La Royal Navy va envoyer le patrouilleur HMS Trent au Guyana; Le Venezuela dénonce une « provocation »

Colonisé au début du XVIIe siècle par les Pays-Bas, qui le cédèrent à la couronne britannique deux cents ans plus tard, le Guyana obtint, non sans difficulté, son indépendance en 1966. Entre-temps, une commission d’arbitrage formée à Paris, en 1899, avait décidé que le Territorio Esequibo, revendiqué par le Venezuela, serait placé sous la domination du Royaume-Uni. D’où le litige qui oppose actuellement Georgetown à Caracas.

Ces dernières années, ce différend territorial a repris de la vigueur en raison de la découverte d’importantes réserves de pétrole [estimées à au moins 9 milliards de barils] et de gisements d’uranium, d’or, de manganèse et de bauxite. Ces ressources expliquent d’ailleurs la vitalité économique du Guyana, qui connaît désormais un taux de croissance à deux chiffres [environ 38% cette année].

Depuis 2015, le Venezuela met une pression croissante sur le Guyana, avec l’intention affichée de remettre la main sur l’Essequibo, appelé « Zona en reclamación » à Caracas.

Ce mois-ci, le régime « bolivariste » vénézuélien, dirigé par Nicolas Maduro, a organisé un référendum sur l’éventuelle intégration de l’Essequibo [donc sur son annexion] au Venezuela. Ce sujet faisant consensus, le « oui » l’a largement emporté… alors que, trois jours plus tôt, saisie par Georgetown, la Cour internationale de justice [CIJ] de La Haye avait appelé Caracas à ne pas mener « d’action susceptible de modifier la situation dans le territoire en litige ».

Reste que, commentant les résultats du référendum, M. Maduro avait salué les « premiers pas d’une nouvelle étape historique dans la lutte pour ce qui nous appartient, pour récupérer ce que les libérateurs nous ont laissé ».

Dans cette affaire, le Guyana peut compter sur le soutien du Brésil et des États-Unis. Le 7 décembre, le Pentagone a ainsi annoncé la tenue d’exercices militaires dans ce pays et promis que son commandement pour l’Amérique du Sud [U.S. Southern Command] allait poursuivre « sa collaboration avec les Forces de défense guyaniennes dans les domaines de la préparation aux catastrophes, de la sécurité aérienne et maritime et de la lutte contre les organisations criminelles transnationales ».

Cela étant, même si les forces guyaniennes ne font pas le poids face à leurs homologues vénézuéliennes, il n’est pas certain que Caracas prenne le risque d’envoyer éventuellement ses troupes combattre dans la jungle de l’Essequibo. En revanche, une action dans les eaux territoriales du Guyana n’est pas exclue.

D’ailleurs, alors que les deux pays ont récemment pris l’engagement de ne pas recourir à la force pour régler leur litige, la compagne d’assurance Lloyd’s a ajouté le Guyana à sa liste des zones où la navigation est risquée. D’où, sans doute, la décision que vient d’annoncer le ministère britannique de la Défense [MoD].

« Le HMS Trent se rendra au Guyana, allié régional et partenaire du Commonwealth, plus tard ce mois-ci, dans le cadre d’une série d’engagements dans la région, à l’occasion de son déploiement dans l’Atlantique », a en effet confirmé un porte-parole du MoD auprès de la BBC, ce 25 décembre.

Pour rappel, récemment admis au service, le HMS Trent est un patrouilleur hauturier affichant 1800 tonnes de déplacement pour une longueur de 90,5 mètres. Ayant une autonomie de 35 jours et pouvant naviguer à la vitesse de 24 noeuds, il est mis en oeuvre par environ 70 marins. Il est armé d’un canon Bushmaster de 30 mm et de quatre mitrailleuses. Ses moyens sont complétés par un hélicoptère Merlin et/ou des drones aériens. Actuellement, il se trouve à Bridgetown [Barbade], après avoir quitté son port d’attache de Gibraltar au début de ce mois.

Cette « décision […] fait partie d’un effort croissant du Royaume-Uni pour montrer son soutien diplomatique international au Guyana », estime la BBC.

L’annonce du MoD survient une semaine après la visite faite à Georgetown par David Rutley, le secrétaire d’État adjoint des Affaires étrangères chargé des Amériques. « La question des frontières est réglée depuis plus de 120 ans. Les frontières souveraines doivent être respectées où qu’elles se trouvent dans le monde. Le Royaume-Uni continuera à travailler avec ses partenaires de la région, ainsi qu’avec les organismes internationaux, pour garantir le respect de l’intégrité territoriale du Guyana », avait-il assuré à cette occasion.

¿Un buque de guerra en aguas por delimitar? ¿Y entonces? ¿Y el compromiso con la buena vecindad y la convivencia pacífica? ¿Y el acuerdo de no amenazarse y utilizar la fuerza mutuamente en ninguna circunstancia?

¡Seguimos alertas ante estas provocaciones que ponen en riesgo la… pic.twitter.com/7nqifgGULn

— Vladimir Padrino L. (@vladimirpadrino) December 24, 2023

Quoi qu’il en soit, l’arrivée du patrouilleur de la Royal Navy au Guyana est vue d’un mauvais oeil à Caracas. « Un navire de guerre? Et ensuite? Et l’engagement à faire preuve de bonne volonté et à la coexistence pacifique? Et quid de la promesse de ne pas recourir à la menace et de n’utiliser la force dans aucune circonstance », a réagi Vladimir Pedro Lopez, le ministre vénézuélien de la Défense. Et d’ajouter : « Nous restons en alerte face à ces provocations qui font peser un risque pour la paix et la stabilité de la Caraïbe ».

Photo : Royal Navy