Faute de marins, la Royal Navy pourrait prématurément retirer deux frégates du service

Quelques mois avant la guerre des Falklands/Malouines, en 1982, le Royaume-Uni était en mesure d’aligner trois porte-avions, deux navires d’assaut amphibie, cinquante-trois frégate, treize destroyers, un croiseur, vingt-deux patrouilleurs et trente-six bâtiments dédiés à la guerre des mines. Depuis la fin de la Guerre Froide, elle n’a cessé de perdre des unités… au point que, en 2016, un rapport parlementaire s’était inquiété de cette tendance, en estimant que la Royal Navy n’aurait bientôt plus les moyens d’honorer l’ensemble de ses engagements.

Il n’y a pas si longtemps encore, celle-ci comptait dix-neuf navires de surface dits de « premier rang », à savoir six destroyer de type 45 [classe Daring] et treize frégates de type 23. En 2019, après l’affaire du pétrolier Stena Impero, arraisonné par l’Iran, le débat sur le format de la Royal Navy avait repris de la vigueur, certains l’ayant estimé insuffisant au regard de l’ensemble de ses missions [protection des approches maritimes face à une activité accrue des sous-marins russes, engagements au sein de l’Otan, déploiements en Indo-Pacifique, etc.].

« Il ne fait aucun doute que la [réduction] de la taille de la Royal Navy depuis 2005 – passée de 31 frégates et destroyers à 19 aujourd’hui – a un impact sur notre capacité à protéger nos intérêts partout dans le monde », avait ainsi déploré l’ex-contre-amiral Alex Burton, emboîtant ainsi le pas à l’amiral Alan West, « First Sea Lord » entre 2002 et 2006.

Depuis, la situation ne s’est pas arrangée, le nombre de navires dits de premier rang ayant encore été réduit, après le retrait des frégates de Type 23 HMS Monmouth [en 2021] et HMS Montrose [en 2023]. Visiblement, la Royal Navy n’est pas au bout de ses peines. En effet, selon des informations du quotidien The Telegraph, elle pourrait perdre deux unités de plus, à savoir les HMS Westminster et HMS Argyll. Et ce n’est pas fini : elle pourrait également être obligée de se passer de ses deux derniers navires d’assaut amphibie – les HMS Albion et HMS Bulwark – alors que ceux-ci devaient rester en service jusqu’en 2030. Et cela est perçu, outre-Manche, comme étant le « début de la fin » pour les Royal Marines.

Selon les explications données par les responsables du ministère britannique de la Défense [MoD], le retrait anticipé de ces navires est lié aux gros problèmes de la Royal Navy en matière de recrutement, le nombre des incorporations ayant chuté de 22,1% en 2023. Aussi, elle n’a plus assez de marins et doit donc tailler dans le vif… alors qu’elle doit préparer, dans le même temps, l’arrivée de ses premières frégates de type 26 [huit exemplaires ont été commandés].

Le souci est que la première frégate de la série – la HMS Glasgow -ne sera pas opérationnelle avant 2028… Et que les suivantes ne devraient pas l’être avant 2030. En outre, les frégates de Type 23 ont récemment fait l’objet d’une modernisation, d’où le sentiment de gâchis…

« La Royal Navy est obligée, par manque de marins, de mettre ses navires en veilleuse peu de temps après des carénages qui ont coûté des millions aux contribuables. C’est une preuve supplémentaire de l’incapacité du gouvernement à s’attaquer aux problèmes profonds de la défense », a critiqué John Healey, le responsable des questions militaires au sein du Parti travailliste [qui, sur ce point, n’a pas non plus trop de leçons à donner….].

« Nous perdons des navires opérationnels, ce qui est très bien tant qu’il n’y a pas de guerre dans les prochaines années », a ironisé l’amiral West. « Si le gouvernement avait pris au sérieux la question du nombre de frégates au cours des dix dernières années, il y en aurait suffisamment pour répondre aux exigences de protection en mer Rouge », a-t-il confié au Telegraph.

Ancien président du comité restreint de la Défense au sein du Parlement, le conservateur Tobias Ellwood est sur la même ligne. « Pendant la guerre du Golfe, la Royal Navy comptait cinquante et une frégates et destroyers. Ce nombre tombera bientôt à seulement seize. Pourtant, notre monde est plus dangereux que jamais depuis 1945. Le format actuelle de la marine est tout simplement insuffisant pour faire face aux menaces toujours plus complexes qui nuisent à notre économie », a-t-il fait valoir.

Cela étant, pour le MoD, il n’y a pas péril en la demeure. « Les besoins de la Royal Navy sont constamment examinés. Le ministère de la Défense s’engage à garantir qu’elle puisse disposer des capacités dont elle a besoin pour répondre aux besoins opérationnels actuels et futurs », a déclaré un porte-parole. « Les larmes de nos souverains ont le goût salé de la mer qu’ils ont ignorée », avait pourtant prévenu le cardinal de Richelieu.

Photo : HMs Argyll