LPM 2024-30 : Le Sénat veut lancer des travaux sur un démonstrateur de char Leclerc Mk3

Tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, le projet de Loi de programmation militaire 2024-30 prévoit de doter l’armée de Terre de 160 chars de combat « rénovés » d’ici 2030. Et quarante autres devront avoir été livrés au cours des cinq années suivantes. Puis, ceux-ci seront remplacés dans le cadre du programme MGCS [Main Ground Combat System – Système principal de combat terrestre], mené depuis 2017 dans le cadre d’une coopération franco-allemande.

Pour rappel, et selon les plans encore en vigueur, le char Leclerc « rénové » [ou porté au standard XLR], qui a fait l’objet d’études lancées en 2015, pourra opérer au sein d’un Groupement tactique interarmes [GTIA] SCORPION après avoir été doté d’un système d’information et de commandement communs à tous les véhicules issus de ce programme [SICS, radio CONTACT]. En outre, sa protection contre les engins explosifs improvisés et les roquettes sera améliorée et il sera équipé du brouilleur BARAGE et d’un tourelleau téléopéré, armé d’une mitrailleuse.

Cela étant, le programme MGCS a pris du retard, notamment à cause de désaccords entre les industriels concernés [à savoir KNDS et Rheinmetall, qui doute d’ailleurs de son utilité…]. En outre, six ans après son lancement, il a été demandé aux chefs d’état-major français et allemand de « faire des propositions […] pour définir clairement ce qu’on attend de ce char de demain », a récemment expliqué Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, lors d’une audition parlementaire. Or, on pouvait penser, sans doute naïvement, que ce travail avait déjà été fait…

Dans le même temps, l’évolution du contexte international, marquée par la guerre en Ukraine, a changé la donne, plusieurs pays européens ayant exprimé la volonté d’acquérir de nouveaux chars, que ce soit pour remplacer ceux qu’ils ont cédés à l’armée ukrainienne ou pour moderniser leurs capacités militaires.

Pour répondre à cette demande, l’allemand Krauss-Maffei Wegmann [KMW qui, comme le français Nexter, a pris le nom de KNDS] a développé le Leopard 2A8. Et celui-ci a visiblement de l’avenir étant donné que la Norvège en a déjà commandé 54 exemplaires, que la République tchèque et l’Italie envisagent d’en faire autant et que l’Allemagne l’a choisi pour remplacer les 18 Leopard 2 qu’elle a donnés à l’Ukraine.

D’où la question qui se pose en France : faut-il une solution intermédiaire pour faire le lien entre le Leclerc – même modernisé – et le MGCS, sachant que le char de nouvelle génération n’est qu’un élément de ce programme, qui se veut être un « système de systèmes » en faisant cohabiter des blindés « habités » et des robots?

Le PDG de KNDS-Nexter, Nicolas Chamussy, plaide en ce sens. « Le MGCS reste en ligne de mire pour la préparation de l’avenir d’un programme de char de combat en coopération avec l’Allemagne. […] Il faudra une solution intermédiaire, d’une manière ou d’une autre, pour succéder au char Leclerc. Solution qui s’impose petit à petit, du fait du contexte ukrainien et de l’arrivée de chars avec de nouvelles capacités », a-t-il dit lors d’une audition à l’Assemblée nationale, en mai.

Et selon lui, le char E-MBT, développé par KNDS, serait le candidat idéal. Au passage, la version initiale du projet de LPM 2024-30 ne mentionnait pas explicitement le Leclerc, la vague formule « chars de combat rénovés » ayant été privilégiée… En revanche, celle adoptée par les députés ne le cite qu’une seule fois… pour évoquer sa succession « au-delà de 2040 ».

Quoi qu’il en soit, lors de l’examen de ce texte, la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, a adopté un amendement qui, défendu par Christian Cambon, Hélène Conway-Mouret et Cédric Perrin, n’écarte pas l’idée d’une solution intermédiaire… laquelle reposerait sur une nouvelle évolution du Leclerc.

« Outre les travaux de rénovation et de pérennisation du char Leclerc portant incrément Mk2, un démonstrateur de char Leclerc Mk3 sera engagé », précise-t-il en effet.

« Notre amendement COM-59 vise à préciser l’évolution du char Leclerc jusqu’à son remplacement par le système de combat principal du futur [MGCS]. Il s’agit d’une part d’intégrer les travaux de rénovation et de pérennisation du Leclerc Mk2, et d’autre part de préciser qu’un démonstrateur de Leclerc Mk3 sera engagé. Ce nouveau standard capacitaire marquera une étape vers le projet MGCS », a expliqué M. Perrin, lors de la séance du 14 juin.

Ces travaux pourraient permettre d’intégrer sur les Leclerc un système de protection active, capable de détecter et de détruire un projectile [missile, roquette, obus] avant son impact. Un tel dispositif fait l’objet d’études dans le cadre du projet PROMETEUS [PROtection Multi Effets Terrestre Unifiée], conduites actuellement sous l’égide de la Direction générale de l’armement [DGA].

Par ailleurs, la commission sénatoriale a adopté l’amendement COM-58, lequel ajoute dans le tableau capacitaire du projet de LPM 2024-30 les programmes VBAE [Véhicule blindé d’aide à l’engagement] et EGC [Engin du génie de combat] ainsi que le renouvellement des camions de l’armée de Terre. Et il précise les « cibles » attendues à l’horizon 2030 [dont 180 VBAE, 5 EGC et 2086 camions, ndlr].

« Notre amendement COM-58 tend à compléter le tableau des équipements en y insérant plusieurs programmes majeurs, notamment […] pour l’armée de Terre, le programme de véhicule blindé d’aide à l’engagement, successeur du VBL, et celui d’engin du génie de combat, ainsi que le renouvellement des flottes de camions logistiques. L’inscription dans le projet de LPM de ces cibles permettra un meilleur suivi de ces programmes », a justifié Mme Conway-Mouret.

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