Lockheed-Martin affiche son désaccord avec le Pentagone au sujet du futur moteur du F-35

Pour le moment, le chasseur-bombardier de 5e génération F-35 « Lightning II », conçu par Lockheed-Martin, ne dispose pas de toutes les capacités inscrites dans son cahier des charges. Et il ne les aura qu’à partir de la version dite Block 4, laquelle prévoit l’ajout de 66 nouvelles fonctionnalités. Seulement, le coût de son développement ne cesse de grimper… En effet, selon un récent rapport du Governement Accountability Office [GAO, l’équivalent américain de la Cour des comptes], celui-ci serait passé de 10,6 à 16,5 milliards de dollars entre 2018 et 2021.

Par ailleurs, la mise à niveau logicielle, appelé Technology Refresh 3 [TR-3], censée ouvrir la voie à cette version Block 4, pose problème. Du moins, le Pentagone fait savoir qu’il ne réceptionnerait pas les nouveaux F-35 qui en seront dotés tant qu’elle n’aura pas été entièrement testée…

« À partir de cet été, les F-35 sortant de la chaîne de production dans une configuration TR-3 ne seront pas acceptés tant que la capacité de combat pertinente n’aura pas été validée, conformément aux attentes de nos utilisateurs », a en effet indiqué Russ Goemaere, le porte-parole du « Joint Program Office F-35 », à Defense News. Et d’ajouter : « Le JPO et Lockheed Martin veilleront à ce que ces avions soient stockés en toute sécurité jusqu’à ce que [l’acceptation des appareils] ait lieu ».

Mais le « gros morceau » de cette version « Block 4 » du F-35 reste la motorisation, le réacteur F-135 qui équipe les appareils déjà livrés étant considéré comme trop léger dans la mesure où il est « exploité au-delà de ses spécifications ». Ce qui pose par ailleurs des problèmes d’usure prématurée… et donc de disponibilité.

Plus lourd avec des besoins énergétiques accrus, le F-35 Block 4 devra avoir une motorisation plus puissante. Deux options étaient en balance il y a encore peu. Ainsi, Pratt & Whitney avait proposé une version améliorée du F-135, offrant 11% d’autonomie en plus, une gestion thermique 50% plus efficace et un surcroît de poussée. De son côté, GE Aviation misa sur le XA-100, un réacteur à cycle adaptatif issu du programme AETP [Adaptive Engine Transition Program].

En mars dernier, le secrétaire à l’US Air Force, Frank Kendall, a fait savoir que le choix se porterait finalement sur le F-135 amélioré. « Le coût du XA100 de GE [6 milliards de dollars, soit l’équivalent de 70 F-35A] et les doutes qu’il fonctionnerait pour toutes les variantes du F-35 ont conduit à s’en tenir au F-135 », a-t-il expliqué. Et d’ajouter : « Il y a eu des discussions sur la possibilité de le faire fonctionner avec la variante C [la version navale, ndlr]. Mais avec celle de l’US Marine Corps [F-35B, à décollage court et à atterrissage vertical, nldr], ça allait être très très difficile, voire impossible ».

Pour autant, cette décision n’a visiblement pas mis un terme au débat. Le 21 juin, dans un entretion accordé à Breaking Defense en marge du salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, Greg Ulmer, vice-président exécutif de Lockheed-Martin, a défendu l’idée de doter le F-35 Block 4 d’un moteur de type AETP.

« Je plaide pour l’AETP », a dit M. Ulmer. « Je pense que certaines des approches actuelles sont à très courte vue et ne tiennent pas compte d’une vision à plus long terme », a-t-il ajouté.

Au-delà d’une plus grande puissance et d’une meilleure gestion thermique, un réacteur à cycle adaptatif permet une « plus grande poussée et une plus grande efficacité énergétique », et donc une « amélioration des performances », a soutenu le responsable de Lockheed-Martin. « Je pense plus large. Je pense à plus long terme », a-t-il insisté. En clair, il s’agit d’anticiper les évolutions futures du F-35 car d’autres mises à niveau devraient être nécessaires « afin de garder une longueur d’avance sur les menaces émergentes ».

Même s’il travaille également à la mise au point d’un réacteur à cycle adaptatif [le XA101], le motoriste Pratt & Whitney a très mal pris la déclaration de M. Ulmer.

« L’AETP est une technologie qui alimentera les avions de combat de sixième génération », a d’abord rappelé Jill Albertelli, la responsable des moteurs militaires chez Pratt & Whitney dans les pages de Defense News. « Lockheed Martin veut mettre un moteur adaptatif non éprouvé sur un avion de chasse monomoteur, quel que soit le prix élevé et le retard important dans la livraison de capacités critiques aux forces armées à un moment où elles en ont un besoin urgent », a-t-elle critiqué.

Quoi qu’il en soit, la « sortie » du reponsable de Lockheed-Martin a de quoi surprendre : en septembre dernier, il avait assuré qu’il n’avait pas de « religion » au sujet du prochain moteur du F-35. Et d’expliquer que son rôle se limitait à préciser les besoins auxquels il fallait répondre. « Ce n’est pas à moi de décider, c’est au client », avait-il dit.

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