Les États-Unis ont l’intention de former une coalition navale pour protéger le trafic maritime en mer Rouge

Depuis qu’ils ont détourné le roulier M/V Galaxy Leader après avoir menacé de s’en prendre à tout navire ayant des liens avec des intérêts israéliens, les Houthis, les rebelles yéménites soutenus par l’Iran, multiplient les attaques contre les bateaux commerciaux et militaires croisant aux abords du détroit de Bab el-Mandeb, en mer Rouge.

Rien que durant les dernières vingt-quatre heures, au moins quatre navires ont été visés par des missiles et/ou des drones lancés depuis des territoires contrôlés par les Houthis.

Parmi eux, le chimiquier Ardmore Encounter, battant pavillon des Îles Marshall, a d’abord fait l’objet d’une tentative d’abordage, repoussée par son équipe de sécurité privée, avant d’être manqué de peu par deux missiles. Ayant répondu à son appel de détresse, le « destroyer » américain USS Mason a abattu un drone qui, a priori, se dirigeait directement vers lui.

Exploité par l’armateur danois Maersk, le porte-conteneur Maersk Gibraltar a également été visé par un missile alors qu’il assurait une liaison entre Salalah [Oman] et Djeddah [Arabie Saoudite]. L’engin serait tombé à seulement 50 mètres de sa position.

« Les récentes attaques contre des navires marchands dans le détroit de Bad al-Mandeb sont extrêmement préoccupantes. La situation actuelle met la vie des marins en danger et n’est pas viable pour le commerce mondial », a commenté Maersk, avant d’en appeler à une « action politique pour garantir une désescalade rapide ».

Ce 15 décembre, les Houthis ont dit avoir attaqué les porte-conteneurs MSC Alanya et MSC Panatium III parce qu’ils se dirigeaient vers Israël. Ces navires ont été « visés par deux missiles, après que leurs équipages [ont] refusé de répondre aux appels des ‘forces navales yéménites’ ainsi qu’aux messages d’avertissement », a expliqué Yehya Sari, le porte-parole des rebelles.

Cela étant, d’autres navires commerciaux ont, a priori, fait l’objet d’attaques. Ainsi, le porte-conteneur Al Jasrah, immatriculé au Liberia et exploité par l’armateur allemand Hapag-Lloyd AG, aurait été touché par un missile ou un drone. « Nous savons que quelque chose, qui a été tiré d’une région contrôlée par les Houthis au Yémen, a touché un navire qui a été endommagé et qu’un incendie a été signalé », a déclaré un officier américain, selon l’AFP.

Enfin, EUNAVFOR Atalanta, la force navale européenne dédiée à la lutte contre la piraterie maritime au large de la Somalie, a signalé que la frégate ESPS Victoria se dirigeait vers le vraquier M/V Ruen [battant pavillon de Malte], lequel aurait été détourné par des pirates. Et cela, en coordination avec la CTF Sentinel, la force multinationale créée à l’initiative des États-Unis pour assurer la sécurité aux abords des détroits d’Ormuz et de Bab el-Mandeb.

EUNAVFOR OFFICIAL STATEMENT:

Based on first information available on MV RUEN, #OperationAtalanta Flagship ESPS #VICTORIA is proceeding fast towards the alleged pirate-hijacked vessel to gain more awareness & evaluate following actions, also in coordination with @CMF_Bahrain. pic.twitter.com/8cWwG9PXZM

— EUNAVFOR (@EUNAVFOR) December 15, 2023

Pour rappel, dirigée depuis Barheïn, la CTF Sentinel est le volet opérationnel de l’International Maritime Security Construct, une coalition créée en 2019 et censée pouvoir compter sur des moyens fournis par les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis. La participation d’autres pays relève plus du témoignage qu’autre chose… Tel est le cas de l’Albanie, de la Lettonie, de l’Estonie et de la Roumanie. Cela étant, elle devrait être prochainement renforcée par l’arrivée du « destroyer » britannique HMS Diamond.

Quoi qu’il en soit, cette CTF Sentinel est a priori insuffisante pour faire face à l’insécurité croissante en mer Rouge. Les Houthis « représentent une menace concrète » pour la navigation, a dénoncé Jake Sullivan, le conseiller du président américain, Joe Biden, pour les affaires relevant de la sécurité nationale. « Les États-Unis travaillent avec la communauté internationale et leurs partenaires dans la région pour faire face à cette menace », a-t-il ajouté, ce 15 décembre, à Tel-Aviv.

Plus tôt, la numéro deux du Pentagone, Kathleen Hicks, avait dit la même chose lors d’un entretien accordé à l’agence Bloomberg. « Nous pensons que la liberté de navigation est une règle du système international qui doit être respectée », avait-elle dit, au sujet de la mer Rouge. Et d’ajouter : « C’est un problème international qui nécessitera une solution internationale. Nous travaillons avec nos alliés et partenaires à ce sujet ».

Dans cette affaire, Washington n’a pas l’intention de se laisser entraîner dans un conflit au Moyen-Orient… contrairement à ce que semblent chercher les Houthis [voire leurs soutiens iraniens]. Les rebelles yéménites « pourraient bien vouloir […] forcer les États-Unis à réagir de manière agressive, car ils pensent que cela renforcera leur statut de membre de ‘l’axe de la résistance' », a commenté le diplomate américain Gerald Feierstein, auprès de Bloomberg.

D’où, selon Tim Lenderking, l’envoyé spécial des États-Unis pour le Yémen, la volonté de l’administration Biden de trouver un accord « le plus large possible » au sujet d’une coalition navale censée protéger les navires transitant par la mer Rouge et « signaler aux Houthis que leurs attaques ne seraient pas tolérées ».

D’ailleurs, les propos tenus par le ministre iranien de la Défense, Mohammad Reza Ashtiani, le 14 décembre, sonnent comme des aveux sur les intentions de Téhéran. « Si les Américains agissent de manière aussi irrationnelle, ils seront confrontés à des problèmes extraordinaires » car « personne ne peut agir dans une région où nous sommes prédominants », a-t-il dit, selon l’agence de presse ISNA.

Photo : Marine nationale