Des avions non identifiés ont bombardé une base utilisée par la Turquie en Libye

En mai, et avec l’appui militaire de la Turquie, les forces du gouvernement d’union nationale [GNA] libyen, installé à Tripoli, réussirent à s’emparer de la base aérienne stratégique d’al-Watiya, aux dépens de l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar. Ce qui mit un terme à l’offensive lancée par ce dernier pour prendre le contrôle de la capitale libyenne.

Depuis, la Turquie a fait connaître son intention d’établir une présence militaire permanente sur cette base [ainsi que dans le port de Misrata]. Et, ces derniers jours, il a été rapporté des systèmes de défense aérienne MIM23 Hawk, de conception américaine mais appartenant aux forces turques, venaient d’y être installés.

A priori, la présence de ces systèmes a motivé le raid aérien ayant visé la base d’al-Watiya dans la nuit du 4 au 5 juillet. Selon des informations qu’il n’est pas possible de confirmer, au moins trois batteries Hawk auraient été détruites, ainsi qu’un dispositif de guerre électronique Kolchuga, fabriqué en Ukraine [à noter que la Turquie parle de « dégâts », sans en dire davantage].

Une source de l’ANL a indiqué à l’agence Reuters que ce raid avait été effectué par des « avions d’origine inconnue », alors que les troupes du maréchal Haftar ont reçu, en mai dernier, des MiG-29 « Fulcrum » et des bombardiers tactiques Su-24 « Fencer ». Selon l’US AFRICOM, le commandement militaire américain pour l’Afrique, ces appareils auraient été livrés par la Russie.

Quant au GNA, son vice-ministre de la Défense, Salah al-Namrouch, a évoqué des frappes assurées par une « force aérienne étrangère ».

« Le bombardement hier [04/07] soir de la base d’al-Watiya a été mené par une aviation lâche étrangère soutenant le criminel de guerre [Haftar] dans une tentative désespérée de remporter une victoire morale », a en effet affirmé M. al-Namrouch, sans préciser la nationalité des avions ayant pris part à ce raid. Si ce n’est qu’il a promis une « riposte dissuasive, au bon endroit et au meilleur moment. »

Si le responsable du GNA n’a pas précisé la nationalité des avions impliqués, c’est sans doute parce qu’il n’est pas en mesure de le faire… Ainsi, on ignore quel statut peuvent avoir les MiG-29 et les Su-24 récemment arrivés sur la base d’al-Jufrah, tenue par l’ANL. Cela étant, si les seconds ont un rayon d’action a priori suffisant pour bombarder al-Watiya, ce n’est pas forcément le cas des premiers.

Au moins deux pays sont susceptibles d’avoir été impliqués dans cette action contre la base d’al-Watiya : l’Égypte et les Émirats arabes unis. Ce qui ne serait d’ailleurs pas une première. En effet, en août 2014, de mystérieux raids aériens avaient été menés contre des positions tenues par la milice Fajr Libya dans les environs de Tripoli, théâtre de combats impliquant les brigades de Zenten, proche du Parlement alors nouvellement élu [et repliés, depuis, à Tobrouk]. Il apparut, plus tard, que ces bombardements avaient été effectués par des Mirage 2000-9 émiratis.

D’ailleurs, c’est l’hypothèse avancée par un porte-parole des forces loyales au GNA, Abdulmalik al-Medeni. Selon lui, les frappes contre la base d’al-Watiya auraient été l’oeuvre de Mirage 2000-9 déployés par les Émirats arabes unis à Sidi al-Barani, en Égypte.

Cela étant, pour une mission visant à supprimer des défenses aériennes adverses [SEAD], on peut supposer que la force aérienne émiratu aurait eu recours à ses F-16E, capables d’emporter des missiles AGM-88 Harm. À noter que son homologue égyptienne dispose également de cette munition dans son arsenal.

« Les forces émiraties sont capables d’exécuter des missions de suppression de défense aérienne ennemie [SEAD], mais le faire en Libye signifierait probablement l’envoi de leurs chasseurs F-16E/F, qui n’y ont pas été engagés jusqu’à présent. Un tel déploiement pourrait déclencher des frappes de représailles de la part de la force aérienne turque, qui a mené des exercices à la mi-avril démontrant sa capacité à projeter sa puissance par la Méditerranée orientale avec des F-16 et des capacités de ravitaillement. Cela augmenterait également le risque de pertes civiles, exposant les Emiratis à des contrecoups politiques au Congrès [des États-Unis] pour avoir utilisé des systèmes de fabrication américaine à de telles fins », notent cependant Ben Fishman et Conor Hiney, du Washington Institute.

Par ailleurs, et d’après plusieurs sources [RFI, Middle East Monitor, Intelligence Online], la Turquie aurait envoyé en Libye 200 mercenaires yéménites, recrutés parmi les militants du parti Islah, proche des Frères musulmans. Dans un premier temps, il ont été entraînés dans le camp Hamad, dans la région de Taiz [Yémen], avant d’être transportés à Ankara pour des raisons médicales afin d’être ensuite transférés à Tripoli. En échange, Ankara interviendrait militairement au Yémen, en particulier contre les milices soutenues par les Émirats arabes unis.

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