L’armée polonaise a reçu ses premiers chars M1A1 Abrams d’occasion acquis auprès de l’US Marine Corps

En lançant une « mutinerie armée » contre le commandement militaire russe, le 24 juin dernier, le chef du groupe paramilitaire Wagner, Evguéni Prigojine a empêché le ministère de la Défense [et donc Sergueï Choïgou, son ennemi juré] d’exercer une tutelle sur ses combattants, comme cela devait être le cas à partir du 1er juillet.

Et si cette affaire recèle encore des zones d’ombre, le résultat est que, désormais, le groupe Wagner sera implanté en Biélorussie, dont le président, Alexandre Loukachenko, a assuré une médiation entre M. Prigojine et Vladimir Poutine, le chef du Kremlin. En outre, il pourra également continuer ses activités en Afrique [notamment en Libye, en Centrafrique et au Mali], comme l’a assuré Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères.

Sur ce point, Fidèle Gouandjika, le ministre conseiller spécial de Faustin Archange Touadéra, le président centrafricain, a apporté un éclairage sur les relations entre Bangui et Moscou. « La République centrafricaine a signé [en 2018, ndlr] un accord de défense avec la Fédération de Russie et non avec Wagner. La Russie a sous-traité avec Wagner. Et si la Russie n’est plus d’accord avec Wagner alors elle nous enverra un nouveau contingent », a-t-il expliqué à l’AFP.

Quoi qu’il en soit, le groupe Wagner devrait disposer de toutes les facilités qu’il souhaite en Biélorussie. Selon le média d’investigation Verstka.media, il devrait prendre ses quartiers à Ossipovitchi, dans un camp militaire de 24 000 mètres carrés. Et celui-ci avance qu’environ 8000 combattants pourront y loger. Ce qu’a cependant démenti M. Loukachenko.

Que fera Wagner en Biélorussie, alors que le groupe a été jusqu’ici un élément important de la « guerre hybride » menée par la Russie, tant en Ukraine qu’en Afrique [en particulier contre les intérêts français]? M. Loukachenko a donné un élément de réponse, en laissant entendre que l’expérience acquise par l’organisation paramilitaire russe pourrait profiter à ses propres forces. « Ils nous expliqueront ce qui compte à l’heure actuelle” sur le plan militaire, a-t-il dit.

Évidemment, cela n’est pas fait pour rassurer les voisins de la Biélorussie. À commencer par la Lituanie. « Si Prigojine se retrouve en Biélorussie avec une partie de ses hommes, avec des plans et des intentions peu clairs, alors nous devrons encore renforcer la sécurité de nos frontières orientales », a très vite réagi Gitanas Nauseda, son président.

Son homologue polonais, Andrzej Duda, y voit lui aussi une menace potentielle.

« Il est difficile pour nous d’exclure que la présence du groupe Wagner en Biélorussie puisse constituer une menace potentielle pour la Pologne qui partage une frontière avec le Biélorussie, une menace pour la Lituanie, qui a aussi la frontière la plus longue avec le Biélorussie, ainsi que, potentiellement, pour la Lettonie, elle aussi voisine de la Biélorussie », a affirmé M. Duda, ce 28 juin.

Et de telles menaces releveraient surtout de tactiques dites hybrides, qui consistent à mener des actions sous le seuil de déclenchement d’un conflit, tout en étant le plus souvent difficilement attribuables, en vue d’obtenir un avantage stratégique. Cela passe par des opérations d’influence, la guerre dite « informationnelle », l’engagement de combattants irréguliers [comme ceux de Wagner] ou encore par des cyberattaques. Face à cela, les divisions blindées ne peuvent pas faire grand chose.

Cela étant, la Pologne s’attache surtout actuellement à renforcer significativement ses capacités militaires, en particulier dans le domaine terrestre. Aussi, elle a l’intention d’acquérir plus d’un millier de chars de combat dans les années à venir, dont 366 Abrams.

Ainsi, après en avoir commandé 250 exemplaires [neufs], elle a confirmé, en janvier, son intention de reprendre une partie de ceux dont l’US Marine Corps ne voulait plus. Soit 116 M1A1 Abrams au total, pour une facture de 1,4 milliard de dollars.

Pendant que le président Duda s’inquiétait de la présence de Wagner en Biélorussie, les 14 premiers M1A1 Abrams ont été débarqués au port de Szczecin. « C’est un jour important pour notre armée », s’est félicité Mariusz Blaszczak, le ministre polonais de la Défense. « D’autres chars arriveront en Pologne en 2023 » et « formeront un bataillon de chars Abrams », qui sont les « meilleurs du monde », a-t-il ajouté.

« Tous les pays ne possèdent pas de tels chars. La Pologne est le premier pays en dehors des États-Unis qui possèdera des chars Abrams dans leur version la plus moderne », a encore fait valoir M. Blaszczak. Enfin, ce sera surtout le cas quand les premiers M1A2 Abrams SEPv3 seront livrés à l’armée polonaise, ce qui devrait être le cas d’ici la fin 2024.

Pour rappel, avant cette livraison l’US Army avait déjà mis 28 M1A2 SEPv2 à la disposition des forces polonaises afin de leur permettre de former sans attendre les premiers équipages au sein d’une « Abrams Tank Training Academy », implantée près de Poznan.

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