La Belgique s’invite dans le Système de combat aérien du futur avec le statut d’observateur

Lors d’une récente audition au Sénat, le PDG de Dassault Aviation, Éric Trappier, n’avait pas caché ses réticences au sujet de la participation éventuelle de la Belgique au programme SCAF [Système de combat aérien du futur], mené par la France dans le cadre d’une coopération avec l’Allemagne et l’Espagne.

« Je pense qu’il faut nous en tenir à ce sur quoi nous nous sommes engagés, ce qui n’est déjà pas facile. Nous devons réaliser la phase 1B à trois. J’espère que nous poursuivrons avec la phase 2, qui permettra de faire voler le futur avion, toujours à trois. Si on veut élargir la coopération, les discussions seront plus longues. Je rappelle que nous, Français, nous ne représentons plus qu’un tiers de ce projet. Je crains qu’aller plus loin ne se traduise par une perte de compétences utiles », fit en effet valoir M. Trappier.

Et d’ajouter : « Si on rouvrait trop vite la possibilité de nouvelles coopérations, pour donner du travail aux sociétés belges, je me battrais pour faire valoir mon point de vue, même si bien sûr l’État peut toujours imposer le sien ».

Et l’exécutif français a tranché. Le 19 juin, lors d’une conférence organisée à Paris pour évoquer la défense aérienne en Europe, le président Macron a annoncé que la Belgique rejoindrait le SCAF, avec, dans un premier temps, le statut d’observateur. « C’est une évolution majeure. Cet élargissement permettra d’ancrer encore davantage en Europe ce projet au cœur de la défense aérienne de demain », s’est-il félicité.

Plus tôt, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait estimé qu’il était nécessaire de « se poser la question » sur la participation de la Belgique à la condition que cela ait « un intérêt industriel et militaire ». Et de souligner que cela permettrait de réduire les coûts du programme.

D’autres industriels impliqués dans le SCAF ont dit être favorables à cette participation belge. « Sur le fond, il est totalement logique que la Belgique souhaite se joindre à un des grands programmes européens d’avions de combat du futur. Et évidemment, mon souhait, c’est que la Belgique se joigne plutôt au SCAF qu’au Tempest [le projet mené par le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon, ndlr] », a ainsi affirmé Olivier Andriès, le PDG de Safran, dans les pages du quotidien L’Écho.

Responsable du programme SCAF au sein d’Airbus, Bruno Fichefeux n’a pas dit autre chose à l’antenne de BFMTV, le 19 juin. « Aucune nation seule n’est capable de financer ce type de projets d’où la nécessité de la coopération pour pouvoir mutualiser les budgets de défense, travailler ensemble autour d’un projet où en étant plus de partenaires, on est capable de financer toute cette ambition », a-t-il dit, affirmant que « les Belges ont toujours acheté américain jusqu’à présent ». Ce qui est faux : à la fin des années 1960, la Belgique avait acheté 96 Mirage 5 auprès de Dassault Aviation afin de remplacer ses F-84F de facture américaine… Et ces appareils restèrent en service jusqu’en 1993.

« La participation de la Belgique comme observateur va accroître la dimension européenne du programme SCAF. La France, chef de file du projet, ainsi que l’Allemagne et l’Espagne reconnaissent l’investissement belge en matière de progrès technologique et d’innovation », a commenté le ministère des Armées, via un communiqué. Et elle « permettra d’imaginer la contribution pertinente des compétences belges au programme, dans la perspective d’une participation approfondie dans le futur », a-t-il poursuivi, en soulignant les perspectives d’une « coopération plus étroite entre la Base industrielle et technologique de défense belge et les partenaires actuels du SCAF.

Cependant, ce 20 juin, à l’antenne de BFM, M. Trappier a relativisé l’importance de cette annonce. « J’accueille favorablement le fait que la Belgique entre comme observateur », a-t-il dit. « Peut-être que, dans quarante ans [pour remplacer leurs F-35, ndlr], les Belges achèteront le SCAF. C’est une décision politique. On la respecte. Le statut d’observateur me va bien », a-t-il ajouté.

Cela étant, le PDG de Dassault Aviation campe sur ses positions. « Malheureusement, l’Europe veut continuer à faire le ‘juste retour’, c’est-à-dire en fonction de ce que chaque pays donne en termes de budget, elle veut un retour sur son territoire » et « ce n’est pas ainsi que les meilleurs appareils sont produits », a-t-il expliqué. « Plus on est de partenaires, plus c’est difficile […] On préfère un leader et derrière répartir la charge avec ceux qui ont la compétence », a-t-il insisté.

D’ailleurs, l’histoire de la rivalité entre l’Eurofighter, développé dans le cadre d’une coopération associant quatre pays [Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni, ndlr], et le Rafale l’a montré.

« D’un point de vue économique, le pari de faire baisser les coûts de l’Eurofighter grâce à la coopération a totalement échoué : tant le coût de construction du Rafale que son coût total [développement compris] sont inférieurs à ceux de l’avion européen », relevait l’hebdomadaire Challenges en 2006 [*].

[*] Voler de ses propres ailes, par Jean-Dominique Merchet – Géoéconomie 2009/2 [n° 49]

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