Des ressortissants chinois ont pu accéder à des sites militaires américains en jouant les touristes

En mai, un véhicule tenta de forcer l’entrée de Fort Wainwright [Alaska], où est implantée la 11e division aéroportée de l’US Army. Il s’avéra par la suite que ses occupants étaient des ressortissants… chinois. Se faisant passer pour des touristes, ceux-ci affirmèrent qu’ils avaient une réservation dans l’un des hôtels de la base… Ce qui est possible aux États-Unis, où, via l’Army and Air Force Exchange, les grandes marques de la restauration et de l’hôtellerie sont autorisées à gérer des établissements au sein des emprises militaires. Seulement, un drone fut découvert lors de la fouille de leur voiture, ce qui mit à mal leur histoire.

Cette affaire, aussi rocambolesque soit-elle, n’est pas un cas isolé aux États-Unis. C’est en effet ce que rapporte le Wall Street Journal, ce 4 septembre. « Des ressortissants chinois, se faisant parfois passer pour des touristes, ont accédé à des bases militaires et à d’autres sites sensibles au moins à 100 reprises au cours de ces dernières années », écrit le quotidien, qui cite des responsables américains. Et selon ces derniers, de tels incidents peuvent être vus comme une « menace potentielle d’espionnage ».

Cependant, que des individus arrivent devant une base militaire et tentent d’y pénétrer est monnaie courante. Pour la plupart, explique le Wall Street Journal, il s’agit de conducteurs qui ne savent pas où ils sont censés aller. Il font généralement demi-tour sans problème. Mais certains cas justifient des contrôles supplémentaires, voire une enquête.

À plusieurs reprises, des ressortissants chinois ont été pris en train de prendre des photographies sur un champ de tir de l’US Army, comme à White Sands [Nouveau Mexique], situé non loin d’un site touristique. Même chose pour un centre du renseignement établi à Key West [Floride], où de pseudo-touristes chinois ont régulièrement été repérés en train de nager dans les eaux proches de ce site tout en prenant, là encore, des photographies. Et une affaire du même ordre concerne Cap Canaveral, d’où sont lancés, notamment, les satellites militaires américains.

Le phénomène concerne aussi les bases militaires installées dans des zones rurales généralement peu propices à faire du tourisme. Pourtant, lorsqu’ils sont arrêtés, cela n’empêche pas les ressortissants chinois de se présenter comme des touristes « égarés », avance le quotidien économique.

C’est un phénomène « bien connu dans les cercles du renseignement », a commenté Emily Harding, chercheuse principale au Centre d’études stratégiques et internationales de Washington. « L’avantage des Chinois est qu’ils sont prêts à envoyer un grand nombre de personnes à la pêche aux informations. Si quelques-uns sont arrêtés, il sera très difficile pour le gouvernement américain de prouver quoi que ce soit au-delà de leur intrusion. Et ceux qui ne se feront pas arrêter récupéreront probablement quelque chose d’utile », a-t-elle ajouté. Et, effectivement, les cas ayant fait l’objet de poursuites judiciaires sont rares…

Après l’intrusion signalée à Fort Wainwright, la numéro deux du Pentagone, Kathleen Hicks, avait assuré que des mesures allaient être prises afin de « garantir la sécurité des bases militaires ». Et d’ajouter : « Nous prenons très au sérieux la sûreté et la sécurité de nos employés dans nos installations ».

Cela étant, les protocoles de sécurité peuvent laisser à désirer outre-Atlantique, comme en témoigne l’affaire révélée en août. Ainsi, Jinchao [Patrick] Wei n’a pas eu besoin de jouer les touristes pour accéder à la base navale de San Diego… puisqu’il y était affecté après s’être engagé dans l’US Navy alors qu’il n’était pas encore citoyen américain… Et il l’est devenu quand il a commencé à livrer des informations sensibles sur le navire d’assaut amphibie USS Essex [soit soixante manuels techniques, ndlr] aux services de renseignement chinois, en 2022.

Aux États-Unis, les résidents permanents légaux peuvent s’engager dans les forces armées sans avoir préalablement obtenu la nationalité américaine. Environ 5000 recrues sont dans une telle situation, chaque année.

À noter qu’un autre marin de l’US Navy, d’origine chinoise également, a été arrêté pour avoir transmis les plans d’un système radar installé sur l’île d’Okinawa à un « correspondant » des services chinois.

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