À Berlin, on doute de plus en plus de l’avenir du char franco-allemand de nouvelle génération

Lancé en 2017 par la France et l’Allemagne [qui en a obtenu la direction], le programme MGCS [Main Ground Combat System / Système principal de combat terrestre] vise avant tout à mettre différents systèmes d’armes [blindés, robots, drones, etc] en réseau grâce à un « cloud » de combat. « S’appuyant sur les nouvelles technologies, les algorithmes et l’intelligence artificielle, l’automatisation innervera l’ensemble des fonctions et participera à la supériorité tactique, tout en restant sous la responsabilité du commandement inhérente à la conduite du combat », explique ainsi la Direction générale de l’armement [DGA].

Le développement d’un char lourd de combat franco-allemand, appelé à remplacer le Leclerc et le Leopard 2, est, jusqu’à présent, la partie « visible » du MGCS. Et pour le mener à bien, Paris et Berlin favorisèrent le rapprochement entre Nexter et Krauss-Maffei Wegmann [KMW], les deux entités s’étant depuis fondues sous la marque KNDS.

Seulement, le gouvernement allemand imposa un troisième acteur, à savoir Rheinmetall. Et cela n’a pu que compliquer le partage des tâches à 50-50 entre les deux parties…

« Nous vivons une situation difficile avec le MGCS. KDNS est née de la fusion de Nexter et de KMW pour réunir les industries de défense allemandes et françaises. Notre partenaire technologique Rheinmetall nous a rejoint plus tard, à la demande du gouvernement fédéral. L’Allemagne s’est ainsi lancée dans un triangle amoureux qui n’était pas prévu initialement », a ainsi récemment déploré Ralf Ketzel, le responsable de la division allemande de KNDS.

Pour autant, en juillet, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, et son homologue allemand, Boris Pistorius, ont une nouvelle fois assuré que le MGCS irait jusqu’au bout.

« Ni un nouveau Leclerc, ni un nouveau Léopard, le MGCS opère un saut technologique majeur qui sera en service jusqu’en 2070 », avait alors lancé M. Lecornu, avant d’annoncer que les états-major français et allemand allaient plancher sur une fiche commune d’expression des besoins… Six ans après le coup d’envoi du programme.

Depuis, on a appris que Paris verrait d’un bon oeil une participation italienne au MGCS afin de « rééquilibrer » le rapport de force avec la partie allemande…

Seulement, la question est de savoir si le MGCS impliquera nécessairement le développement d’un char de combat de nouvelle génération. La France le souhaite, afin de pouvoir remplacer les Leclerc à l’horizon 2035. Au point que, lors des débats portant sur la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, un amendement du Sénat demandant la mise au point d’un démonstrateur de Leclerc Mk3, n’a pas été adopté, à la demande du ministre.

Outre-Rhin, la musique est toute autre. En effet, certains industriels et élus ne voient pas la nécessité de financer le développement d’un nouveau char dans l’immédiat puisqu’il existe déjà, avec le Leopard 2A8, la derniere évolution du Leopard 2. Et plusieurs pays ont fait part de leur intention de se le procurer… à commencer par l’Allemagne.

Citant les milieux gouvernementaux et industriels allemands, le quotidien économique Handelsblatt l’a affirmé sans ambage, le 4 septembre : le MGCS est sur le point d’échouer, les « divergences » entre Paris et Berlin étant trop importantes.

« Nous ne croyons plus au MGCS », a déclaré une source industrielle allemande au journal, pour qui « l’échec imminent » du projet reflète les difficultés « de la coopération en matière d’armement entre Berlin et Paris ».

Cependant, en avril, Susanne Wiegand, la PDG du groupe Renk, qui fournit la boîte de transmissions du Leopard 2, avait fait le même constat dans les pages de l’hebdomadaire Wirtschaft Woche. « Depuis l’attaque de la Russie contre l’Ukraine, beaucoup de pays européens ont commandé des Leopard 2 à Krauss-Maffei Wegmann pour leurs forces armées, au point qu’il n’y a peut-être plus de place pour le MGCS pour le moment », avait-elle en effet estimé.

Et certains pensent la même chose dans les milieux politiques allemands. Tel est par exemple le cas du député Andreas Schwarz, qui, entre autres, est le rapporteur du groupe du Parti social-démocrate [SPD, membre de la majorité] sur le budget du ministère de la Défense.

« En tant que responsable du budget de la défense, je ne peux que dire qu’avec le Leopard 2, nous avons un char éprouvé, dont le développement devrait être encore plus poussé grâce à des financements supplémentaires », a soutenu M. Schwarz, via X/Twitter, en commentant l’article du Handelsblatt. Ainsi, a-t-il continué, cela permettrait d’éviter des crises de nerf, de gagner du temps et de faire des économies… car « avec le Leopard 2, nous savons ce que nous avons ».

Voici une déclaration qui a le mérite d’annoncer la couleur… et qui laisse augurer des débats passionnés quand il s’agira pour le gouvernement allemand de demander au Bundestag les crédits nécessaires pour financer le MGCS.

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