Pour avoir transmis des informations à la Chine, deux anciens de la DGSE ont été condamnés à 8 et 12 ans de prison

Interpellés et déférés, en décembre 2017, devant un juge d’instruction pour avoir transmis des informations à une puissance étrangère [la Chine en l’occurrence] deux anciens membres de la Direction générale de la sécurité extérieure [DGSE], à savoir Henri M., 73 ans, et Pierre-Marie H., 69 ans ont comparu, cette semaine, devant les magistrats professionnels de la Cour d’assises spécialisée dans les affaires militaires de Paris.

Étant donné la sensibilité de cette affaire, le procès des deux hommes [ainsi que celui de l’épouse de l’un d’eux] n’aura donné lieu qu’à un seul débat public, le reste s’étant déroulé à huis clos. « Il paraît nécessaire non seulement de protéger les personnes amenées à témoigner et d’empêcher la divulgation d’informations touchant à la défense nationale », avait justifié le président de la Cour.

Pour rappel, Henri M. avait été affecté à l’ambassade de France à Pékin, à la fin des années 1990, pour assurer une liaison TOTEM avec les services de renseignement chinois. « Retourné » par une interprète liée au ministère de la Sécurité de l’État [Guoanbu, renseignement extérieur et contre-espionnage], il avait été discrétement exfiltré par la DGSE. Mais il était revenu s’installer en Chine après avoir pris sa retraite et épousé celle qui l’avait « recruté ».

Seulement, les choses n’en restèrent pas là puisque Henri M. recruta Pierre-Marie H., qu’il avait connu au siège de la DGSE, boulevard Mortier. Ce dernier, estimant que ses mérites n’étaient pas assez reconnus par sa hiérachie, qui le cantonnait à des tâches administratives, mordit d’autant plus à l’hameçon qu’il aurait eu des difficultés financières. Et il livra donc des informations confidentielles aux services chinois contre rémunération. Selon France Inter, il a été question d’au moins 360.000 euros, de voitures et de voyages d’agrément.

Ayant pris à son tour sa retraite en 2016 et s’étant présenté aux élections législatives de 2017 en tant que suppléant d’une candidate du parti « Souveraineté, identité et libertés » en Saône-et-Loire, Pierre-Marie H. fit l’objet d’une enquête de sécurité lancée par la DGSE. Enquête qui permit de mettre en lumière ses agissements au profit de la Chine.

Jugés pour « livraison d’information à une puissance étrangère », « atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation », « intelligence avec une puissance étrangère », les deux anciens de la « Piscine » risquaient jusqu’à 15 ans de prison. En outre, l’avocat de l’État avait demandé à leur encontre la somme d’un million d’euros, au titre de l’atteinte à l’image de la DGSE.

Mais les preuves produites lors des débats, avec des éléments partiellement déclassifiés, ont rendu l’examen de cette affaire plus compliqué… Ce qui explique, sans doute, la relative clémence à leur endroit.

En effet, le 10 juillet, Henri M. a été condamné à 8 ans d’emprisonnement, alors que le parquet général en avait requis 10. Sa « recrue » a été plus lourdement sanctionnée puisque Pierre-Marie H, contre qui la peine maximale avait été requise, passera 12 ans derrière les barreaux. Son épouse, qui était accusée « recel de bien provenant d’intelligence avec une puissance étrangère de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation », écopé de 4 ans de prison, dont deux avec sursis.

Les trois protagonistes de cette affaire seront en outre privés de leurs droits civiques pendant 10 ans. Quant aux dommages et intérêts réclamés par l’État, les deux ex-espions ont chacun été condamnés à verser un euro symbolique. Ils ont désormais trois semaines pour faire appel.

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