La Turquie envisagerait d’implanter une importante base navale à Al-Khoms, en Libye

Les années passent et, malgré quelques avancées éphémères, la Libye doit toujours composer avec deux gouvernements rivaux à la légitimité discutable puisque les élections qui permettraient le retour à un semblant d’ordre constitutionnel ont sans cesse été reportées. Et le tout sur fond de tensions récurrentes, comme l’ont encore démontré les combats qui, ayant opposé deux milices implantées dans l’ouest du pays [la « Brigade 444 » et la « Force al-Raada »] ont fait 55 tués et au moins 146 blessés.

Cela étant, cette situation arrange les affaires d’Abdelhamid Dbeiba, le chef du gouvernement d’unité nationale [GUN], établi à Tripoli et reconnu par les Nations unies. En effet, celui-ci fait valoir que son mandat doit durer jusqu’à la tenue d’élections qui n’ont donc jamais eu lieu. Ce que conteste le Parlement libyen qui, replié à Benghazi après avoir été chassé de la capitale après avoir été formé, soutient le gouvernement de stabilité nationale [GSN], désormais dirigé par Oussama Hammad. Seulement, ses membres ayant été élus en 2014, il aurait dû être renouvelé depuis longtemps.

Évidemment, de telles rivalités ont des conséquences sécuritaires. En 2019, soutien du Parlement de Benghazi, l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar, appuyée par la Russie [via le groupe paramilitaire Wagner], l’Égypte et les Émirats arabes unis, lança une offensive en direction de Tripoli afin de démettre le GUN, alors dirigé par Fayez el-Sarraj. Et celui-ci dut son salut à l’aide militaire fournie par la Turquie, malgré l’embargo sur les armes visant la Libye.

Mais ce soutien militaire d’Ankara au GUN s’est traduit par la signature d’un protocole d’accord sur les frontières maritimes entre la Turquie et la Libye, alors que les deux pays sont séparés par les eaux territoriales grecques, chypriotes et égyptiennes, par ailleurs riches en gaz naturel. D’où les tensions récurrentes à ce sujet.

C’est donc dans ce contexte que les forces turques envisagent de renforcer leur présence sur la rive méridionale de la Méditerranée. En effet, début août, le GUN d’Abdelhamid Dbeiba aurait accepté de leur remettre le contrôle du port commercial d’Al-Khoms [ou Al-Khums], situé à une centaine de kilomètres à l’est de Tripoli. En clair, Ankara disposera d’une importante base navale durant 99 ans [telle est la durée du « bail » consenti par le GUN, ndlr].

Plus précisément, il s’agit d’annexer le port commercial d’Al-Khoms à la base navale mitoyenne.

« Auparavant, la Turquie a tenté d’utiliser le port d’Al-Khoms, classé comme l’un des meilleurs ports libyens, pour renforcer sa présence dans la région de la Méditerranée orientale et établir une base solide dans la région », rappelle le site d’information panarabe Raseef22.

Selon lui, et comme on pouvait s’en douter, l’Égypte voit d’un mauvais oeil cette expansion de l’influence turque chez son voisin libyen. « La mainmise de la Turquie sur le port d’Al-Khoms ne contribue pas à accélérer le processus de normalisation des relations turco-égyptiennes », a confié un responsable ayant préféré garder l’anonymat.

Quoi qu’il en soit, la prise de contrôle du port d’Al-Khoms [une perspective par ailleurs contestée par le Parlement de Benghazi, ndlr], devrait permettre à la Turquie de « renforcer sa souveraineté en Méditerranée orientale, de renforcer le contrôle des eaux territoriales du pays et d’assurer la sécurité de ses navires marchands », a commenté la chaîne de télévision nationale turque.

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