L’Azerbaïdjan a lancé une offensive de grande ampleur au Haut-Karabakh; L’Arménie craint un « nettoyage ethnique »

En octobre 2020, avec le soutien de la Turquie, l’Azerbaïdjan lança une offensive pour reprendre le contrôle du glacis de sécurité que les forces arméniennes avait établi autour du Haut-Karabakh [ou République d’Artsakh], un territoire peuplé majoritairement d’Arméniens mais revendiqué par Bakou.

Après plusieurs semaines de combats meutriers qui tournèrent à son avantage, l’Azerbaïdjan accepta de signer un accord de cessez le feu avec l’Arménie, sous l’égide de la Russie, qui déploya par la suite 2000 soldats le long de la ligne de contact afin d’empêcher une éventuelle reprise des hostilités.

Seulement, plusieurs questions sont depuis restées en suspens, à commencer par celle du statut du Haut-Karabakh, désormais relié à l’Arménie par le seul corridor dit de Latchine. En outre, Bakou n’a toujours pas obtenu un accès à la République autonome azerbaïdjanaise du Nakhitchevan via la région arménienne de Syunik… laquelle a d’ailleurs été le théâtre de plusieurs incidents au cours de ces dernières années.

Quoi qu’il en soit, les tensions entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie n’ont pas baissé d’un cran depuis les combats d’octobre 2020. Notamment depuis que Bakou a décidé d’imposer un blocus du Haut-Karabakh en fermant le corridor de Latchine en invoquant des prétextes « sécuritaires », quitte à provoquer une crise humanitaire et en faisant fi de deux décisions rendues le 22 février et le 6 juillet 2023 par la Cour internationale de justice. Quant à la Russie, elle a été accusée par le gouvernement arménien de faire preuve de passivité devant les agissements azerbaïdjanais, ce qui l’a d’ailleurs conduit à revoir ses alliances… et à organiser un exercice militaire avec les États-Unis.

Cela étant, ces dernières semaines, l’Azerbaïdan a déployé d’importantes forces militaires près du Haut-Karabakh, avec des blindés marqués des symboles « F » ou « ∀ », comme les Russes le firent avec les leurs en y apposant la lettre « Z » avant d’envahir l’Ukraine. Et cela alors que la République d’Artsakh venait de se donner un nouveau président, en la personne de Samvel Chahramanian.

Le 7 septembre, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a accusé Bakou de préparer une « provocation militaire » en déployant ses forces près du Haut-Karabakh. « La situation militaire et politique dans notre région s’est nettement dégradée », s’est-il inquiété. « L’Arménie doit abandonner ses revendications territoriales vis-à-vis de l’Azerbaïdjan, mettre fin aux provocations militaro-politiques et cesser de créer des obstacles au processus de paix », lui a rétorqué le ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères.

Mais M. Pachinian avait eu raison de s’inquiéter. En effet, ce 19 septembre, sous couvert de mener une opération anti-terroriste après la mort de quatre policiers et deux civils azerbaïdjanais dans l’explosion de mines sur le chantier d’un tunnuel entre deux villes du Haut-Karabakh [en l’occurrence celles de Chouca et de Fizouli], les forces azerbaïdjanaises sont passées à l’attaque.

« Des opérations antiterroristes ont commencé dans la région. Dans le cadre de ces mesures, les positions des forces armées arméniennes […] sont mises hors d’état de nuire à l’aide d’armes de haute précision sur la ligne de front et en profondeur », a en effet annoncé le ministère azerbaïdjanais de la Défense.

En réalité, il s’agit bien d’une offensive à l’échelle du Haut-Karabakh qui vient d’être lancée par Bakou, dont les forces ont d’abord visé les systèmes arméniens de défense aérienne ainsi que des relais de communication.

Par ailleurs, d’importants mouvements de troupes ont été observés entre Choucha et Stepanakert, la capitale du Haut-Karabakh.

« Le seul moyen de parvenir à la paix et à la stabilité dans la région est le retrait inconditionnel et total des forces armées arméniennes de la région azerbaïdjanaise du Karabakh et la dissolution du prétendu régime » séparatiste, a fait valoir la diplomatie azerbaïdjanaise.

Dans le même temps, cette offensive se doublerait d’une tentative de déstabilisation politique à Erevan. C’est en effet ce qu’a laissé entendre M. Pachinian, peu après le début des hostilités. « Nous ne devons pas permettre à certaines personnes, certaines forces de porter un coup à l’État arménien. Il y a déjà des appels venant de différents endroits à mener un coup d’État en Arménie », a-t-il dit dans une adresse à la nation. Et il a accusé Bakou d’avoir lancé une opération militaire visant « nettoyage ethnique des Arméniens du Karabakh ».

Selon l’Azerbaïdjan, la Turquie et la Russie ont été prévenues du lancement de cette offensive. Ce qu’a confirmé le Kremlin, qui a cependant dit avoir été informé seulement « quelques minutes » avant le début des opérations. « L’essentiel est de convaincre Erevan et Bakou de s’asseoir à la table des négociations » et « d’éviter les pertes humaines », a réagi Dmitri Peskov, son porte-parole. Visiblement, Moscou n’a pas l’intention de solliciter son contingent déployé dans le Haut-Karabakh…

La France, qui, le 12 septembre, avait dit être « préoccupée » par l’accumulation de moyens militaires azerbaïdjanais dans les environs du Haut-Karabakh, a condamné « avec la plus grande fermeté » le déclenchement de cette nouvelle offensive et demandé « la convocation d’urgence d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies.

Cette opération est « illégale, injustifiable, inacceptable », a déclaré Catherine Colonna, la ministre française des Affaires étrangères, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. « Je voudrais souligner que nous tenons l’Azerbaïdjan responsable du sort des Arméniens du Haut-Karabakh », a-t-elle dit à la presse.

Le Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a estimé que « cette escalade militaire ne doit pas être utilisée comme un prétexte pour forcer l’exil des populations locales ».

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]