Exit l’EuroMale? L’armée de l’Air parle d’acquérir 12 drones MQ-9 Reaper supplémentaires d’ici 2030

Le rapport mis en annexe à la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25 précise que les « études menées en coopération avec l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie seront poursuivies en vue du lancement du programme de drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance, nldr] européen en 2019 [appelé Eurodrone, EuroMale ou encore MALE RPAS, ndlr] et de la livraison d’un premier système en 2025 » et que les « livraisons ultérieures permettront d’atteindre 8 systèmes de drones MALE en service à l’horizon 2030. » Soit 24 appareils en tout, un système en comprenant trois [plus une station de contrôle].

En 2025, l’armée de l’Air devrait donc disposer de 5 systèmes de drones MALE, dont 4 de type MQ-9 Reaper et 1 de type EuroMale. Ce qui signifie que trois systèmes de drones européens lui seront livrés d’ici 2030. Du moins en théorie.

Le projet de ce drone EuroMale a été lancé en 2013, à l’initiative d’Airbus, Dassault Aviation et Leonardo, dans le cadre d’une coopération réunissant la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Étant donné que Berlin a mis plus d’argent que ses autres partenires dans ce programme, les spécifications techniques de ce futur appareil ont été taillées sur mesure pour les besoins allemands. Ce qui fait que ce drone sera doté de deux turbopropulseurs afin de porter sa masse imposante de 10 tonnes.

Évidemment, cela joue sur le coût, dont le montant est 30% supérieur aux attentes. Aussi, les clients mettent-ils la pression sur les industriels. S’agissant de la France, le ministère des Armées a prévenu qu’il serait hors de question de sacrifier les capacités de ses forces sur l’autel des intérêts stratégiques européens.

« Le défi du développement d’une capacité de drones MALE souveraine dépasse le seul développement de la base industrielle et technologique de défense et le test de la solidité des liens tissés avec nos partenaires européens. […] La détention de capacités opérationnelles performantes, essentielle à la préservation de la liberté d’action des armées françaises ainsi que la maîtrise des coûts, notamment des coûts de possession, seront des critères d’appréciation fondamentaux qui devront peser autant que les autres considérations », fit récemment valoir le ministère, dans une réponse adressée à la Cour des comptes.

Et d’insister : Il « serait en effet difficilement compréhensible qu’en 2028, les armées françaises ne soient pas dotées d’équipements aussi performants que ceux, d’ores et déjà disponibles sur le marché. »

Le mois dernier, lors d’une audition au Sénat, la ministre des Armées, Florence Parly, a prévenu : « Nous considérons, les quatre pays réunis, que nous ne pouvons pas accepter qu’un drone soit plus cher que ce que nous pourrions trouver sur le marché et soit moins opérationnel car ne disposant pas de l’ensemble des capacités dont nous souhaitons disposer » et « nous arrivons maintenant à un moment où il faudra trancher. »

L’armée de l’Air a-t-elle anticipé un abandon du projet EuroMale? On peut se le demander à la lecture du dossier de presse [.pdf] qu’elle a publié à l’occasion du prochain 14-Juillet.

Ainsi, ce document s’attarde assez longuement sur l’apport opérationnel des drones MQ-9 Reaper [de facture américaine] ainsi que sur les projets de l’armée de l’Air dans ce domaine. Et les éloges de manquent pas.

Qualifié de « nouvelle figure de proue des opérations », le « Reaper est devenu l’outil essentiel de la lutte contre les groupes armés terroristes [GAT] en bande sahélo-saharienne [BSS] », souligne l’armée de l’Air. « Au cœur des opérations, le Reaper se distingue pour ses qualités de discrétion, de persistance sur zone, et par sa retransmission d’images en temps réel. Il opère également au profit des forces alliées de façon complémentaire et coordonnée, avec l’ensemble des moyens aériens », poursuit-elle, avant d’insister sur la capacité de cet appareil à réaliser des frappes avec des bombes guidées laser GBU-12 de 250 kg, puis, avec l’arrivée du standard « Block 5 », avec bombes à guidage GPS GBU-49 et des missiles air-sol Hellfire.

D’ailleurs, l’armée de l’Air attend beaucoup du MQ-9 Reaper Block 5 puisqu’il emportera également « un pod de renseignement spécifique lui permettant le recueil de signaux d’origine électromagnétique. » Et d’insister : « Fin 2021, le Block 5 disposera donc d’une palette d’effets militaires inédite qui renforcera son
aspect incontournable dans les opérations majeures. »

Au total, selon les chiffres avancés dans ce dossier de presse, les Reaper de l’Escadron de drones 1/33 Belfort ont effectué 460 missions pour 6.000 heures de vol en 2019. Et sans doute que cette activité sera donc encore plus importante dans les années à venir [à commencer par celle en cours].

Dans ce document, le terme « Reaper » est cité à 34 reprises, alors que le drone européen est ignoré. D’ailleurs, l’armée de l’Air indique que, « dans un contexte de montée en puissance de la 33e escadre de surveillance, de reconnaissance et d’attaque (ESRA) de la base aérienne 709 de Cognac, et d’intensification des missions des drones Reaper », elle « va acquérir, d’ici 2030, quatre systèmes de drones Reaper supplémentaires » et qu’ele « disposera alors de 24 appareils au total ». Exit, donc, l’EuroMale…

Pour autant, la messe est-elle dite pour ce drone européen? Commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton y croit encore. « Le drone MALE est un sujet important et emblématique de la coopération européenne. C’est un projet majeur, complexe. On a mis 100 millions sur la table », notamment pour financer le développement de « briques technologiques », a-t-il soutenu lors d’une auditon à l’Assemblée nationale, le 9 juillet. « C’est un sujet sur lequel je vais m’impliquer personnellement pour le faire avancer », a-t-il assuré.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]