Le ministère des Armées a lancé une procédure inhabituelle pour acquérir des drones de renseignement

La procédure est plutôt inhabituelle puisque, d’ordinaire, il revient à la Direction générale de l’armement [DGA] de signer les contrats relatifs à l’équipement des forces… et non à la Direction de la Maintenance aéronautique [DMAé]. Toujours est-il que, le 8 avril, celle-ci a notifié à un groupement constitué par Survey Copter, EOS Technologie, Delair et Thales un marché pour « la fourniture, à des fins de renseignement, de drones et de prestations de soutien associées.

Selon les succinctes explications qu’elle a données, ce marché « permettra au ministère des Armées d’acheter à des fournisseurs qui se seront présentés pour se faire référencer, des drones de renseignement pouvant évoluer en catégorie spécifique selon les dispositions réglementaires fixées par la Direction générale de l’aviation civile [DGAC] ».

Cette procédure est censée présenter plusieurs avantages. D’abord, elle permettra au ministère des Armées de suivre plus rapidement l’évolution technologique de ce secteur et, ainsi, d’acquérir, de manière plus « réactive », les drones et les prestations préalablement référencés.

« Tout industriel ayant au préalable développé et fait certifier, pour un usage civil ou militaire, un drone pouvant servir à des fins de renseignement, et offrant des garanties suffisantes de sécurité et de souveraineté [dont la maîtrise de l’origine des composants matériels et logiciels] pourra proposer au groupement retenu son produit pour se faire référencer », développe la DMAé. Et d’ajouter : « S’il est accepté, ce référencement permettra au ministère des Armées d’acquérir ces drones pour évaluation technico-opérationnelle et, en cas de test concluant, pour emploi opérationnel ».

L’expression « économie de guerre » est-elle utilisée à bon escient par le gouvernement ? Selon la définition que l’on en donne généralement, cela supposerait que tous les moyens industriels soient mobilisés pour produire de l’armement, comme on l’observe actuellement en Russie. On en est donc encore loin en France… Mais pour le ministère des Armées, elle consiste surtout à demander aux seuls industriels de l’armement de « produire plus et plus vite ». Et donc de prendre des risques en investissant dans leur outil de production.

Toujours est-il que le marché notifié par la DMAé s’inscrit dans cette logique étant donné qu’il est demandé aux constructeurs de drones une « certaine prise de risque », en « développant des produits répondant à un marché s’étendant au-delà de l’équipement des armées françaises. »

Quoi qu’il en soit, la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 prévoit justement l’élaboration de « nouveaux cadres contractuels pluriannuels mutualisant les besoins entre les différents services de l’État » afin de « simplifier l’acquisition de petits drones ISR » [renseignement, surveillance et reconnaissance]. En outre, un « dispositif de distinction de ‘drones de confiance' » doit être institué d’ici la fin de l’année 2024.

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16 contributions

  1. Rakam dit :

    Toujours utile, rien de toute façon ne saurait être de trop pour nos Armées..

  2. HMX dit :

    A vue de nez, et selon la description qui en est faite, cela ressemble à un accord cadre multi-attributaires : on passe d’abord un marché sur plusieurs années (l’accord cadre) dont l’objet consiste à sélectionner plusieurs fournisseurs jugés crédibles sur la base de leurs expériences et références. Puis, au fur et à mesure de l’évolution des technologies et des besoins des forces armées, on passe des « marchés subséquents », où les fournisseurs ainsi sélectionnés sont mis en concurrence sur la base d’un cahier des charges simplifié. Avantage principal : des délais fortement raccourcis, possibilité de multiplier les marchés subséquents et donc de « panacher » la fourniture de drones auprès de plusieurs fournisseurs pour acquérir et tester différents types de drones… ainsi que la capacité des fournisseurs à honorer leurs engagements !

    Cette solution a le mérite de proposer de la souplesse et de l’adaptabilité, là où les montages contractuels « classiques », régis par le code de la commande publique, sont souvent trop lourds et trop longs à mener, donc inadaptés à des domaines tel que celui des drones où on constate un bouillonnement d’innovations et de nouveaux acteurs.

    C’est donc plutôt bien vu, ce nouveau montage contractuel permettant tout à la fois de répondre aux besoins des Armées dans des délais courts, et de soutenir et stimuler la BITD dans ce secteur désormais stratégique des drones.

