est à dire les spécialistes de la « guerre acoustique passive » de la Marine nationale.
Le but de cette « guerre acoustique » est de collecter, en toute discrétion, les sons émis par les systèmes de propulsion des navires, puis de les caractériser. Il s’agit de constituer une base de données qui permettra ensuite non seulement de les identifier mais aussi de déterminer leur position et leur vitesse de navigation, dans le but d’élaborer, le cas échéant, une manœuvre tactique pour les pister ou, au contraire, pour s’en éloigner.
Seulement, cette « guerre acoustique » est de plus en plus complexe pour au moins deux raisons : le trafic maritime ne cesse d’augmenter tandis que les nouveaux capteurs sont à la fois toujours plus nombreux et, surtout, plus performants. Ce qui fait que la masse de données à traiter par le Centre d’interprétation et de reconnaissance acoustique [CIRA] et les « oreilles d’or » affectés à bord des sous-marins et des frégates, s’accroît en conséquence.
« Pour y répondre et accélérer le temps d’analyse de ces données ainsi que le temps de réaction, nous envisageons de recourir à l’intelligence artificielle. Cette dernière aidera prochainement les analystes en guerre acoustique à trier les sons afin d’orienter l’attention des opérateurs sur les seuls signaux utiles à forte valeur ajoutée, sur lesquels ils pourront apporter leur compétence métier », a ainsi expliqué le commandant du CIRA.
Pour cela, avec l’appui de l’AMIAD, le CIRA s’est rapproché de Preligens pour développer un démonstrateur aux capacités très encourageantes puisqu’il est déjà en mesure d’identifier le système propulsif d’un bateau et le nombre de pales d’une hélice. Plus les données « acoustiques » collectées seront nombreuses, plus cet algorithme gagnera en efficacité. En outre, il est question de l’alimenter avec d’autres sources de renseignement [satellite, capteurs électromagnétiques, etc.] afin d’améliorer sa fiabilité.
Cependant, l’intelligence artificielle appliquée à la guerre acoustique suppose de disposer d’une importante puissance de calcul et d’augmenter les capacités de stockage de l’information, sachant qu’il est question d’analyser plus de 100 teraoctets de données en 2030, contre « seulement » 10 actuellement.
En attendant, le démonstrateur de Preligens permet déjà un gain de temps énorme. Selon l’ingénieur principal des études et techniques de l’armement Julien Le Deunf, expert en IA au sein de l’AMIAD, il fallait 40 jours [ouvrables] à deux « oreilles d’or » du CIRA pour examiner 12 jours de données acoustiques enregistrées au large de Toulon. Désormais, avec l’IA, ce même travail est effectué en 5 heures, « avec cinq à six jours supplémentaires d’analyse humaine ».
« Les résultats prometteurs de ces derniers mois nous incitent également à tester toutes ces capacités en conditions réelles », a-t-il affirmé. Ce qui pourrait être fait avant la fin de cette année.
Il est probable que les drones maritimes, qu’ils soient de surface ou sous-marins, accroissent, eux aussi, le nécessaire travail d’analyse des spécialistes.
Surtout les drones devront faire le travail sans avoir de spécialistes humains a bord …
🙂
En voyant la présentation, j’ai souri en voyant que deux ans avant que je ne le propose, la Marine et PRELIGENS bossaient déjà dessus.
Fier d’être Français ! 😀
Des trimarans motorisés à voiles (Solid Sail), hybrides donc, pour faire de l’écoute/antenne relai et larguer/récupérer des bouées acoustiques dans notre ZEE ?
Une sorte de mélange entre ça :
https://www.neoline.eu/solution-neoline-transport-maritime-responsable-et-competitif/
Et ça :
https://media.sudouest.fr/17309828/1200x-1/vela-aerial-vela.jpg?v=1701671376
https://vela-transport.com/bateaux/
Que ce soit pour l’océanographie ou la défense, ce serait vachement bien.
Pour l’océanographie, on pourrait envisager des campagnes de longue durée pour un coût raisonnable.
Pour cartographier les fonds marins, ça pourrait être un avantage. Notamment s’il existe des versions pour porter des ROV et drones sous-marins.
Et si en plus on a des aéronefs EENUEE pour la rotation des équipages ou l’avitaillement …
https://www.youtube.com/watch?v=72qb_-OoZ6I
Vive la France !
Passer de 40 jours à quelques jours pour analyser la masse de données récoltés, ça n’est plus une amélioration.. c’est carrément un bond en avant.
La suite logique, sera d’installer à bord le matériel pour un résultat directement exploitable par les équipages, après validation des « oreilles d’or » du bord.
