L’Allemagne demande à la Chine de cesser de recruter ses anciens pilotes de chasse

En octobre dernier, le ministère britannique de la Défense [MoD] mit sur la place publique un sujet qui n’était alors évoqué que du bout des lèvres, compte tenu de sa sensibilité. En effet, il fit part de son intention de modifier la législation afin d’interdire le recrutement par la Chine d’anciens pilotes de la Royal Air Force [RAF], de la Fleet Air Arm [aéronavale, ndlr] et de l’Army Air Corps.

L’Armée populaire de libération cherche « des pilotes occidentaux ayant une grande expérience pour l’aider à développer des tactiques et les capacités de ses forces aériennes », avait alors souligné un responsable britannique, cité par SkyNews. « Tous les anciens pilotes qui ont accepté un tel emploi contribuent à améliorer les connaissances et les capacités militaires de la Chine », avait-il déploré.

Pour recruter d’anciens pilotes britanniques par l’intermédiaire de la société « Test Flying Academy of South Africa », Pékin n’hésite pas y mettre le prix, les salaires annuels proposés pouvant atteindre les 240’000 livres sterling par an. Mais ce phénomène ne touche pas seulement le Royaume-Uni. Les États-Unis, le Canada et la France sont également concernés… De même que l’Allemagne, au point que son ministre de la Défense, Boris Pistorius, a interpellé Li Shangfu, son homologue chinois sur cette question, en marge du Shangri-La Dialogue, un forum organisé tous les ans à Singapour, le 3 juin.

« J’ai évoqué la question des pilotes allemands de la Bundeswehr qui ont ont apparemment été recrutés pour assurer la formation des pilotes chinois », a fait savoir M. Pistorius après s’être entretenu avec M. Li. « J’ai clairement indiqué que j’attendais que cette pratique cesse immédiatement et je lui ai dit qu’il ne serait lui-même probablement pas très content si j’essayais moi-même de faire la même chose », a-t-il ajouté.

Cependant, a admis M. Pistorius, si son interlocuteur n’a pas nié cette pratique, il en a « relativisé la portée de son point de vue ».

Selon les révélations de l’hebdomadaire Der Spiegel et de la chaîne de télévision ZDF, cela fait plusieurs années que d’anciens pilotes de la Luftwaffe sont recrutés par l’Armée populaire de libération en tant qu’instructeurs. Et leurs salaires [juteux] transiteraient via des sociétés écran immatriculées aux Seychelles.

« Nous sommes inquiets que des militaires, après avoir travaillé pour l’État allemand, puissent avoir des emplois qui les amènent à trahir des secrets d’État », a commenté Konstantin von Notz, le président du comité de contrôle des services de renseignement du Bundestag [chambre basse du Parlement, ndlr], auprès de la ZDF.

« Il est absurde que d’anciens militaires de la Luftwaffe puissent former des pilotes de chasse en Chine. Nous ne pouvons pas tolérer cela », s’est indignée la députée Marie-Agnes Strack-Zimmermann, la présidente de la commission de la Défense. « Il est temps que cette naïveté allemande cesse », a-t-elle insisté car le « fait que nous aidions indirectement la Chine à moderniser ses propres forces aériennes est inacceptable ».

Cela étant, pour M. Pistorius, il s’agit d’abord d’examiner « avec soin » les cas individuels d’anciens pilotes allemands ayant cédé au chant des sirènes chinoises… avant de punir « toute violation des règles ».

« Les militaires peuvent exercer d’autres activités après leur temps de service, mais dans le cadre de nos lois et de leurs obligations. Les faits doivent d’abord être clarifiés et ce n’est qu’après que des règles ou des lois plus strictes pourront être discutées », a déclaré le ministre allemand.

La France n’étant pas épargnée par ce phénomène, le député Jean-Louis Thiériot avait interpellé, en novembre, le ministère des Armées, via une question écrite qui n’a toujours pas eu de réponse à ce jour. Puis il avait déposé une proposition de loi visant à établir une commission au sein de la Direction générale de la sécurité extérieure [DGSE] qui serait chargée de « contrôler les engagements au service d’une entité étrangère ou d’un État étranger des anciens militaires de l’armée française avec la mise en place d’une procédure spécifique d’autorisation préalable ».

Finalement, la semaine passée, les députés ont adopté l’article 20 du projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30. Ce texte porte en effet une disposition qui ne concernera pas uniquement les anciens pilotes puisqu’elle s’appliquera aux militaires ayant exercé « des fonctions présentant une sensibilité particulière ou requérant des compétences techniques spécialisées ».

Une fois rendus à la vie civile, ceux-ci devront faire part au ministère des Armées de leur intention « d’exercer une activité en échange d’un avantage personnel ou d’une rémunération dans le domaine de la défense ou de la sécurité au bénéfice, directement ou indirectement, d’un État étranger ou d’une entreprise ou d’une organisation ayant son siège en dehors du territoire national ou sous contrôle étranger ».

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