  3. Gros malins dit :

    Encore une idée généreuse qui va permettre à EOS, Delair, Thales et survey copter de se mettre en situation de monopole et d’exclusivité et d’interdire l’arrivée de tout nouvel entrant .

  4. Bricoleur dit :

    Enfin, les procédures évoluent vers des acquisitions plus rapides par les organismes techniques au plus près des « utilisateurs finaux » du terrain. Face à l’urgence à rattraper notre retard, M. Lecornu a dû probablement tordre le bras à l’omnipotente DGA. Du réalisme !

  5. Mikhail Grigoryev dit :

    L’actualité des jours derniers a prouvé encore une fois qu’un pays bien équipé peut supprimer environ 99 % des drones hostiles .
    Pourquoi donc s’entêter dans cette voie « tendance » qui ne peut concerner que des pays du tiers-monde qui ont l’espoir de pouvoir faire  » comme les grands » ?

    • ji_louis dit :

      1) Pour vous faire râler.
      2) Pour avoir des livraisons plus rapides.

    • PK dit :

      « qu’un pays bien équipé peut supprimer environ 99 % »

      On est quand même en-dessous, même si l’ordre de grandeur est bon. Il y a eu entre 6 et 9 frappes au sol, soit sur 300 vecteurs lancés, entre 98 et 97% de succès. Ça, c’est juste pour les vidéos qui montrent les 6/9 frappes… On est sans doute au-dessus. Donc un 95% est certainement plus raisonnable.

      Cela reste impressionnant. Mais pour quel coût ? Est-ce qu’un pays comme l’Iran peut itérer ce genre de frappes ? Combien de temps ? Et vice-versa, est-ce qu’Israël est capable d’itérer ce genre de défense ?

      Le cas de l’Ukraine a montré que la défense avec des bijoux hors de prix n’est pas tenable sur la durée…

  6. Tintinpayeur dit :

    Toute solution permetant de shunter la DGA est une bonne initiative.

    La DGA est a l’armée française ce que serait l’achat d’un réfrigérateur sur le marché francais si nous devions faire expertiser par un contrôleur technique si les portes sont étanches, le système électrique ok et que le materiel est capable de faire du 3 degrés par 27 dans une pieces alors que le constructeur a déjà vérifié cela…
    Au final, le réfrigérateur passerait de 200 euros à 1000 et serait disponible dans 10 ans!

    • Mic dit :

      Pour votre gouverne certains pays, et non des moindres, ne possèdent pas l’équivalent de la DGA et il s’en plaigne car il n’y a aucune planification des besoins, des redondances dans les besoins, plusieurs interlocuteurs en face des industriels et j’en oublie énormément en gros « c’est le bo…el » ….
      Et la vous gueuler parce que la DGA essaye de mettre « en musique » les industriels vis à vis des utilisateurs en l’occurrence l’AdT, la MN, et AA et de l ‘Espace.
      La DGA n’est pas parfaite mais au moins cela sert à quelque chose.
      En plus à la DGA les personnels qui y travaillent sont globalement des personnes très compétentes.
      Je sais de quoi je parle compte tenu de les anciennes activités !

  7. Patrico dit :

    le Ministère des Armées a lancé une procédure inhabituelle…. je rajouterais extrêmement Importante par … sa réactivité à élargir ses « regards » voire les accélérations dans ses démarches Urgentes à se repositionner dans ces « muti » domaines de « matos » qui font tant défauts actuellement à nos Armées ! trés bonne nouvelle.
    Merci Thank you merci a opex360 !

  8. JILI dit :

    Ce qui importe est l’efficacité, la qualité et le résultat avec bien sûr, le marché donné à une entreprise française. Ainsi, cette dernière pourra plus se développer dans la recherche, la production et surtout l’exportation, car chez nous il y en a beaucoup de gens talentueux. De plus pour les garder où qu’ils ne partent plus à l’étranger pour y laisser leur savoir, il est indispensable de réinvestir !

  9. KL42 dit :

    Bon la fourmilière se réveille ils commencent à avoir chaud aux fesses, le retard devient trop important et les contraintes réglementaires trop « ennuyeuses ».
    Bref on va retourner à ce que nous savons mieux faire, la débrouille, la démerde devant l’impossible, le système D.
    Les petits vont devoir trouver des solutions pour que les gros puissent après se gargariser de leur compétences.

    • Mic dit :

      Toujours à râler…..C’est vrai c’est mieux chez les autres ! même si nous ne savons meme pas si ce procédé est abordé, en cours de développement , en cours de mise en place ou opérationnel.