La cour des comptes polonaise va enquêter sur l’abandon du contrat des hélicoptères Caracal

En avril 2015, Varsovie fit savoir qu’Airbus Helicopters avait été retenu pour livrer cinquante hélicoptères H225M Caracal aux forces armées polonaises, dans le cadre d’un appel d’offres d’environ 3 milliards d’euros. Il ne restait plus qu’à finaliser les négociations autour de cette commande, laquelle supposait d’importantes compensations industrielles [offset].

Seulement, la victoire du parti « Droit et Justice » [PiS] lors des élections législatives d’octobre 2015 changea la donne, le mouvement conservateur n’ayant pas caché sa préférence pour les concurrents d’Airbus Helicopters dans cette affaire, à savoir Lockheed-Martin et Leonardo, ces deux groupes ayant déjà des usines en Pologne.

Un an plus tard, alors qu’Airbus Helicopters avait pris l’engagement d’implanter un centre de recherche ainsi qu’une ligne de production dédiée au Caracal en Pologne, le gouvernement polonais annonça brutalement la fin des négociations.

« Les divergences dans les positions de négociations des deux parties ont rendu impossible un compromis, ainsi la poursuite des négociations devient sans objet », avait soutenu le ministère polonais du Développement. Aussi, avait-il poursuivi, « la Pologne considère comme terminées les négociations de l’accord offset avec Airbus Helicopters, relatives à l’achat des hélicoptères multirôles Caracal pour l’armée polonaise » étant donné que « l’interlocuteur n’a pas présenté de proposition d’offset répondant à l’intérêt économique et à la sécurité de l’État polonais ».

Sauf que ces justifications ne convainquirent que ceux qui voulaient l’être… D’autant plus que, en avril 2017, un proche du ministère polonais de la Défense s’était vanté d’avoir « achevé » le contrat relatif aux Caracal lors d’un entretien donné à la presse. L’enquête menée à la suite de cette déclaration mit en évidence qu’il avait eu accès à des milliers de documents techniques susceptibles de receler des secrets industriels concernant l’appareil d’Airbus Helicopters… alors qu’il n’était pas autorisé à les consulter.

En clair, la décision du gouvernement dirigé par le PiS n’était pas motivée par des raisons opérationnelles et industrielles… mais par des considérations politiques. C’est ce que fit d’ailleurs valoir le gouvernement français à l’époque.

Par la suite, et au bout de cinq ans de procédure, Airbus Helicopters obtint 80 millions de zlotys [18,5 millions d’euro] à titre de dédommagement pour cette affaire… qui n’est pas encore terminée.

Le PiS étant désormais dans l’opposition après avoir échoué à nouer une alliance pour conserver le pouvoir, le nouveau gouvernement polonais, emmené par Donald Tusk [Plate-forme civique], a entamé une sorte de « chasse aux sorcières », en affirmant vouloir « restaurer l’état de droit »… Quitte à prendre des libertés avec celui-ci. « Comment rétablir l’État de droit sans violer le droit ? », s’est même interrogé le quotidien Le Monde…

Quoi qu’il en soit, c’est dans ce contexte que l’affaire des Caracal a refait surface. En effet, la semaine passé, la « Gazeta Wyborcza » a rapporté que le comité de la Défense de la Diète polonaise [chambre basse du Parlement] venait de voter une motion pour demander au Bureau suprême d’audit [l’équivalent local de la Cour des comptes] d’ouvrir une enquête sur les conséquences de l’abandon des discussions avec Airbus Helicopters, décidé quand Antoni Macierewicz était le ministre de la Défense.

« Personne n’a enquêté sur ce sujet à l’époque du PiS. Il faut des explications » sur cette affaire, a fait valoir le député Marcin Bosacki, dans les pages de la Gazeta Wyborcza. « Nous avons perdu des compensations d’une valeur de 10 milliards de zlotys et payé des dizaines de millions d’amendes. Pour cette seule raison, il faut enquêter. Sans cette décision, les Caracal seraient en Pologne depuis longtemps ! Et l’armée polonaise, au lieu d’avoir 50 nouveaux hélicoptères, n’en a reçu que 10 », a déploré le parlementaire.