Chypre : Les forces chypriotes turques sont accusées d’avoir agressé des Casques bleus de l’UNFICYP

En 1964, le Conseil de sécurité des Nations unies adopta la résolution 186 afin d’autoriser le déploiement d’une force chargée du maintien de la paix à Chypre [UNFICYP], afin de mettre un terme aux affrontements entre les communautés grecque et turque. Et cela alors que, au moment de lui accorder l’indépendance, quatre ans plus tôt, le Royaume-Uni s’était mis d’accord avec la Turquie et la Grèce pour garantir l’équilibre constitutionnel de l’île, avec, le cas échéant, un droit d’intervenir militairement sous certaines conditions.

Seulement, en juillet 1974, des officiers grecs de la Garde nationale lancèrent un coup d’État afin de renverser le président chypriote, l’archevêque Makários III, en vue de réaliser l’Énosis, c’est à dire l’unification de Chypre à la Grèce. Ce qui incita la Turquie à intervenir militairement, dans le cadre de l’opération « Attila ».

Et, depuis, l’île est coupée en deux, avec une zone tampon [appelée « Ligne verte »] séparant la République turque de Chypre du Nord, dont l’existence juridique est seulement reconnue par Ankara, de la République de Chypre [devenue par ailleurs membre de l’Union européenne en 2004, ndlr]. Quant à l’UNFICYP, et faute d’un règlement politique permettant la réunification de l’île, sa mission consiste à surveiller les lignes de cessez-le-feu et la zone tampon ainsi qu’à « entreprendre des activités humanitaires » et à « appuyer les missions de bons offices » du Secrétaire général des Nations unies, qui est actuellement Antonio Guterres.

Justement, dans son dernier rapport sur la situation à Chypre, publié en juillet, celui-ci a déploré le fait que l’UNFICYP devait « encore composer avec d’importantes violations, des défis à
son autorité et des entorses à son aide-mémoire ». Et de « noter avec inquiétude que cette situation pourrait déboucher sur un recours systématique à la politique de la corde raide, ce qui ne ferait qu’envenimer un climat déjà pesant entre les parties ».

« L’empiètement sur la zone tampon de la part des deux parties, principalement sous la forme de constructions non autorisées, mais aussi, à l’occasion, d’incursions militaires, reste l’une des principales sources de tensions, surtout lorsque les faits sont déformés et amplifiés par la désinformation. Outre qu’ils entravent les opérations de l’UNFICYP, ces actes renforcent l’hostilité sur le terrain et entre les parties et comportent des risques de sécurité », a encore dénoncé M. Guterres.

C’est donc dans ce contexte que, ce 18 août, les forces chypriotes turques ont agressé des Casques bleus de l’UNFICYP qui tentaient de bloquer la construction d’une route dans la zone tampon, plus précisément au niveau du village de Pyla, situé non loin de la ville côtière de Larnaca.

« La Force de maintien de la paix des Nations unies à Chypre condamne les agressions contre les Casques bleus des Nations unies et les dommages causés aux véhicules de l’ONU par du personnel de la partie chypriote turque ce matin [18/08] », a en effet déclaré l’UNFICYP, via un communiqué.

Et d’ajouter : « Les menaces à la sécurité des Casques bleus de l’ONU et les dommages causés aux biens de l’ONU sont inacceptables et constituent un crime grave au regard du droit international qui sera poursuivi avec toute la rigueur de la loi. »

Aucune précision n’a été donnée, par la voie officielle, sur l’agression qui a visé les Casques bleus.

Le gouvernement de la République de Chypre n’a évidemment pas manqué de réagir, en dénonçant des « incidents organisés par les forces d’occupation turques » ainsi qu’une « attaque inacceptable contre des membres britanniques et slovaques de la force de maintien de la paix de l’ONU ». Et son porte-parole, Konstantinos Letymbiotis, a accusé la RTCN de vouloir créer de nouveaux « faits accomplis » à Pyla, en y construisant une route reliant le « village occupé d’Arsos à un avant-poste militaire illégal ». Et d’y voir une « tentative de violation très grave du statu quo « .

Signe de la gravité de cet incident, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont exprimé conjointement leur « grande inquiétude face à la construction non autorisée d’une route menant à la zone tampon de l’ONU et aux agressions de forces chypriotes turques sur les Casques bleus ».

Le mandat de l’UNFICYP a été prolongé d’un an en janvier dernier. À cette occasion, le Conseil de sécurité de l’ONU avait de nouveau demandé « aux parties » et à « tous les acteurs concernés » de respecter l’intégrité et l’inviolabilité de la zone tampon, de démanteler toutes les constructions non autorisées, d’empêcher les activités militaires ou civiles non autorisées à l’intérieur de cette zone et le long des lignes de cessez-le-feu » et « de pleinement respecter la liberté de circulation » des Casques bleus sur l’ensemble de l’île ».

MàJ – 1 / Vidéo de l’agression des Casques bleus de l’UNFICYP

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