L’Australie pourrait réduire d’un tiers sa commande de frégates de Type 26 passée auprès de BAE Systems

En 2018, le groupe britannique BAE Systems obtint un contrat d’une valeur de 26 milliards de dollars pour livrer à la Royal Australian Navy [RAN] neuf navires conçus à partir de sa frégate de Type 26 Et cela aux dépens de la Frégate Multimissions [FREMM] proposée par l’italien Fincantieri et de la frégate F-5000 de l’espagnol Navantia.

Appelé « Sea 5000 » [ou « Hunter »], ce programme avait été lancé par Canberra afin de remplacer les frégates de type ANZAC de la RAN d’ici la fin des années 2020. Et les neuf navires ainsi commandés devaient être construits par le chantier naval ASC Shipbuilding, implanté à Adelaïde, dans le sud de l’Australie.

Seulement, à l’époque, et même si elle avait été déjà choisie par la Royal Navy, la frégate de type 26 n’existait que sur le papier, tout comme d’ailleurs la F-5000… Mais celle-ci devait être une évolution des trois navires appartenant à la classe Hobart, déjà en service au sein de la marine australienne. Aussi, le programme Sea 5000 n’a pas manqué d’être affecté par des retards et des surcoûts. C’est en effet ce qu’a révélé un rapport rendu par l’Australian National Audit Office [ANAO] en mai dernier.

Ainsi, celui-ci a révélé que le programme « Hunter » avait accumulé un retard de dix-huit mois et engendré des surcoûts importants, dus « en grande partie à l’immaturité de la conception ». Mais l’ANAO est allé encore plus loin en affirmant que, lors des évaluations, la frégate de Type 26 avait été devancée par la FREMM italienne et la F-5000.

Le ministère de la Défense « n’a pas mené un processus d’appel d’offres limité et efficace pour la conception du navire. Le rapport qualité-prix des trois modèles concurrents n’a pas été évalué par les responsables, comme le plan d’évaluation des offres [TEP] proposait que le gouvernement le fasse », a estimé l’ANAO.

Quant aux raisons qui ont finalement conduit à choisir la frégate de Type 26, elles demeurent bien obscures… D’autant plus que les responsables de cette décision n’auraient pas eu la présence d’esprit de conserver leurs documents de travail… Ce qui est fort de café pour un projet d’une telle ampleur. D’ailleurs, un sénateur australien, David Shoebridge, a saisi un organisme de surveillance anti-corruption à la suite du rapport de l’ANAO.

« Ce que nous savons de l’acquisition de la frégate Hunter, c’est que les avertissements ont été ignorés, les principaux freins et contrepoids détruits au bulldozer, les documents critiques perdus, et un petit groupe d’initiés puissants ont obtenu le résultat qu’ils voulaient », a dénoncé M. Shoebridge.

Cela étant, à la décharge de BAE Systems, le type de navire souhaité par la marine australienne est très différent de la frégate de type 26 [ou classe « City »], notamment au niveau de la masse puisqu’il est question d’un déplacement à pleine charge de 10’000 tonnes pour le premier, contre « seulement » 8000 tonnes pour la seconde.

Mais en attendant les conclusions des enquêtes à venir, et alors qu’une revue stratégique navale est en cours d’élaboration, le gouvernement australien [qui n’était pas au pouvoir au moment des faits] envisage de tailler dans le vif, compte tenu des surcoûts attendus. C’est en effet ce qu’avance l’Australian Financial Review.

« De nombreux acteurs du secteur de la défense s’attendent à ce que l’examen de la flotte de surface recommande de réduire le nombre de frégates de la classe Hunter d’au moins trois unités », écrit en effet le journal australien. « Tout ce que j’entends, c’est que le nombre de navires sera réduit à six », lui a confié une source, tandis qu’une autre lui a indiqué que BAE Systems s’y « résignait ».

Cette « fuite » au sujet de la réduction du nombre de frégates « Hunter » survient deux ans après l’annonce de l’alliance AUKUS [Australie, Royaume-Uni, États-Unis], laquelle a conduit Canberra à annuler l’achat de 12 sous-marins Shortfin Barracuda [ou « Attack »] auprès de la France au profit d’un programme de sous-marin nucléaire [SNA] mené avec le soutien de Washington et de Londres.

Quoi qu’il en soit, la marine australienne n’est pas la seule à connaître quelque soucis avec ses frégates de type 26 : son homologue canadienne, qui a fait un choix identique après avoir écarté le tandem Naval Group/Fincantieri, Damen et Navantia, pourrait aussi se résoudre à revoir ses ambitions à la baisse. Une décision devrait être prise d’ici la fin de cette année, c’est à dire une fois qu’Ottawa aura une estimation actualisée des coûts.

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