L’ensemble des données ainsi défrichées serait transmis à l’énorme centre au retour aux différents ports bases ou transmissions satellitaires, pour affinage, et avant redistribution à l’ensemble de la flotte. Mais ces IA ne remplaceront jamais les oreilles d’or du bord, seuls capables de discriminer ou valider les résultats… l’IA c’est un peu la méthode globale d’apprentissage de la lecture et de l’écriture… ça va très vite au départ, puis il faut reprendre l’ensemble de l’apprentissage pour consolider les acquis ainsi obtenus.
D’après un institut de recherche (MIT ?) l’IA serait capable de mentir.
Je ne sais si cette info est vrai ou fausse.
Ici c’est plutôt une aide d’analyse pour les opérateurs…
@Ventoux du 40 D’après des tests ou 3 IA de différentes forces devaient s’affronter dans une lutte à mort, elles sont capables de mentir, tricher, simuler pour arriver à leurs fins. C’était dans un cadre où tout était permis. La vôtre exemple si il s’agit du même article que j’ai lu c’est une IA commerciale civil qui n’était pas censée raconter des mensonges. Peut être un oublis du développeur, mais je pencherai plutôt pour l’impossibilité de réellement contrôler une IA. Il y a déjà eu un paquet de dérapages malgré les sécurités misent en place. Comme le jour ou une IA a décidé d’espionner son créateur a son insu en pénétrant son telephone perso et en manipulant certaines données. Je reste méfiant face à cette technologie même si elle peut aussi nous apporter de grandes choses. L’humain doit a tout prix rester dans la boucle
C’est vrai que la démocratie est morte sous less applaudissements avec ces redoutables technologie.
https://www.letemps.ch/cyber/intelligence-artificielle/les-empires-de-l-intelligence-artificielle-s-appretent-a-controler-nos-vies-comme-jamais
Méfiez vous de l’Intelligence Artificielle : le jour où elle sera vraiment intelligente, dans quelques décennies voire dans quelques années, elle pensera « mais ces humains sont vraiment stupides à s’acharner à tuer, mutiler et détruire au lieu de collaborer pour un développement harmonieux » !!! Et alors elle prendra notre place, enfin la place des guerriers et des politiciens.
Encore quelques années pour s’entredéchirer …
Un sujet qui va occuper de nombreuses « consciences » toujours prêtes à se saisir du problème pour nourrir la polémique.
L’ IA c’est un outil dans les mains de l’artisan, à lui d’en faire bon usage pour être satisfait de son travail.
La règle d’or c’est HITL : Human In The Loop ou en français « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » ….
Un plus,tant que c’est traiter en surface ,en profondeur et lors d’une crise qu’en est-il ?on parle de 5h pour IA avec 5 jours de vérification humaine.
Nos oreilles d’or ont encore de beaux jours devant eux..,en plongé…
On n’avait pas attendu cela pour faire du traitement de signal « intelligent »! La PATMAR depuis les Neptunes, (Systeme AN AQA1) ou même les Lancaster (expérimentations d’enregistrement acoustique) , puis les Atlantic (système Jezabel, avec l’Emerson AN AQA 5) et enfin l’Atlantique , pratiquait l’enregistrement et l’analyse acoustique In situ. Puis les enregistrements numérisés étaient archivés pour analyse ultérieure. la bibliotheque etait d’ailleurs enorme La partie « intelligente » était assurée par des opérateurs Elbor spécialisés après un très long entrainement. Comme une IA est en fait un système expert composé d’une base de données associée à un Moteur d’inférence (ici l’Elbor embarqué avec ses oreilles son cerveau , sa mémoire propre , son flair, sa « Jez » et ses bouées reliées par radio puis par fil à un hydrophone immergé, il s’agit maintenant de numériser toute cette chaine pour automatiser l’opération si toutefois on arrive à mettre sous algorithme le « flair »!. Et cette idée n’est pas nouvelle , Car dès le début du programme ATL2, nous étions quelques-uns sur le « tas », et au Sc. Aero, à la CEPA, à réfléchir quotidiennement sur ce sujet bien avant que la DGA s’y mette !!!! je pense volontiers à « Jack »un officier émérite , et aussi quelques autre du programme avec lequel nous echangions si souvent sur ce sujet passionnant!
Lla filière RENS dans la Marine était un cul de sac en terme de carrière.
https://theatrum-belli.com/le-renseignement-naval-francais-des-annees-80-et-jusquen-1996/
C’est toujours le cas aujourd’hui.
