Les forces russes ont menacé d’abattre des avions militaires français au-dessus de la mer Noire

À l’occasion d’un entretien accordé au Journal du Dimanche [18/02], le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a dénoncé le « comportement de plus en plus agressif de la Russie à l’égard de le France », évoquant une centaine d’incidents « allant de simples communications menaçantes à des tentatives de contrôle sur des patrouilles françaises dans des espaces aériens et maritimes internationaux libres d’accès ».

Si, par le passé, il avait été fait état de quelques interactions tendues entre les forces françaises et russes [survol de frégates de la Marine nationale par des chasseurs-bombardiers ou approche d’un satellite de communication par un engin « butineur », par exemple], le ministre a souligné qu’un « tel niveau d’agressivité n’existait pas auparavant », sans pour autant donner d’exemple précis. Ce qu’il a fait sur les ondes de RTL, ce 22 février.

« Le comportement de la Russie en 2024 n’est plus du tout celui que l’on avait pu connaître en 2022 et évidemment avant l’agression de l’Ukraine », a-t-il d’abord réaffirmé. Et cette attitude s’est durcie « singulièrement » à l’égard des Européens, a-t-il dit, avant d’expliquer que cela était dû « aux difficultés » des forces russes sur « le champ de bataille en Ukraine ».

« Vous avez désormais des interactions autrement plus agressives », notamment « avec nos forces armées », a poursuivi le ministre. « Vous avez, au moment où l’on se parle, des patrouilles en mer et des patrouilles aériennes qui permettent de garantir des libertés d’action en Méditerranée, en mer Baltique, en mer du Nord, plus rarement en mer Noire. Vous avez des interactions, c’est à dire des tentatives de prise de contrôle de la part des Russes d’un certain nombre de nos patrouilles », a-t-il continué.

Qu’entend M. Lecornu par « prise de contrôle de nos patrouilles » ? Pour en donner une idée, il a pris un exemple « très concret ».

« Il y a un mois, […] un système de contrôle aérien russe a menacé d’abattre des avions français en mer Noire alors qu’ils étaient dans une zone internationalement libre », a ainsi révélé le ministre. « Clairement, vous avez des opérateurs russes qui menacent des pilotes français d’abattre leurs aéronefs », a-t-il insisté, sans livrer plus de détails.

En janvier, selon l’État-major des armées [EMA], un avion de patrouille maritime Atlantique 2 a effectué plusieurs vol au-dessus de la mer Noire afin de rechercher et de localiser d’éventuelles mines dérivantes. En outre, il n’est pas rare qu’un avion léger de surveillance et de renseignement [ALSR] « Vador » soit envoyé dans cette région… Mais comme le ministre a parlé d’aéronefs [donc, au pluriel], il est possible qu’une patrouille de Mirage 2000D mettant en oeuvre une nacelle de guerre électronique ASTAC ait été visée par ces menaces russes. L’hypothèse d’un vol de Rafale n’est pas non plus à écarter.

Quoi qu’il en soit, de telles menaces ne sont pas à prendre à la légère. En octobre 2022, le ministère britannique de la Défense [MoD] avait révélé qu’un avion RC-135 Rivet Joint de la Royal Air Force, alors en mission de renseignement au-dessus de la mer Noire, avait manqué d’être abattu par un Su-27 Flanker russe, celui-ci ayant tiré un missile non loin de sa position.

Officiellement, Moscou avait évoqué un « dysfonctionnement technique ». Mais selon la BBC, il s’est ensuite avéré que le pilote du Su-27 avait pensé avoir reçu l’ordre d’abattre l’appareil britannique, la station au sol russe ayant donné des instructions « ambigües ».

Par ailleurs, M. Lecornu a également évoqué le cas, « il y a quelques mois », d’un navire de guerre russe ayant « mouillé en baie de Seine », à la limite des eaux territoriales françaises, « comme pour venir intimider, en quelque sorte, la France ».

Sur ce point, le ministre n’a pas non plus donné plus de détails. Cependant, il n’est pas rare que des navires militaires russes transitent en baie de Seine. L’un d’eux, le pétrolier-ravitailleur Akademik Pachine, est même un habitué : en mars 2023, il y était resté plusieurs jours, sous la surveillance d’un NH-90 « Caïman » de la flottille 33F de la Marine nationale.

Quoi qu’il en soit, a repris le ministre, il « faut bien comprendre que c’est vieux comme la guerre froide » et « que, de nouveau, nous avons le retour d’un positionnement russe particulièrement agressif », auquel s’ajoutent « le cyber, l’informationnel, le chantage énergétique ».