Selon Londres et Oslo, les sous-marins russes ont un comportement « plus agressif » et « imprévisible »

Bien avant le début de la guerre en Ukraine, l’Otan fit savoir que les sous-marins russes avaient renoué avec un niveau d’activité opérationnelle proche de celui qui étaient le leur avant la chute de l’Union soviétique… tout en ayant réalisé des progrès technologiques « remarquables », avec des capacités « jamais vues auparavant ».

Les nouveaux sous-marins russes, qu’ils soient à propulsion nucléaire [classes Iassen et Boreï] ou conventionnelle [Improved Kilo du projet 636.3], « ont de meilleurs systèmes, un rayon d’action plus important et donc plus de liberté pour opérer », avec des « équipages mieux formés et entraînés que par le passé », avait ainsi relevé le vice-amiral britannique Clive Johnstone, alors la tête du commandement maritime de l’Otan, en 2016.

Le sous-marin nucléaire d’attaque [SNA] russe Severondvinsk, tête de série de la classe Iassen, est un exemple des progrès accomplis par la Russie. « Il est très efficace et très silencieux, ce qui est la chose la plus importante pour la guerre sous-marine », avait dit l’amiral américain James Foggo à son sujet, en 2019. Et, a priori, il venait alors de donner du fil à retordre à l’US Navy, en échappant à des semaines de traque dans l’Atlantique.

Cette activité sous-marine russe concerne aussi bien l’Atlantique Nord que la Méditerranée, comme a par exemple pu en témoigner l’implication de la frégate multimissions [FREMM] Languedoc dans la « chasse » donnée à un sous-marin de type Oscar [surnommé « Octobre Rouge »].

En octobre 2019, cette activité s’accentua avec la plus vaste opération sous-marine lancée par la Russie depuis la fin de la Guerre Froide. Selon le renseignement norvégien, jusqu’à dix sous-marin [dont huit à propulsion nucléaire] avaient appareillé de la presqu’île de Kola pour deux mois de manoeuvres dans l’Atlantique-Nord… qui sera décrit quelques mois plus tard comme étant un « espace de bataille incontournable », par le vice-amiral Lewis, le commandant de la 2e Flotte de l’US Navy, récemment réactivée.

« Notre nouvelle réalité est que lorsque nos marins appareillent, ils peuvent s’attendre à opérer dans un espace contesté une fois qu’ils auront quitté Norfolk [base navale sur la côte Est des États-Unis, ndlr] », avait-il expliqué, notant un « nombre toujours croissant de sous-marins russes » en patrouille dans l’Atlantique.

Cela étant, depuis le début de la guerre en Ukraine, l’attitude des sous-marins russes a changé. C’est, en tout cas, le constat établi par Ben Wallace, le ministre britannique de la Défense [MoD], devant des journalistes lors d’un déplacement à Washington, le 18 avril.

« Ces derniers mois », la Royal Navy a « suivi des sous-marins russes dans l’Atlantique-Nord, en mer d’Irlande et en mer du Nord. Ils suivaient des itinéraires bizarres qu’ils n’emprunteraient pas en temps normal », a déclaré M. Wallace, selon des propos rapportés par le journaliste Paul McLeary, du magazine en ligne Politico.

Le ministre britannique n’a pas livré plus de détails… Mais sa déclaration fait écho à celle faite récemment par le contre-amiral Rune Andersen, le chef de la Marine royale norvégienne. « Nous avons constaté une augmentation de l’activité militaire autour de la Norvège dans le Grand Nord, dans l’Atlantique Nord. Nous avons vu des sous-marins russes opérer différemment d’il y a dix ans », a-t-il déclaré lors d’un reportage diffusé par NBC News. Ils « opèrent de manière plus imprévisible » et « certaines de leurs manœuvres semblent plus agressives », a-t-il précisé.

A priori, les sous-marins russes s’intéressent de près aux câbles de communication et au réseau de gazoducs norvégiens, lesquels sont stratégiques pour l’approvisionnement de l’Europe en gaz naturel. « Ils patrouillent autour de ces zones. Plus d’une fois, ils ont fait des allers-retours », a affirmé le commandant Tirrell Herland, le porte-parole de la Marine royale norvégienne, avant d’évoquer des « activités suspectes ».

Par ailleurs, il n’y pas que ces sous-marins qui préoccupent les forces norvégiennes [qui, au passage, cultivent des liens étroits avec leurs homologues britanniques]. En effet, celles-ci font également état de la présence d’avions de patrouille maritime Tu-142 et Il-38… ainsi que celles de chalutiers présentant la particularité d’être dotés d’un nombre « inhabituel » d’antennes pour pêcher le cabillaud….

Signe, sans doute, de l’inquiétude suscitée par ces activités russes, l’Islande a autorisé, le 18 avril, les sous-marins nucléaires d’attaque de l’Otan à se ravitailler au large de ses côtes. Il s’agit d’une évolution notable car Reykjavik s’y refusait jusqu’à present, au nom de son opposition au nucléire.

« Cette décision du ministère des Affaires étrangères fait partie de la politique du gouvernement islandais de soutenir la surveillance et la capacité de réponse des Alliés dans l’Atlantique nord », a justifié le gouvernement islandais. Les SNLE alliés sont exclus de cette mesure… car porteur d’armes nucléaires.

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