L’Allemagne pourrait finalement lever son veto sur la vente d’avions Eurofighter Typhoon à l’Arabie Saoudite

En mars 2018, l’Arabie Saoudite fit savoir qu’elle avait l’intention d’ouvrir des négociations avec le Royaume-Uni en vue de se procurer au moins quarante-huit avions de combat Eurofighter Typhoon supplémentaires, la Royal Saudi Air Force [RSAF] disposant déjà de 72 appareils de ce type, acquis dans le cadre d’un contrat signé en 2007.

« Nous avons fait un pas important vers la finalisation d’une autre commande d’avions Typhoon, ce qui augmentera la sécurité au Moyen-Orient et stimulera l’industrie et les emplois » au Royaume-Uni, s’était félicité Gavin Williamson, alors ministre britannique de la Défense.

Seulement, il fallait encore obtenir l’aval des trois autres pays impliqués dans le programme Eurofighter, à savoir l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne. Or, en raison du rôle tenu par l’Arabie Saoudite dans la guerre au Yémen et de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi par les services saoudiens, Berlin mit son veto aux ventes d’armes destinées à Riyad.

Depuis, ce dossier s’est enlisé. En juillet, le chancelier allemand, Olaf Scholz, a laissé entendre que la vente d’Eurofighter Typhoon à l’Arabie Saoudite ne se ferait pas tant que la coalition qu’il dirige sera au pouvoir. Soit au moins jusqu’en 2025.

« Il n’y aura pas de décision sur la livraison d’Eurofighter à l’Arabie Saoudite dans un avenir proche », avait en effet déclaré M. Scholz à la presse, en marge du sommet de l’Otan, organisé à Vilnius.

En réalité, la coalition gouvernementale allemande était divisée sur cette question. Si M. Scholz et son ministre des Finances, Christian Lindner, passaient pour être plutôt favorables à cette vente, les Verts et le Parti social-démocrate [SPD] s’y opposèrent fermement.

Faute de pouvoir obtenir de nouveaux Eurofighter Typhoon, l’Arabie Saoudite s’est depuis tournée vers la France, une demande de devis pour cinquante-quatre Rafale ayant été adressée à Dassault Aviation. Sans doute que la récente visite, à Paris, du prince Khalid bin Salman bin Abdulaziz, le ministre saoudien de la Défense, aura permis de faire avancer cette affaire, dans laquelle d’autres considérations entrent en jeu, comme l’avenir de l’aviation de combat. Pour rappel, Tokyo a refusé la participation de Riyad au Global Combat Air programme [GCAP], mené en coopération avec Londres et Rome.

En tout cas, outre-Rhin, l’industrie aéronautique fait pression sur le gouvernement pour qu’il lève son veto sur la vente d’Eurofighter à l’Arabie Saoudite… D’autant plus qu’aucune commande à l’exportation n’a été notifiée depuis celle passée par le Qatar, en 2017. A-t-elle fini par obtenir gain de cause?

En effet, le 7 janvier, pourtant issue des rangs écologistes, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a clairement laissé entendre que Berlin ne s’opposerait plus à la vente de ces Eurofighter Typhoon à Riyad. « Nous ne nous voyons pas, en tant que gouvernement fédéral allemand, nous opposer aux considérations britanniques sur d’autres Eurofighter », a-t-elle en effet déclaré à la presse, en marge d’un déplacement en Israël.

La raison de cette volte-face serait le « rôle constructif » joué par l’Arabie Saoudite dans la crise au Proche-Orient, depuis les attaques du Hamas contre Israël, le 7 octobre dernier.

« Le fait que l’Arabie Saoudite intercepte désormais les missiles tirés par les Houthis sur Israël le souligne, et nous en sommes reconnaissants », a affirmé Mme Baerbock. « Le fait que la force aérienne saoudienne utilise également des Eurofighter dans ce cadre est un secret de Polichinelle », a-t-elle continué. Et de conclure : « L’Arabie Saoudite contribue de manière déterminante à la sécurité d’Israël, même ces jours-ci, et elle contribue à endiguer le risque d’une conflagration régionale ».