Les deux plus hauts responsables des forces armées polonaises ont remis leur démission

Le 22 avril, un randonneur tomba sur les restes d’un « objet militaire aérien », portant des inscriptions en cyrillique, dans une forêt située dans la région de Bydgoszcz, à seulement une quinzaine de kilomètres d’un centre d’entraînement de l’Otan. Puis il fut établi que l’engin en question était un missile de croisière russe Kh-55, capable d’emporter une ogive nucléaire.

Évidemment, cette découverte ne manqua de poser quelques questions, la localité de Bydgoszcz étant située à plus de 500 km de l’Ukraine. Puis il apparut que ce Kh-55, probablement utilisé par les Russes pour leurrer la défense aérienne ukrainienne, avait bien été repéré par les moyens de surveillance polonais et américains avant sa chute, survenue… le 16 décembre 2022.

Ayant entrepris de remonter le fil des évènements, le quotidien « Gazeta Wyborcza » avança qu’un hélicoptère avait été vu en train de survoler, à basse altitude, l’endroit où le Kh-55 allait être retrouvé quatre mois plus tard.

Mais, signe de l’embarras suscité par cette affaire, le chef du Commandement forces opérationnelles, le général Tomasz Piotrowski, mit plusieurs jours avant d’évoquer un lien « potentiel » avec les débris trouvés près de Bydgoszcz avec « l’incident » du 16 décembre.

Cela étant, à l’approche des élections législatives polonaises, le gouvernement – qui resta muet jusqu’en mai – ne manqua pas d’être bousculé par l’opposition. Ainsi, le centriste Donald Tusk exigea la démission de Mariusz Blaszczak, le ministre de la Défense, en l’accusant de se « cacher » derrière la hiérarchie militaire pour fuir ses responsabilités. Et sa formation politique alla même jusqu’à qualifier de « propagande » l’affirmation selon laquelle la Pologne disposerait de la « plus puissante armée en Europe » d’ici peu… malgré les innombrables commandes annoncées [et même signées] depuis le début de la guerre en Ukraine.

De son côté, M. Blaszczak s’était effectivement défaussé sur le commandant des forces opérationnelles, en lui reprochant de ne pas l’avoir informé de l’incident du 16 décembre et d’avoir négligé les opérations de recherches de l’engin détecté ce jour-là. Pour autant, il n’exigea pas – officiellement, du moins – sa démission.

Quant au Premier ministre, Mateusz Morawiecki, il assura n’avoir eu vent de cette affaire que fin avril, soit après la découverte des restes du missile… Mais cette version fut contredite par le chef d’état-major des armées, général Rajmund Andrzejczak. Selon ses dires, il aurait prévenu les responsables politiques « au moment des faits ».

Mais, visiblement, l’exécutif polonais tenta de calmer le jeu. Ainsi, le président Andrzej Duda, via le Bureau de la sécurité nationale [BBN] rattaché à la présidence, fit savoir que les informations en sa possession ne « justifiaient pas de décisions personnelles au sein du commandement des forces armées ».

Finalement, six mois plus tard, les deux responsables militaires ont fini par payer les pots cassés. D’après le quotidien « Rzeczpospolita », les généraux Andrzejczak et Piotrowski ont remis leur démission, en raison de leurs désaccords avec leur ministre de tutelle au sujet de l’affaire du missile de Bydgoszcz.

« Je confirme que le général Rajmund Andrzejczak a démissionné lundi de son poste de chef d’état-major », a confirmé une porte-parole de l’état-major polonais. Et d’ajouter que, « comme tout soldat, il a le droit de démissionner sans donner de raison pour expliquer sa décision ». La même réponse a été faite pour le général Piotrowski par le Commandement des forces opérationnelles.

Le BBN n’a pas tardé à réagir. « Hier, les généraux ont décidé de déposer des demandes de rupture de leur relation de service. Leur décision sera acceptée par le Président Andrzej Duda. L’enjeu est de garantir la continuité des opérations. Leurs remplaçants à ces postes de commandement les plus importants des forces polonaises seront rapidement nommés », a-t-il fait savoir.

Évidemment, à quelques jours des élections, ces démissions ont des répercussions politiques. Et M. Tusk a affirmé que dix autres officiers de haut rang souhaiteraient aussi quitter l’armée. Ce qui a été démenti par le BBN et le Commandement général des forces armées.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]

32 contributions

  1. Félix GARCIA dit :

    Ouch …

    Merci pour cet article monsieur LAGNEAU.

