Un navire turc a illuminé à trois reprises la frégate Courbet avec son radar de conduite de tir, selon Paris

Engagée dans l’opération navale européenne Irini, qui pour objet de faire respecter l’embargo sur les armes décrété par les Nations unies à l’égard de la Libye, la frégate grecque HS Spetsai n’a pas été en mesure de contrôler la cargaison du Cirkin, un cargo battant pavillon de la Tanzanie, parti quelques jours plus tôt du port d’Haydarpasa [Turquie]. Et cela, en raison de l’intervention d’au moins une frégate turque.

La frégate grecque avait de bonnes raisons de chercher à inspecter le Cirkin, comme l’y autorisait la résolution 2526 des Nations unies. En effet, depuis plusieurs semaine, ce cargo s’était fait remarquer par ses allées et venues entre la Turquie et la ville libyenne de Misrata, contrôlée par les forces du gouvernement d’union nationale [GNA], soutenu militairement par Ankara face à l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar.

Et le Cirkin paraissait d’autant plus suspect qu’il était escorté, à chaque voyage, par la marine turque. Le 27 mai, raconte l’hebdomadaire Valeurs Actuelles, la frégate de défense aérienne [FDA] Forbin, de retour du détroit d’Ormuz où elle venait de participer à la mission EMASOH, a approché le cargo suspect, lequel avait coupé son système AIS deux jours après son départ de Turquie.

Or, le navire français n’aura pas eu l’occasion d’aller plus loin, deux frégates turques s’étant interposées, faisant ainsi comprendre qu’il ne fallait pas s’intéresser de trop près au Cirkin. Ayant déclaré se rendre en Tunisie, ce dernier accostera finalement à Misrata, où il déchargera des chars M-60 et des missiles de défense aérienne Hawk devant équiper, selon Valeurs Actuelles, les combattants de la Division Sultan Mourad, envoyés en Libye pour épauler les forces pro-GNA.

Un peu plus d’une semaine plus tard, le Cirkin a de nouveau chargé à son bord des véhicules militaires. Et, après avoir appareillé d’Haydarpasa pour, officiellement, le port tunisien de Gabès, il est alors escorté par les frégates turques TCG Gokova et TCG Oruçreis, avec une couverture aérienne au moment de passer au large de l’île de Psara.

Le 10 juin, le Cirkin sera donc approché une première fois par la frégate HS Spetsai, qui, comme on l’a vu, a été dissuadée verbalement de poursuivre son action. Mais les choses n’en sont pas restées là. En effet, explique Valeurs Actuelles, dont l’information a été confirmée par B2, la frégate légère furtive « Courbet », alors engagée dans l’opération de l’Otan « Sea Guardian », a ensuite pris le relais.

Seulement, la tentative de la frégate française pour contrôler le Cirkin a donné lieu à un incident que l’on peut qualifier de sérieux. En effet, le Courbet a été « pris en chasse par la […] frégate turque [TCG] Gökova », laquelle a procédé à une « illumination radar » du navire de la Marine nationale.

« Dans les armées françaises, l’illumination radar est considérée comme un acte de guerre car c’est la dernière action avant l’ouverture du feu. En théorie, cela provoque le déclenchement immédiat du feu de celui qui est illuminé », a expliqué une source militaire à l’hebdomadaire.

En réalité, le Courbet n’a pas fait l’objet d’une mais de trois illuminations radar de la part de la frégate turque. C’est en effet ce qu’a indiqué le ministère des Armées, rapporte l’AFP.

Ainsi, Paris a dénoncé un acte « extrêmement agressif » tout en indiquant son intention d’évoquer cette « affaire très grave » lors de la réunion des ministres de la Défense des pays membres de l’Otan, ce 17 juin.

Alors que le Courbet cherchait à identifier un cargo suspecté d’acheminer des armes vers la Libye, « les frégates turques interviennent et illuminent le Courbet à trois reprises avec leur radar de conduite de tir », ce qui constitue « un acte extrêmement agressif », a affirmé le ministère des Armées.

« Cette affaire est à nos yeux très grave […]. On ne peut pas accepter qu’un allié se comporte comme cela, fasse cela contre un navire de l’Otan sous commandement Otan menant une mission Otan », a fait valoir Paris, ajoutant que la ministre des Armées, Florence Parly, allait « mettre les points sur les i » au sujet de « l’attitude turque dans le conflit libyen ».

« Ces norias de bateaux entre la Turquie et Misrata, parfois accompagnés par des frégates turques, ne contribuent pas à la désescalade », a encore souligné le ministère des Armées, qui a également dénoncé le fait que les navires militaires turcs utilisent les codes et les indicatifs de l’Otan pour s’identifier lors de leurs missions d’escorte.

Cet incident sérieux explique le communiqué publié le 14 juin par l’Élysée. Pour rappel, le président Macron a dénoncé la « politique de plus en plus agressive et affirmée […], avec sept navires turcs positionnés au large de la Libye et une violation de l’embargo sur les armes ». Et d’insister : « Les Turcs se comportent de manière inacceptable en instrumentalisant l’Otan et la France ne peut pas laisser faire. »

Cela étant, le ton du ministère des Armées tranche avec celui qu’il avait adopté ces derniers jours à l’égard de la marine turque. Ainsi, le 5 juin, il avait évoqué une « manoeuvre à la mer inédite » pour le Courbet », à l’occasion d’un ravitaillement assuré par le pétrolier-ravitailleur turc Yabray Kudret Güngör [classe Akar]. Puis, plus tard, il a salué la « coopération interalliés » lors d’un exercice de type PASSEX réalisé en Méditerranée centrale par le Courbet, la frégate turque TCG Salih Reis et deux frégates italiennes. Mais c’éait avant les incident qu’il vient de dénoncer.

Photo : Marine nationale

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]