En 2022, les dépenses militaires européennes ont connu leur plus forte progression annuelle depuis au moins 30 ans

Malgré les difficultés économiques causées par la pandémie de covid-19 , les dépenses militaires mondiales avaient progressé significativement pour atteindre les 1981 milliards de dollars [+2,6% en termes réels] en 2020. La question était alors de savoir si elles allaient se maintenir à un tel niveau… ou être revues à la baisse. Tel était, en tout cas, celle posée par l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm [SIPRI], qui avait rendu une étude à ce sujet en 2021.

Finalement, les tendances observées s’accentuèrent encore, avec une nouvelle hausse des dépenses militaires mondiales durant la seconde année de la pandémie, celles-ci ayant dépassé pour la première fois le seuil des 2000 milliards de dollars [2113 milliards exactement, ndlr]. Et

Avec la guerre en Ukraine, il ne fallait évidemment s’attendre à un retournement de tendance… En effet, dans sa dernière étude, publiée ce 24 avril [.pdf], le SIPRI affirme avoir constaté une nouvelle hausse de 3,7% [en termes réels] des dépenses militaires mondiales en 2022, lesquelles se sont établies à 2240 milliards de dollars [soit 2,2% du PIB mondial].

« L’augmentation continue des dépenses militaires mondiales ces dernières années est un signe que nous vivons dans un monde de moins en moins sûr », avance le Dr Nan Tian, chercheur senior au programme dépenses militaires et production d’armement du SIPRI. « Les États renforcent leur puissance militaire en réponse à une détérioration du contexte sécuritaire, dont ils n’anticipent pas l’amélioration dans un avenir proche », a-t-il ajouté.

Trois pays représentent plus de la moitié [56%] des dépenses militaires mondiales. Sans surprise, avec un budget de 877 milliards de dollars, les États-Unis arrivent largement en tête, devant la Chine [292 milliards de dollars… mais ce montant est probablement en-deçà de la réalité] et la Russie `[86,4 milliards de dollars, en hausse de +9,2%, ce qui représente 4,1% du PIB].

Selon le SIPRI, la nouvelle hausse des dépenses militaires américaines [+0,7%] s’explique notamment par l’aide fournie à l’Ukraine, laquelle s’est élevée à près de 20 milliards de dollars l’an passé [l’étude ne précise pas si elle ne prend en compte que les matériels livrés à Kiev]. « Compte tenu de l’ampleur des dépenses américaines, même une augmentation mineure en pourcentage a un impact significatif sur le niveau des dépenses militaires mondiales », explique le Dr Nan Tian.

À noter que les acquisitions et les efforts en matière de recherche et développement constituent l’un des plus importants poste de dépenses du Pentagone, avec 264 milliards de dollars.

Quant à la Russie, le niveau de ses dépenses militaires aura été bien au-delà de ses prévisions budgétaires [+34%]. Cela « suggère que l’invasion de l’Ukraine [lui] a coûté bien plus qu’elle ne l’avait envisagé », estime l’institut suédois.

Sans surprises, les dépenses militaires ukrainiennes ont augmenté en 2022… mais d’une ampleur [+640%] jusqu’ici inégalée en plus de trente ans, pour atteindre les 44 milliards de dollars [soit presque autant que le bugdet français de la défense]. « En raison de cette augmentation et des dommages causés par la guerre à l’économie ukrainienne, le fardeau militaire [dépenses militaires en pourcentage du PIB] a grimpé à 34 % du PIB en 2022, contre 3,2% en 2021 », constate le SIPRI.

La guerre en Ukraine a par ailleurs confirmé une tendance observée depuis environ dix ans parmi les pays européens, notamment chez ceux s’estimant menacés par la Russie. Ainsi, en 2022, les dépenses militaires des États d’Europe centrale et occidentale ont atteint 345 milliards de dollars… Et, en termes réels, elles ont dépassé le niveau qui était le leur en 1989, soit à la veille de la fin de la Guerre Froide… Et elles sont supérieures de 30% par rapport à 2013.

Les hausses budgétaires les plus marquées sont été constatées en Finlande [+36%], en Lituanie [+27%], en Suède [+12%] et en Pologne [+11%]. « De nombreux États de l’ancien bloc de l’Est ont plus que doublé leurs dépenses militaires depuis 2014, année où la Russie a annexé la Crimée », rappelle le SIPRI.

Cependant, aux dépenses militaires européennes, il faudrait ajouter celles faites dans le cadre de l’Union européenne [UE], via le Fonds européen de Défense [FEDef] ou encore via la Facilité européenne pour la paix, laquelle est utilisée pour aider l’Ukraine.

Quoi qu’il en soit, selon le SIPRI, le Royaume-Uni affiche les dépenses militaires les plus élevées en Europe, avec 68,5 milliards de dollars, dont 2,5 milliards ont été alloués à l’aide founie à l’armée ukrainienne. Celles-ci représentent 3,1% du total mondial et devancent celles de l’Allemagne [2,5%] et de la France [2,4%].

Par ailleurs, les dépenses militaires des membres de l’Otan [qui étaient encore trente en 2022] ont augmenté de 0,9%, pour s’établir à 1232 milliards de dollars. Et cette tendance n’est pas prête de s’inverser, l’objectif de consacrer 2% du PIB aux budgets de défense étant désormais considéré comme un seuil minimal.

Cependant, la Turquie [membre de l’Otan depuis 1952] va à rebours de cette tendance, ses dépenses militaires ayant chuté de 26% par rapport à 2021, pour tomber à 10,6 milliards de dollars.

Enfin, les tensions en Asie favorisent la progression des budgets militaires.

« Les dépenses militaires combinées des pays d’Asie et d’Océanie s’élèvent à 575 milliards de dollars. C’est 2,7 % de plus qu’en 2021 et 45 % de plus qu’en 2013, poursuivant ainsi une tendance à la hausse ininterrompue depuis au moins 1989 », note le SIPRI.

Évidemment, la Chine en est le moteur, les ressources allouées à l’Armée populaire de libération [APL] et à ses satellites [comme les milices maritimes] ayant progressé de 63% depuis 2013. Ce qui, avec les tensions avec la Corée du Nord et la Russie, a incité Tokyo a augmenté significativement ses dépenses militaires [+5,9% entre 2021 et 2022], au point de dépasser 1,1% du PIB, ce qui ne s’était plus vu depuis 1960.

« Les restrictions d’après-guerre que le Japon a imposées à ses dépenses et à ses capacités militaires semblent se relâcher », constate l’étude du SIPRI. Et ce n’est pas terminé puisque le gouvernement nippon envisage de doubler le budget de ses forces d’autodéfense dans les années à venir.

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