La France veut établir une coopération avec les Émirats arabes unis pour moderniser le char Leclerc

Il aura fallu attendre plus de trois mois pour obtenir – enfin – le compte rendu de la dernière audition du général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT] au Sénat. Évidemment, il s’est passé beaucoup de choses depuis…

Ainsi, la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 a été adoptée par le Parlement, avant d’être promulguée le 1er août. Et, surtout, lancé en 2017 dans le cadre d’une coopération franco-allemande afin de remplacer les chars Leclerc et Leopard 2, le programme de Système principal de combat terrestre [MGCS – Main Ground Combat System], a connu quelques turbulences, notamment après que l’Allemagne a fait part de son intention de s’associer avec la Suède, l’Italie et l’Espagne pour participer au projet « Main Battle Tank Platforme Systems » de la Commission européenne.

Par ailleurs, en juillet, à l’issue d’un rencontre avec son homologue allemand, Boris Pistorius, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait indiqué que les états-majors des deux pays allaient rédiger une une fiche d’expression commune de leurs besoins afin de relancer le MGCS.

Lors de son audition au Sénat, le général Schill a estimé que ce travail était nécessaire pour ensuite « progresser sur le plan industriel ».

« Le système MGCS devra aussi être puissant pour s’engager dans un combat destructeur : percer le dispositif adverse puis exploiter dans la profondeur. Ce système devra aussi être capable d’accomplir d’autres missions que le combat frontal. Il ne doit donc pas être trop lourd. Il doit pouvoir agir en dehors du théâtre européen. Voilà nos impératifs. Le MGCS sera un compromis entre ces priorités », a développé le CEMAT, avant d’estimer que la force terrestre allemande partageait cette vision, de même que d’autres « armées européennes » ayant « toutes vocation à terme à acquérir ce système ».

Initialement, le char de combat issu du programme MGCS [qui vise à développer un « système de systèmes » avec des blindés, des drones et un « cloud de combat »], était censé entrer en service à l’horizon 2035. Or, il est maintenant peu probable que cette échéance soit tenue… Ce qui pose la question de l’avenir du Leclerc, dont 160 exemplaires [sur 200] devront avoir été portés au standard XLR d’ici 2030.

« Le Leclerc arrivera en fin de vie à l’horizon que vous décrivez [c’est dire 2040, voire 2045] », a répondu le général Schill au sénateur Olivier Cigolotti, qui venait de l’interroger sur l’avenir de ce char au sein de l’armée de Terre.

« Nous voulons le remplacer par le MGCS, en coopération avec les Allemands. Initialement, nous avions pour ambition que les premiers éléments de ce nouveau système arrivent dans les forces en 2035. […] Manifestement, certains segments du programme MGCS pourraient glisser dans le temps pour des questions industrielles, mais aussi parce que la maturité de la robotique terrestre arrivera un peu plus tard que celle des systèmes de robotique aériens ou navals compte tenu de la complexité du milieu dans lequel ils évoluent », a expliqué le CEMAT.

Aussi, a-t-il continué, « l’avenir du char Leclerc dépend de la date d’entrée en service opérationnel du MGCS ». Et puisque celle-ci sera très certainement décalée, l’armée de Terre devra mettre en oeuvre une sorte de « plan B » afin d’assurer la pérennité du char jusqu’en 2040/45.

« Concernant le Leclerc, mon objectif est de lancer une première modernisation du char. Nous réaliserons des études complémentaires afin de définir en 2025 la portée et la profondeur de cette modernisation », ainsi confié le général Schill. « Je souhaite m’associer autant que possible à des pays partenaires », a-t-il dit, avant de lâcher que les « Émiriens [étaient] prêts à coopérer » avec la France « pour la modernisation du Leclerc ».

Pour rappel, l’Armée des Émirats arabes unis dispose de 354 chars Leclerc, après en avoir cédé environ 80 exemplaires à la Jordanie en 2020. Elle devrait donc être logiquement en position de force pour définir le contenu de cette modernisation évoquée par le général Schill. Modernisation qui pourrait inclure l’intégration d’un système de protection active, comme il l’avait affirmé en 2022.

Quoi qu’il en soit, le CEMAT a justifié le format de la flotte de chars Leclerc, défini dans la LPM 2024-30.

« Dans notre armée de Terre, nous avons deux brigades blindées lourdes. Nous avons besoin de pouvoir mettre sur pied en trente jours une brigade lourde qui comprendrait deux régiments de chars avec chacun quatre escadrons. C’est ce qui dimensionne le contrat opérationnel de nos chars, sachant que nous avons aussi besoin de garder une capacité de réaction de deux autres escadrons de chars, pour pouvoir faire face à une autre menace », a détaillé le général Schill. C’est à partir de ces éléments que nous avons défini le parc de chars Leclerc dont nous avons besoin », a-t-il conclu.

Photo : armée de Terre

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