La Pologne évoque une violation de son espace aérien après une frappe massive de la Russie contre l’Ukraine

Fin octobre, le renseignement britannique fit le constat que les bombardiers stratégiques russes n’étaient plus engagés dans des missions de guerre contre l’Ukraine depuis plus d’un mois, alors qu’ils avaient été jusqu’alors régulièrement sollicités depuis le début du conflit pour effectuer des frappes à longue distance contre des infrastructures stratégiques ukrainiennes.

Cette inactivité pouvait avoir au moins deux explications. Selon la première, la force aérienne russe aurait voulu ménager le potentiel de ses bombardiers à cause de possibles difficultés pour assurer leur maintien en condition opérationnel [MCO], rendu sans doute plus compliqué à cause de leur âge [les premiers exemplaires du Tu-95 « Bear » furent mis en service en 1956, ndlr].

La seconde hypothèse était que les Tu-95 « Bear », Tu-22 « Backfire » et autres Tu-160 « Blackjack » manquaient de missiles de croisière Kh55/101 [ou AS-23 « Kodiak »]. Le renseignement britannique pencha pour celle-ci.

« Il est presque certain que la Russie a dû réduire la fréquence de ses attaques pour reconstituer son stock de missiles de croisière AS-23a Kodiak, qui s’amenuise » et elle « utilisera probablement toutes les munitions de ses bombardiers lourds à longue portée récemment produites pour frapper les infrastructures énergétiques ukrainiennes au cours de l’hiver », avait-il en effet estimé.

Effectivement, ce scénario envisagé il y a deux mois s’est joué ce 29 décembre, soit quelques heures après que les États-Unis ont débloqué leur dernière tranche d’aide militaire disponible au profit de Kiev. En effet, les forces russes ont tiré au moins 158 missiles et drones contre des infrastructures critiques, des installations industrielles et des sites militaires ukrainiens. Des bâtiments civils ont également été touchés.

« Nous n’avions pas vu autant de rouge sur nos écrans depuis longtemps », a commenté le colonel Iouri Ignat, le porte-parole de la force aérienne ukrainienne. Selon lui, rapporte l’AFP, la Russie a tiré un « nombre record de missiles » en une seule journée, en excluant toutefois les frappes effectuées durant les premiers jours de la guerre.

Selon les informations livrées par l’état-major ukrainien, au moins dix-huit bombardiers Tu-95MS « Bear » ont tiré un total de 90 Kh-101/Kh-55. Des Tu-22M3 « Backfire » ont visé les régions situées dans le nord et le centre de l’Ukraine avec 8 missiles supersoniques Kh-22/Kh-32 [habituellement utilisés pour lutte antisurface]. Enfin, cinq avions de combat MiG-31K ont chacun lancé un engin hypersonique Kh-47M2 « Kinjal » depuis la « région d’Astrakhan » tandis qu’un chasseur-bombardier Su-35 a utilisé quatre missiles antiradar Kh-31P.

En outre, des missiles S-300/S-400, ordinairement utilisés pour la défense, ainsi que des engins balistiques Iskander-M auraient été tirés depuis la Crimée, Belgorod et Koursk en direction de Kharkiv. L’état-major ukrainien a dit en avoir compté 14.

Enfin, la Russie a eu de nouveau recours à des munitions téléopérées [MTO, ou « drone kamikaze »]. Toujours selon Kiev, 36 Shahed 136/131 auraient été lancés, dont 10 contre la localité de Lviv, qui, située dans l’ouest de l’Ukraine, avait été jusqu’ici relativement épargnée par les frappes russes. Le maire de la ville, Andriy Sadovyi, a évoqué un « incendie dans une installation cruciale », sans en dire davantage.

Si Moscou a assuré que toutes les cibles visées ont été atteintes [ce qui reste à démontrer], les forces ukrainiennes ont affirmé avoir détruit 27 Shahed 136/131 et 87 missiles de croisière Kh-101/Kh-55. Évidemment, il n’est pas possible de vérifier cette affirmation. Cependant, si l’on se fie à cette dernière, les Kh-32, S-300/400, Iskander-M et autres Kinjal n’ont pas, a priori, été interceptés.

Quoi qu’il en soit, en marge de cette attaque par saturation, un « objet volant non identifié » est entré dans l’espace aérien de la Pologne, membre de l’Otan.

« L’objet est arrivé depuis la frontière avec l’Ukraine. Il a été observé par les moyens radar de notre système de défense aérienne », a déclaré le colonel Jacek Goryszewski, le porte-parole du commandement opérationnel des forces armées polonaises. « Il y avait d’intenses bombardements du territoire ukrainien cette nuit donc cet incident peut bien y être lié », a-t-il dit, avec prudence.

Visiblement, cet incident est sans doute bien plus grave qu’il en a l’air… En effet, le chef d’état-major polonais, le général Wieslaw Kukula, a ensuite déclaré que « tout indique qu’un missile russe a pénétré dans l’espace aérien » de la Pologne. « Nous l’avons repéré au moyen d’un radar. Il a quitté cet espace aussitôt, en direction de l’Ukraine », a-t-il ajouté.

Photo : Tu-95 « Bear »

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