Pour le Sénat, des choix sont à faire sans tarder pour assurer l’avenir des Forces aériennes stratégiques

Six mois après l’Assemblée nationale, le Sénat a publicé, ce 28 juin, un rapport sur la « nécessaire modernisation de la dissuasion nucléaire ». Comme leurs collègues députés, les auteurs de ce copieux document, les sénateurs Xavier Pintat et Jeanny Lorgeoux, ont souligné le caractère structurant et dimensionnant des forces stratégiques sur l’ensemble des armées ainsi que leur « effet de levier de l’excellence française », tant sur le plan opérationnel qu’industriel. « Les investissements consentis pour la dissuasion sont un moteur de croissance et une locomotive technologique pour toute l’industrie française », ont-ils souligné.

Si son existence n’est actuellement pas menacée (sauf peut-être la Force aéronavale nucléaire – FANu – récemment remise en cause), la composante aéroportée de la dissuasion a été vivement défendue par les deux rapporteurs, dans la mesure où elle est complémentaire des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de la Marine nationale, qu’elle participe à l’exigence « absolue » de crédibilité ainsi qu’aux opérations « courantes » des forces conventionnelles, comme c’est actuellement le cas au Sahel avec les Mirage 2000N de l’escadron 2/4 La Fayette ou encore celui de avions ravitailleurs C-135FR.

« La souplesse d’emploi et la réactivité de l’arme aérienne figurent parmi ses vertus cardinales. La composante aéroportée de la dissuasion ouvre l’accès à une large palette d’options. Ainsi en jouant sur son aptitude à monter en puissance et à se déployer de manière progressive et visible lors d’une crise, la composante aéroportée offre à l’autorité politique un espace pour une manoeuvre politico-diplomatique. Elle permet même à celle-ci de prouver sa détermination en faisant décoller un raid nucléaire », font valoir MM. Pintat et Lorgeoux.

Un autre argument que ces deux sénateurs ont évoqué porte sur le risque qu’il y ait, un jour, des moyens pour détecter les SNLE. « L’utilisation de nouvelles technologies qui peuvent aujourd’hui soit être développées dans le domaine civil avant d’être utilisées dans le secteur militaire, soit le fruit de la recherche de défense, pourraient à terme modifier certains éléments essentiels de la dissuasion. Les perspectives paraissent, à ce jour, lointaines mais elles demandent une surveillance active et des compétences », écrivent-ils.

Aussi, la modernisation des Forces aériennes stratégiques (FAS) est un impératif. Ses moyens « ont été pour l’essentiel renouvelés au début de la décennie » et « sur les 10 prochaines années, l’investissement à consentir au profit de la composante aéroportée est donc soutenable et maîtrisé », relèvent les deux sénateurs. Mais c’est après que les choses vont se corser.

« À l’horizon 2035, un ambitieux programme sera nécessaire pour prendre en compte le développement de nouveaux systèmes de défense, plus performants et interconnectés et garantir l’assurance d’une dissuasion pénétrante, en toutes circonstances, avec une large gamme d’options », préviennent les rapporteurs. Cette échéance correspond à la durée de vie du missile ASMP-A, lequel fait l’objet d’un programme de rénovation à mi-vie qui « anticipe l’évolution des défenses adverses à moyen terme. » Ainsi, l’ASMPA-R (R pour rénové) devrait opérationnel pendant une quinzaine d’années à partir de 2022.

Après, au vu des évolutions technologiques (prolifération de systèmes de défense aérienne de type S-400/500, radars multifréquences, bouclier antimissile, chasseurs de 5e génération, etc…), les sénateurs estiment que le « lancement du programme d’ensemble air-sol nucléaire de 4ème génération (ASN4G) est impératif pour maintenir la crédibilité et l’efficacité de la composante aéroportée à l’horizon 2040 et avoir un niveau de performances et d’évolutivité optimal jusqu’en 2070, à coût maîtrisé. »

Cela étant, l’état-major de l’armée de l’Air planche déjà sur cet ASN4G, lequel fait déjà l’objet d’études amont. Mais il faudra également réfléchir sur une nouvelle tête nucléaire ainsi que sur le porteur, c’est à dire sur un éventuel successeur du Rafale.

« L’ASN4G devra impérativement associer portée, vitesse, furtivité et manoeuvrabilité. C’est peut-être dans le domaine aéroporté que se profile une véritable rupture technologique, avec l’avènement des systèmes de type hypersonique, c’est-à-dire capable d’évoluer à une vitesse supérieure à Mach 5 », estiment les rapporteurs, qui précisent que, « en parallèle, des réflexions ont été engagées pour envisager les caractéristiques du futur couple porteur/vecteur, successeur du couple Rafale B/ASMPA. »

Sur ce point, tout dépendra si l’ASN4G sera hypervéloce (c’est à dire hypersonique). Cela pourrait « rendre nécessaire une taille supérieure et donc un changement de plateforme ou une modernisation substantielle de l’actuel porteur », expliquent les sénateurs. Mais un « compromis vitesse/furtivité permettrait de conserver le porteur actuel tout en garantissant un niveau de performance suffisant », estiment-ils.

En tout cas, les choix devront rapidement être faits, c’est à dire d’ici à 2020. Ils seront déterminants « pour le futur de la composante aéroportée, puisque la nature du porteur conditionnera sa capacité d’emploi à partir d’un porte-avions et des infrastructures actuelles. Elle le sera aussi pour le format et la cohérence opérationnelle de l’Armée de l’air dans la réalisation des missions qui lui sont confiées », font valoir MM. Pintat et Lorgeoux.

En effet, expliquent-ils, « la montée en gamme des défenses aériennes (avions de 5ème génération type T50 et J20) va […] rendre nécessaire le renforcement de l’escorte des avions porteurs de l’arme nucléaire par des chasseurs dédiés. » En outre, mais pas seulement pour cette raison, les rapporteurs plaident également pour revoir à la hausse le format de flotte des avions ravitailleurs A-330 MRTT (ou Phénix), laquelle doit compter, à terme, 12 appareils.

« L’augmentation du parc des MRTT pour ravitailler en vol cette escorte supplémentaire qui donne de l’allonge et améliorer la sécurité du raid nucléaire devra être étudiée », font-ils valoir. Et « compte tenu tenu des nouveaux besoins opérationnels et de la vétusté du parc actuel en bout de course, il serait souhaitable d’en accélérer l’arrivée et d’augmenter le volume du parc », ont relevé les rapporteurs.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]