La Marine nationale envisage de se doter d’un bâtiment porteur pour ses futurs drones et robots sous-marins

Jusque dans les années 1970, grâce aux « Mousquemers » et au groupe des bathyscaphes du commandant Georges Houot, la Marine nationale était à la pointe de l’exploration des grands fonds marins. Mais, contrairement à ses homologues russe et américaine, elle dut renoncer à cette capacité, qui fut en grande partie reprise par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer [IFREMER].

Seulement, les fonds marins constituent un nouveau champ de conflictualité. En raison des ressources naturelles qu’ils recèlent et de l’évolution des technologies pour les exploiter, ils sont susceptibles de susciter quelques convoitises. Ce qui peut être une source de tensions géopolitiques, comme c’est le cas, par exemple, en Méditerranée orientale. En outre, les infrastructures énergétiques et les réseaux de câbles sous-marins, par lesquels transitent 97% des communications mondiales, peuvent être menacés.

Aussi, en février 2022, le ministères des Armées publia une « Stratégie ministérielle de maîtrise des fonds marins ». Celle-ci se déclinait selon quatre axes : assurer la liberté d’action de la Marine nationale afin de lui permettre de faire face aux stratégies dites « hybrides », protéger les infrastructures sous-marines critiques, avoir la capacité de récupérer des objets « sensibles » dans les abysses et ne pas rester à la traîne des autres pays.

Depuis, le Centre expert dans la plongée humaine et l’intervention sous la mer [CEPHISMER, auparavant appelé « Cellule plongée humaine et intervention sous la mer »] s’est réorganisé autour de trois pôles principaux [maîtrise des risques en plongée, innovation et intervention sous la mer]. En outre, la Marine nationale a mené au moins deux missions « Calliope » avec le drone sous-marin autonome HUGIN Superior, l’objectif étant de préciser sa feuille de route et ses besoins en matière d’exploration des fonds marins.

Enfin, la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 a confirmé un « effort capacitaire d’exploration et de sécurisation des fonds marins », susceptible de reposer sur la « mise en œuvre d’un pôle d’excellence spécialement dédié associant les savoir-faire existants et les initiatives d’innovations publiques et privées du secteur et placé sous l’égide de la Direction générale de l’armement [DGA] et du service hydrographique et océanographique de la marine [SHOM] ». Une coopération entre la Marine nationale et l’IFREMER autour du sous-marin Nautile [capable de plonger à – 6000 mètres, ndlr] sera également étudiée.

Pour répondre aux objectifs fixés par la stratégie ministérielle de maîtrise des fonds marins, la Marine nationale va procéder en trois étapes. La première est déjà en cours, avec les missions Calliope. Grâce à l’investissement de 300 millions d’euros prévu par France 2030, elle devrait disposer, en 2026, des premiers systèmes capables de plonger à 6000 mètres de profondeur. Mais ceux-ci seront partagés avec l’IFREMER et le CNRS. Enfin, elle entend pouvoir mettre en oeuvre ses propres véhicules sous-marins téléopérés [ROV – remotely operated underwater vehicle] et robots autonomes sous-marins [AUV – autonomous underwater vehicle] en 2028.

Seulement, est-il avancé dans le dernier numéro de Cols bleus, « l’utilisation des ROV ou des AUV nécessite […] de disposer de navires de surface en mesure de les mettre à l’eau et de transporter les 6 km du câble nécessaire pour atteindre les grands fonds ».

Actuellement, les missions Calliope sont menées à partir de Bâtiments de soutien et d’assistance métropolitains [BSAM] ou du Bâtiment hydrographique et océanographique [BHO] Beautemps-Beaupré. Mais, même si la LPM 2024-30 ne l’a pas prévu, la Marine nationale envisage de se doter d’un navire dédié.

« La question de la nécessité d’un bâtiment porteur dédié au transport et à l’utilisation des drones et des ROV, comme la marine britannique en a fait dernièrement l’acquisition, reste posée pour l’avenir », a en effet indiqué Cols Bleus.

Effectivement, la Royal Fleet Auxiliary dispose, depuis peu, du RFA Proteus, un ancien navire ravitailleur de plate-forme offshore acquis pour 70 millions de livres sterling et transformé en « navire multirôles de surveillance des océans » [MROSS]. Une seconde unité est prévue.