Deux anciens de la DGSE devant la justice pour trahison au profit de la Chine

D’habitude, dans le milieu du renseignement, on lave son linge sale « en famille ». Aussi, le procès, qui se tiendra à partir de ce 6 juillet devant la cour d’assises spécialisée en matière militaire de Paris, est rarissime et la publicité qui en sera faite vise probablement à en faire un exemple afin de dissuader ceux qui pourraient céder à la tentation d’imiter les accusés.

En effet, deux anciens membres de la Direction générale de la sécurité extérieure [DGSE] comparaîtront pour avoir transmis à une puissance étrangère – en l’occurrence à la Chine – des informations susceptibles de « porter atteinte à la sécurité de l’État ».

Pour rappel, cette affaire fut révélée en mai 2018 par le quotidien Le Monde et l’émission télévisée « Quotidien », puis confirmée par le ministère des Armées. À l’époque, ce dernier avait précisé que « deux anciens personnels » de la DGSE et la « conjointe de l’un d’entre-eux » venaient d’être déférés devant un juge d’instruction pour des « faits susceptibles de constituer les crimes et délits de trahison par livraison d’informations à une puissance étrangère, provocation au crime de trahison et atteinte au secret de la défense nationale. »

Le cas de l’un de ces anciens membres de la DGSE, Henri M., 73 ans, avait déjà été évoqué par Franck Renaud, dans son livre « Les diplomates : Derrière la façade des ambassades de France », publié en 2010. Ainsi, affecté à Pékin à la fin des années 1990 pour assurer une liaison dite « TOTEM » [qui consister à entretenir des relations avec le rensiegnement chinois], il avait été « retourné » par une interprète de l’ambassade de France, liée au ministère de la Sécurité de l’État [Guoanbu, renseignement extérieur et contre-espionnage].

La DGSE avait alors décidé d’évincer Henri M. en toute discrétion. Seulement, ayant pris sa retraite et s’étant installé sur l’île de Hainan avec l’ex-interprète qu’il a depuis épousée, il aurait recruté, pour le compte du renseignement chinois, Pierre-Marie H., qu’il avait connu au boulevard Mortier, dans les années 1990.

Originaire de Bourgogne [il se présentera aux élections législatives de 2017 en Saône-et-Loire, en tant que suppléant d’une candidate du parti « Souveraineté, identité et libertés »], Pierre-Marie H. s’occupait alors de tâches administratives qu’il estimait en-deçà de ses capacités et faisait face à des difficultés financières. En lien avec Henri M., il aurait alors multiplié les voyages à l’île Maurice et en Asie pour communiquer des informations sensibles à un agent traitant chinois contre rémunération. Et il aurait continué ce manège même après avoir pris sa retraite, en 2016.

Seulement, la DGSE, n’étant a priori pas dupe, ouvrit une enquête interne de sécurité. Et, au printemps 2017, son directeur, qui était alors Bernard Bajolet, signala les agissements de deux « taupes » à la justice et à la Direction générale de la sécurité intérieure [DGSI], chargée du contre-espionnage. En décembre, Henri M, officiellement reconverti dans l’import-export avec la Chine, ainsi que Pierre-Marie H et son épouse, Laurence H, furent interpellés. Les deux hommes seront ensuite inarcérés, l’un à Fresnes, l’autre à Fleury-Mérogis.

Les deux anciens de la DGSE seront donc jugés pour « livraison d’information à une puissance étrangère », « atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation » et « intelligence avec une puissance étrangère ». De quoi valoir jusqu’à 15 ans de prison. Quant à Laurence H., elle comparaîtra pour « recel de bien provenant d’intelligence avec une puissance étrangère de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. » Le verdict doit être prononcé le 10 juillet prochain.

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