  2. reglab dit :

    ca ca pue sévère

    • Achille-64 dit :

      Vous ne lui trouvez pas une petite odeur de Nordstream ?
      … Y’en a …

  3. Math dit :

    Un peu excessive cette affaire, mais la politique n’est jamais très rationnelle. Si les généraux russes démissionnaient à chaque passage de missiles, ce serait un drôle de bazars.

  4. Rémi dit :

    Pas un coup de feu n’a été tiré et l’armée polonaise est déjà en vrac.
    Il faudrait arréter de tout gérer à l’émotion

    • Oliver dit :

      Le mental c’est l’art des politiques sur les masses, élections obligent.
      Les militaires sont pragmatiques par essence et le pipeau n’est pas dans leur arsenal.
      En Russie c’est l’état-major qui joue le rôle de la fanfare pour entretenir les conduitsauditifs de « godfather ».

  5. Patadouf dit :

    Le problème des « décharges sauvages » n’a pas de frontières…

  6. appolo dit :

    Cet incident montre bien (en dehors des bisbilles polono-polonaises) que l’otan et la russie font tout pour ne pas envenimer le conflit et le voir déborder des frontières ukrainiennes.
    On se gausse souvent des fameuses lignes rouges russes, qui sont enfoncées à chaque fois sans aucune réaction du kremlin, on a la même chose de l’autre coté. Ce missile était probablement une erreur, et si les us ou la pologne avait révélé cet incident, ils auraient du riposter. Et du coté russe, on s’est bien gardé de toute publicité/propagande sur le sujet. Comme en plus il n’a rien touché, facile de placer la poussière sous le tapis

    • dolgan dit :

      On aurait pu risposter. Aucune obligation. On ne l a d ailleurs pas fait car on n a pas considéré cela comme une aggression.

    • Oliver dit :

      N’empêche l’union stratégique russo-iranienne est à prendre avec attention.
      L’Arc chiite si cher à Téhéran va jouer la déstabilisation d’Israël au demeurant gouverné d’une crasse incompétence depuis l’arrivée des religieux extrémistes auprèsde l’affairiste Netanyahu. Le Hamas pariant sur la surréaction israélienne face au « choc et effroi » des évènements récents.
      De quoi lancer en torpillant les accords d’Abraham, une unité sunnite/chiite derrière un jihad interconfessionnel musulman contre la civilisation judéo-chrétienne.
      La Turquie frèriste va-t-elle quitter l’OTAN ?
      Le Qatar frériste rejoindra-t-il cette mortifère alliance ?
      Quid de l’Égypte, les Emirats Arabes Unis, le Pakistan etc…

      Des Rafales contre l’Europe avant la fin de cette décennie !

  7. lym dit :

    C’est quand même joueur d’utiliser comme leurre un missile pouvant emporter une charge nucléaire… Surtout quand sa fiabilité toute soviétique l’envoie si loin de sa cible aux portes d’un camp de l’OTAN.

    • KL42 dit :

      Les echecs vous connaissez ??? Les meilleurs ont toujours trois coups d’avancent.
      Les ricains jouent au poker, c’est pas du tout la même philosophie.
      Les rosbeefs jouent au bridge, un truc de vieux.
      Et nous nous avons la belote, c’est plus conviviale.

      • Thierry le plus ancien dit :

        moa je voit plutôt l’échec de plus d’un missile russe défaillant qui n’est pas capable d’atteindre sa cible et va se perdre à pétaouchnoque. Ni le premier ni le dernier, tous les pays voisin de la Russie peuvent commencer une collection de ces machins de « haute technologie » russe…

      • dolgan dit :

        et les russes la roulette russe.

      • Castel dit :

        On a aussi le Tarot, l’avantage est qu’en plus de jouer aux cartes, on peut toujours essayer de deviner l’avenir…..

        • Aruspice dit :

          Pour prévoir l’avenir, le tarot, c’est une escroquerie.
          La seule chose qui fonctionne à coup sûrvpour lire l’avenir, c’est les entrailles animales.
          Pour savoir si le futur vous sera propice, consultez sans plus attendre un vrai aruspice.

