L’Australie revoit en profondeur sa doctrine militaire, avec moins de blindés pour plus de missiles à longue portée

Ce 24 avril, le gouvernement australien a dévoilé une nouvelle doctrine militaire, censée redéfinir, « pour la première fois depuis 35 ans » les missions de la Forces de défense du pays. Cependant, près de trois ans plus tôt, son prédécesseur en avait jeté les bases en publiant une mise à jour du Livre blanc sur la défense de 2016 afin de relever des « défis régionaux d’une ampleur sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale »…. et de faire face à la montée en puissance de la Chine [qui n’était toutefois pas nommée explicitement].

Pour rappel, il était alors question d’augmenter les dépenses militaires australiennes de +40% d’ici la fin décennie [celles-ci devant alors s’élever à 166 milliards d’euros] et mettre l’accent sur trois priorités : « façonner l’environnement stratégique de l’Australie », « dissuader toute action » contre ses intérêts et apporter, si besoin, une réponse militaire « crédible ».

Ce plan commença à être mis en oeuvre avec le projet d’acquérir huit sous-marins nucléaires d’attaque [SNA] dans le cadre de l’alliance AUKUS [Australie, Royaume-Uni et États-Unis], annoncée en septembre 2021. Et des commandes portant sur des capacités de frappe à longue portée furent annoncées, si ce n’est déjà passées [systèmes d’artillerie M142 HIMARS, missiles de croisière Tomahawk, etc].

Seulement, cette actualisation du Livre blanc de 2016 n’avait pas tiré toutes les conséquences qui s’imposaient pour le format et les missions des forces armées australiennes. D’où cette nouvelle doctrine militaire, laquelle fixe de nouvelles priorités en matière d’équipements. Un tel exercice s’imposait pour des raisons budgétaires : selon ABC Australia, le précédent gouvernement avait engagé plus de quarantes milliards de dollars [australiens] dans des projets d’acquisition qui n’étaient pas financés.

Ainsi, estimant que, désormais, l’Australie n’est plus « aussi protégée par sa géographie » et ne plus miser sur la « capacité limitée d’autres nations à projeter leur puissance de combat sur de plus grandes distances dans les cinq domaines [maritime, terrestre, aérien, spatial et cyber], cette revue stratégique de défense recommande d’adopter une « stratégie de déni », définie comme « une approche défensive conçue pour empêcher un adversaire d’atteindre son objectif de contraindre un Éyat par la force ou la menace de l’utiliser ».

Par ailleurs, et au-delà des questions liées à l’autonomie [le document souligne la vulnérabilité de l’Australie aux chaînes d’approvisionnement], le ministre australien de la Défense, Richard Marles, a expliqué que l’objectif serait de renforcer les approches septentrionales du pays, de dissuader tout adversaire potentiel et de « maintenir l’ordre mondial basé sur des règles » avec ses alliés.

Et cela passera par un renforcement des capacités défensives dans le nord de l’Australie [tant sur terre que sur mer] et par la priorité à l’acquisition de moyens de frappe à longue portée.

Sans surprise, l’acquisition de SNA est confirmée par cette revue stratégique… En revanche, la Royal Australian Navy [RAN] devra encore patienter pour connaître le format qu’aura sa flotte, un examen étant actuellement en cours. Au regard des dépendances aux lignes de communications maritime, il est « essentiel que la forme, la taille et l’étendue de la flotte de combat de surface soient adaptées aux niveaux de risques auxquels nous sommes actuellement confrontés », affirme le document.

Et d’ajouter qu’il s’agira de renforcer les capacités de la RAN en matière de lutte anti-sous-marine, de défense aérienne et de frappe à longue portée via un équilibre à trouver entre les navires de premier et de second rang.

S’agissant des forces aériennes, la revue stratégique renonce à l’acquisition de bombardiers B-21 Raider auprès des États-Unis, comme cela a été envisagé en août dernier. En revanche, elle recommande de porter les chasseurs-bombardiers F-35A au block 4 [dès que celui-ci sera prêt…] et de moderniser la flotte de F/A-18 Super Hornet. Ces appareils devront être en mesure d’emporter des missiles anti-navire de longue portée [LRASM – Long-Range Anti-Ship Missile] et des missiles de croisière JSM [Joint Strike Missile]. Enfin, l’accent sera mis sur le drone autonome de type « Loyal Wingman », savoir le MQ-28A Ghost Bat, développé par Boeing Australia.

Quant à l’Australian Army, la revue stratégique ne fera pas les affaires du groupe sud-coréen Hanwha Aerospace, qui a investi dans une usine à Grand Geelong [État de Victoria] pour produire les 30 obusiers automoteurs K-9 « Thunder » que lui a commandés Canberra en décembre 2021 [avec 15 véhicules blindés de ravitaillement en munitions K-10, ndlr] pour environ 650 millions d’euros. En effet, celle-ci préconise l’annulation immédiate de la deuxième phase du projet Land 8116 Phase 2 « Protected Mobile Fires » car ces « systèmes ne fournissent pas la portée et la létalité nécessaires ».

En outre, Hanwha Defence et l’allemand Rheinmetall, tous deux en lice pour remplacer les blindés M113 de l’armée australienne, avec respectivement le K-21 « Redback » et le KF-41 « Lynx ». En effet, la phase 3 du programme Land 400 sera drastiquement réduite, avec l’achat de 129 véhicules au lieu de 450.

La réduction de ce programme et l’annulation du Land 8116 Phase 2 « Protected Mobile Fires » permettront d’accélérer l’acquisition de système d’artilleries M142 HIMARS supplémentaires [20 ont déjà été commandés, ndlr] ainsi que celle d’une capacité de frappe maritime depuis la terre, justifie la revue stratégique australienne.

« Au terme de ce processus, nous passerons d’une armée australienne dont les armes ont une portée maximale de 40 km, à une capacité de tir de missiles, dans un premier temps, à plus de 300 km, puis, avec l’acquisition du missile de frappe de précision, à des portées supérieures à 500 km », a résumé Pat Conroy, le ministre australien délégué à l’Industrie de Défense.

En novembre 2022, le Premier ministre australien, Anthony Albanese, avait suggéré cette nouvelle approche. « De quels atouts avons-nous besoin pour que chaque dollar améliore notre sécurité nationale? Allons-nous être impliqués dans une guerre terrestre, dans le centre du Queensland? Si oui, vous avez besoin de moyens pour cela. Mais est-ce probable? Eh bien non! », avait-il dit.

Reste que si elle évoque le K-9 Thunder et le successeur du M113, la revue stratégique australienne [du moins, dans sa version publique] ne dit rien au sujet de l’avenir d’autres capacités de combat terrestres, comme les chars Abrams, dont 75 portés au standard M1A2 SEPv3 ont été commandés en janvier 2022.

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