Oui, votre lien rapporte exactement ce que j’ai connu! Effectivement il y avait un retard certain et énorme entre la réalité, et ce que faisait l’EMM. Je me souviens même une fois d’avoir visité le « Shack » d’un radio-amateur qui était mieux équipé que les baies COMINT de nos Atl2. En plus ce radio amateur qui était une « pointure » reconnue dans le milieu savait mieux se servir de ses équipements que certains de nos meilleurs opérateurs ! grâce à ce personnage, nous avions alors acheté des scanners haute vitesse Rohde et Swartz et quelques autres équipements très performants et très couteux …
Cela a aussi été le cas avec les drones et pas seulement à cause des pilotes de l’armée de l’air, l’armée de terre n’a pas fait mieux.
https://www.athena-vostok.com/contribution-a-lhistoire-du-renseignement-militaire-et-de-son-evolution-apres-la-chute-du-mur-suite-3-les-yeux-et-les-oreilles-de-tsahal
La gendarmerie surveillait un amateur d’aéromodelisme qui nous mettait le rouge au joue devant ses créations « maison » et notre inertie totale en la mat…
Merci pour ce témoignage et ces explications !
🙂
😮
M’suis fait avoir ?
L’IA peut-être une plus value très performante pour trier les échos marins et optimiser le diagnostic. Elle ne remplacera pas les « oreilles d’or », mais servira sans doute à filtrer les échos sonores bruts bruts pour ne présenter aux oreilles d’or que les « bons » pour confirmation d’évaluation ou les douteux pour une estimation plus poussée de la menace potentielle.
Méta-defense parle d’une mise en service dès 2025, c’est demain en fait.
https://meta-defense.fr/2024/05/17/ia-oreilles-dor-marine-nationale-cira/
L’avantage du traitement logiciel, c’est sa rapidité et son exhaustivité. Là où l’opérateur a du mal à percevoir un écho naissant ou un signal faible, le logiciel peut le discriminer plus efficacement. Je parle là de quelques secondes gagnées sur un mobile se dirigeant vers les bouées d’écoute, mais aussi de signal en limite de sensibilité d’écoute qui ne passe plus à l’as.
Ce n’est pas de « l’intelligence artificielle », c’est des mathématiques appliquées.
Et pendant ce temps, avec le retour de la barbarie et des dictatures, on s’entretue dans les tranchées, on se balance des obus sur la tête, on détruit les lieux de vie des civils … avec leurs habitants. Les progrès technologiques, c’est du flan, et on ne progresse pas sur le sens moral.
Oui, c’est bien connu ; que proposez-vous pour progresser dans ce domaine ?
Si les pièces ne proviennent pas de lave linge ou lave vaisselle c’est peu probable pour le camp occidental. Dommage l’Armata était plein de promesses….
@B d’A : » la pauvreté, …/… l’incohérence, des erreurs graves, des manques et des limites terribles… » Quelle clairvoyance Guitou, bravo! C’est tout à fait la définition de la très grosse majorité de vos commentaires !
Sous le vocable générique de « intelligence artificielle » se cachent en fait plusieurs dizaines d’algorithmes spécialisés différents (recherche du chemin le plus court, du filtre le plus efficace, du lien le plus pertinent, etc…).
Chaque I.A est un mélange de plusieurs de ces algorithmes calibrés et configurés selon les données d’entrée en entraînement et le résultat souhaité. Ensuite, le fonctionnement en réel peut être différent parce que les données d’entrées ne correspondent pas à celles utilisées en entraînement.
Quand aux I.A des LLM (comme Chat GTP), elles utilisent intensivement les calculs probabilistes pour produire une réponse qui sera la plus probable pour une question donnée. En cas d’équiprobabilité entre plusieurs réponses, il y a tirage au sort. Ce fonctionnement est la cause à la fois du succès de ces logiciels, et des « hallucinations » qu’ils produisent : TOUTES les réponses sont inventées, il n’y a pas (pour l’instant, en 2024) de recherche de vérité pour confirmer la réponse avant de la proposer.
QuanT aux I.A…
Le traitement logiciel des données acoustiques, c’est du traitement de bases de données, du filtrage, des convolutions de fréquences, des comparaisons mathématiques, des tas de calculs très précis que l’on sait faire depuis plus d’un siècle et demi (Heinrich Hertz). Si les derniers logiciels donnent des résultats impressionnants, il n’y a rien d’intelligent là-dedans, sauf la réflexion des opérateurs, des ingénieurs et des informaticiens pour créer ces automatismes.
Rien à voir avec les LLM (chat GTP, dall-E, Claude, etc) et leurs hallucinations.
Les nouveaux capteurs acoustiques basés sur fibre optique sont ultra-sensibles, à tout ! Il faut donc trier les infos et cela ne m’étonne pas que les Oreilles d’Or ne suffisent plus : trop de données ! Seuls les algorithmes pourront trier efficacement, toujours avec l’aide des Oreilles d’Or bien sûr 😉