L’Australie justifie son refus de céder à l’Ukraine ses hélicoptères NH-90 retirés précocement du service

Jouer sur l’émotion suscitée par un drame pour faire accepter une décision discutable en enrobant le tout avec quelques libertés avec la véracité des faits… La ficelle est certes un peu grosse mais elle est imparable. C’est d’ailleurs celle qu’a utilisée le ministère australien de la Défense pour justifier le retrait anticipé de la quarantaine d’hélicoptères MRH-90 « Taipan » [la déclinaison locale du NH-90 « Caïman » européen] que possédait alors l’Australian Army.

En effet, suite à l’accident de l’un de ces appareils lors de l’exercice Talisman Sabre, en juillet, qui fit quatre tués, Canberra décida d’immobiliser temporairement l’ensemble des MRH-90 « Taipan », dont le remplacement par des UH-60 « Black Hawk » américains était déjà acté. Mais ce qui devait être provisoire devint définitif quelques semaines plus tard, quitte à laisser l’Australian Army sans moyens pour mener à bien ses missions.

Cela étant, le ministre australien de la Défense, Richard Marles, avait tenu à préciser que cette décision ne préjugeait pas des résultats des enquêtes ouvertes après l’accident du MRH-90. Justement, à ce sujet, selon l’Asia-Pacific Defence Reporter [APDR], un magazine local dédié aux questions de défense, ces dernières privilégieraient la piste d’une « erreur humaine », l’analyse des boîtes noires ayant permis de déterminer que tous les systèmes de l’appareil fonctionnaient normalement au moment de sa chute.

Depuis, leur sort étant scellé, les MRH-90 « Taipan » vont être « enterrés » après que certains de leurs composants auront été prélevés. Ayant régulièrement mis en avant les problèmes de disponibilité et de maintenance de ces appareils [problèmes dont la Nouvelle-Zelande, qui dispose de 9 NH-90 fabriqués en France, n’a jamais fait état…], le ministère australien de la Défense aurait pu les revendre ou les céder à l’Ukraine, qui lui en a d’ailleurs fait la demande.

Lors d’un entretien accordé à l’Australian Broadcasting Corporation, Pat Conroy, chargé des acquisitions au ministère australien de la Défense, a défendu la décision de démanteler les MRH-90. « Aucun d’entre eux n’est actuellement en état de voler. Pour qu’ils le soient, il faudrait un énorme investissement des contribuables », a-t-il dit, pour justifier le refus de Canberra de les céder à Kiev.

La demande ukrainienne est arrivée « trois mois après que ces hélicoptères ont été immobilisés au sol » et donc « trois mois après la fin de leur maintenance », a poursuivi M. Conroy, après avoir expliqué que les MRH-90 n’avaient intéressé personne peu après l’annonce de leur retrait du service. « Et je dois également souligner que plusieurs enquêtes sont toujours en cours pour déterminer la cause de l’accident [survenu en juillet]. Il serait donc irresponsable de notre part de nous éloigner de la stratégie d’élimination dans laquelle nous nous sommes engagés », a-t-il ajouté, en laissant ainsi entendre que les MRH-90 n’étaient pas des hélicoptères fiables.

Ce sous-entendu a fait « bondir » l’Asia-Pacific Defence Reporter. Les NH-90/MRH-90 sont « remarquablement sûrs et possèdent bien plus de fonctionnalités de sécurité que les Black Hawk qui les remplaceront », a-t-il en effet réagi, en rappelant qu’il n’y avait eu « que » 11 accidents depuis 2008 pour une flotte de 500 appareils.

« En fait, la campagne de diffamation contre le Taipan est ancienne. […] Dans la plupart des cas, lorsque l’armée a immobilisé la flotte, c’était pour de fausses raisons – ou parce qu’elle n’avait pas mis en œuvre les recommandations du fabricant [NHIndustries, ndlr] en matière de maintenance préventive », a ajouté le magazine australien.

Quoi qu’il en soit, la décision de démanteler et d’enterrer les MRH-90 a fini par nourrir un début de polémique.

5/ Not only is this a scandalous decision, it is immoral. Rushing to bury useable helicopters rather than transferring them to a nation fighting for its life is shameful and a national embarrassment.

— Mick Ryan, AM (@WarintheFuture) January 15, 2024

« Non seulement c’est une décision scandaleuse, mais elle est immorale. Se précipiter pour enterrer des hélicoptères utilisables plutôt que de les transférer vers un pays qui lutte pour sa survie est honteux », a réagi Mick Ryan, un ancien général de l’armée australienne, désormais consultant pour les affaires militaires. « Le manque de transparence autour de cette question en dit long sur la Défense, le gouvernement et la démocratie ici », a-t-il estimé.