La France va donner un nouveau lot de missiles Aster et des centaines de véhicules de l’avant blindé à l’Ukraine

Depuis plus de deux semaines, la Russie a intensifié ses attaques contre les insfrastructures critiques ukrainiennes en lançant des dizaines de drones kamikazes [ou munitions téléopérées – MTO] et de missiles de croisière. En outre, elle a également généralisé l’emploi de bombes planantes « KAB-1500B » et « KAB-3000 » conçues pour détruire les cibles militaires hautement protégées à une distance de sécurité. Selon Kiev, au moins 3500 auraient été larguées par les chasseurs-bombardiers russes depuis le 1er février.

L’enchaînement de ces frappes de grande ampleur ne peut que dégrader les capacités ukrainiennes en matière de défense aérienne. Or, celles-ci sont limitées étant donné qu’elles reposent sur l’aide militaire fournie par les partenaires occidentaux de l’Ukraine. D’où les appels insistants de Kiev pour les renouveler, voire les renforcer.

« Donnez-nous ces foutus Patriot », s’est énervé Dmytro Kuleba, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, dans un entretien à Politico, le 25 mars.

Pour rappel, l’Ukraine a reçu plusieurs batteries de défense aérienne Patriot de la part des États-Unis et de l’Allemagne. En outre, la France et l’Italie ont noué une coopération pour lui fournir un système SAMP/T [Sol-Air Moyenne Portée / Terrestre, ou Mamba], lequel a été déployé dans la région de Kiev.

Seulement, faute d’un accord au Congrès, les États-Unis ne sont actuellement pas en mesure de répondre aux demandes des autorités ukrainiennes. Quant aux Européens, il leur est évidemment impossible de donner ce qu’ils n’ont pas…

D’où la pression que met désormais Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, sur MBDA et ses sous-traitants afin d’accélérer la cadence de production des missiles intercepteurs Aster 30, utilisés par le SAMP/T ainsi que par les systèmes surface-air de la Marine nationale.

« La Russie […] est en train de durcir ses frappes et singulièrement sur les populations et infrastructures civiles. Je m’apprête donc à débloquer un nouveau lot de missiles Aster 30 pour le dispositif SAMP/T donné à Kiev », a d’abord annoncé M. Lecornu, dans les pages de la Tribune Dimanche, ce 31 mars.

Lors d’une conférence de presse donnée cinq jours plus tôt, le ministre avait indiqué qu’il allait signer une commande « anticipée » de 200 missiles Aster, en plus de celle notifiée en janvier 2023 pour 900 millions d’euros. Et cela aussi bien pour les besoins des forces françaises que pour ceux de l’Ukraine.

Parce que la Marine nationale en utilise en mer Rouge pour contrer les attaques des rebelles houthis contre le trafic maritime et que l’Ukraine en a un besoin urgent, « MBDA nous doit des livraisons rapides », a dit M. Lecornu à la Tribune Dimanche. Aussi, a-t-il ajouté, les décrets « sur le pouvoir de police du ministre des Armées en matière d’obligation de stocks, de priorisation des contrats, et même de réquisition » ont été publiés au Journal officiel.

« J’ai demandé à la Direction générale de l’armement [DGA] de me faire des propositions de mise en œuvre de ces mesures pour accélérer la production du missile Aster. À ce stade, je n’identifie pas de besoin de réquisition. Néanmoins, la DGA va faire une première injonction à MBDA afin qu’il constitue des stocks suffisants de composants. Pour être clair, j’exige la constitution de stocks pour produire des munitions », a expliqué le ministre.

Par ailleurs, M. Lecornu a aussi annoncé l’envoi d’un nouveau lot de Véhicules de l’avant blindé [VAB], l’armée de Terre remplaçant les siens par des Véhicules blindés multi-rôles [VMBR] Griffon et Serval.

« Pour tenir une ligne de front aussi grande, l’armée ukrainienne a besoin par exemple de nos véhicules de l’avant blindé : c’est absolument clé pour la mobilité des troupes, et cela fait partie des demandes des Ukrainiens », a-t-il dit. « On peut en parler en centaines pour 2024 et début 2025 », a-t-il précisé.

Selon une liste publiée le 4 mars par le ministère des Armées, la France a déjà livré 250 VAB à l’armée ukrainienne. Au moins 21 d’entre eux ont été détruits ou endommagés.

Cela étant, l’Ukraine est confrontée à un autre problème : celui du recrutement. En novembre dernier, le journal autrichien Exxpress, en s’appuyant sur les données d’Eurostat, avait indiqué que 650’000 Ukrainiens en âge de combattre avaient fui leur pays depuis le 24 février 2022. Ce qui fait que l’âge moyen des soldats envoyés sur la ligne de front est de 43 ans.

En décembre, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, avait déclaré qu’il faudrait recruter « 450’000 à 500’000 soldats supplémentaires ». Un projet de loi allant dans ce sens est en cours d’examen par le Parlement. Mais celui-ci tarde à se prononcer, en raison de désaccords sur l’opportunité de prendre des mesures coercitives pour atteindre un tel objectif.

« À vrai dire, la mobilisation est une patate chaude et personne ne veut la tenir. L’armée a besoin de beaucoup plus de personnel. Mais Zelensky ne veut pas assumer la responsabilité de la mobilisation et dit que cela dépend des ministères, lesquels ont peur de se brûler les mains et disent que cela dépend du Parlement », a décrit Mykola Kniazhytskyi, un député de l’opposition, à Politico.

« L’hésitation occidentale à fournir les armes dont nous avons besoin n’aide pas en termes de mobilisation. Si la seule chose que vous entendez du front, c’est qu’ils n’ont pas assez d’armes pour combattre, alors évidemment cela rend les gens encore plus sceptiques quant à leur enrôlement », a expliqué Ivanna Klympush-Tsintsadze, ancienne vice-Première ministre chargée de l’intégration européenne et euro-atlantique de l’Ukraine.

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