      • EchoDelta dit :

        Et le ministre polonais joue au Blackjack…

    • d9pouces dit :

      Mais à peu près tous les missiles pouvant être utilisés comme leurre sont capables d’emporter une charge nucléaire.
      En pratique, ce ne sont pas exactement les mêmes missiles (ce ne sont pas les mêmes versions), mais on ne peut pas faire la différence entre les deux versions quand ils sont en vol (un peu comme si on voulait faire la différence entre un Mirage 2000N et un Mirage 2000D au ras du sol).

      • Niko dit :

        Le 2000N a le nez noir!

        • Pascal, (l'autre) dit :

          « Le 2000N a le nez noir! » Celui du 2000 D est vert et ne possède pas de sonde Chaffois, mais lui possède des lance leurres sur l’arête dorsale, est intégralement camouflé à la différence du « N » mais…………………………..voir tous ses détails quand ils déboulent en « radada » à + de 800 kilomètres par heure sous un ciel très nuageux, pas sur qu’un champion en « recognition (identification visuelle) y arrive!

    • Franz dit :

      Surtout que la charge militaire doit coûter très peu de choses par rapport au reste du missile… j’ai de la peine à concevoir qu’on en utilise un inerte pour leurrer une défense ennemie.
      Qui a un avis éclairé sur la question SVP ?

      • dolgan dit :

        il y a des cas referencés de missiles russes avec tete d exercice . mais le plus souvent, ils encadrent un bon missile par plusieurs plus anciens/moins precis.

      • VinceToto dit :

        Les modèles anciens de Kh-55 n’étant pas très précis au niveau frappe conventionnelle, etc. leur utilisation comme leurres semble logique.
        Possibilités: Un leurre inerte, sans charge, peut recevoir certains renforcements/blindages qui lui permettent de mieux résister à des tirs AA. Certains peuvent recevoir plus de carburant à la place de la charge explosive. Il y a aussi d’autres dispositifs qui peuvent se rajouter sur un missile sans charge: reco, guerre elec, etc. .

  8. Alfred dit :

    C’ est d’autant plus joueur que ça suit le discours du 8 décembre 2022, au cours duquel l’emploi des armes nucléaires tactiques avait été évoqué. Le point de chute pourrait donc ne pas être aussi fortuit qu’il y parait dans l’hypothèse d’une démonstration destinée à etayer le discours. D’où, peut-être, la volonté politique polonaise de calmer le jeu en enterrant l’affaire sous la pression américaine.Mais il ne s’agit évidemment que de suppositions qui demandent à être confirmées ou infirmées

    • Pirlouis dit :

      Bien vu. Avec M Poutine le billard à 3 bandes n’a plus de secret. Et la démocrature polonaise en devenir n’est pas encore en mesure de réagir aux provocations russes.

  9. Bob dit :

    On apprend que maintenant que la Russie a bombardé la Pologne, un pays de l’OTAN sans réponse ni de la Pologne, ni de l’OTAN. Il est clair qu’au delà des rodomontades et des palabres des hiérarques de l’OTAN, il n’y a pas grand chose à montrer à la Russie. Il est clair aussi que les chefs qui ont le pouvoir d’utiliser la bombe H ou A ne le feront pas donc sans armée conventionnelle comme maintenant mis à part refouler les réfugiés et former des gaillards ukrainiens jusqu’au niveau compagnie, les carottes sont cuites.

  10. Castel dit :

    On a aussi le Tarot, l’avantage est qu’en plus de jouer aux cartes, on peut toujours essayer de deviner l’avenir…..

  11. fab le vrai dit :

    Je pense que si le ministre Blaszczak n’avait pas été informé par son état-major, il aurait exigé des démissions. Donc il a menti.
    Le fait de faire monter en puissance les forces armées polonaises en ouvrant en grand les carnets de commande, sans réelle réflexion sur la stratégie d’emploi de tous ces matériels, ni anticipation sur les forces vives pour entretenir/utiliser ces matériels nous garantit probablement de gros problèmes dans les années qui viennent pour les états-major polonais. Peut-être que ces 2 généraux ne souhaitent pas être les bouc-émissaires d’un parti au pouvoir qui ne saura pas gérer.

  12. KEL-TO dit :

    cedant arma togae ça c’est pour le classieux !
    pour le reste
    il en est partout de même sous le soleil ,
    on a encore trouvé rien de mieux comme fusible qu’un officier qui bien souvent à l inverse d’un politicien
    accepte sans trop broncher un chapeau un peu grand à porter . mes respects aux polaks