Des indices suggèrent que Washington envisage à nouveau de stocker des armes nucléaires au Royaume-Uni

La dissuasion nucléaire de l’Otan repose actuellement sur des armes tactiques américaines de type B-61, stockées dans des dépôts situés dans six bases aériennes d’États membres de l’Otan : Buchel [Allemagne], Incirlik [Turquie], Kleine Brogel [Belgique], Volkel [Pays-Bas], Ghedi et Aviano [Italie].

Ce « partage nucléaire » fonctionne selon le principe de la double clé, c’est à dire que si les chasseurs-bombardiers des pays hôtes [à l’exception de la Turquie] sont susceptibles de mettre en oeuvre des B-61, le contrôle de ces dernières relève exclusivement des États-Unis.

En 2016, l’Otan a lancé un programme de rénovation de ces six dépôts nucléaires, pour un montant de 384 millions de dollars.

Or, en 2022, en passant au crible la demande budgétaire de l’US Air Force pour l’exercice fiscal 2023, la Federation of American Scientists [FAS] releva que le Royaume-Uni figurait sur la liste des pays où les dépôts nucléaires devaient être modernisés. Ce qui avait de quoi surpendre puisque, en 2008, Washington avait décidé de retrait des B-61 alors stockées sur la base aérienne britannique de Lakenheath. Cette mesure avait été prise par l’administration Bush, puis confirmée par celle de Barak Obama dans le cadre du « reset » [réinitialisation] des relations entre les États-Unis et la Russie.

Les B-61 mises en dépôt à Lakenheath n’avaient pas vocation à être emportées par des chasseurs-bombardiers de la Royal Air Force… mais par des F-15E de la 48e escadre de l’US Air Force.

Quoi qu’il en soit, cette mention du Royaume-Uni dans les plans de modernisation des dépôts nucléaires en Europe ne pouvait que « signaler un changement dans le statut nucléaire de la base de Lakenheath », avait alors souligné la FAS.

Un an plus tard, la référence au Royaume-Uni dans la demande de budget adressée par l’US Air Force au Congrès pour le prochain exercice fiscal a… disparu. De même que celles concernant les autres pays abritant des B-61. Pour autant, cela ne veut pas dire que les États-Unis n’ont plus l’intention de stocker des armes nucléaires tactiques à Lakenheath qui, par ailleurs, va accueillir deux escadrons de F-35A.

En effet, la FAS a noté qu’il est question de lancer des travaux sur la base britannique afin d’y augmenter les capacités d’hébergement en vue d’un « afflux d’aviateurs dû à une potentielle mission de sûreté » [« Surety Mission » dans le texte].

Le terme « Surety » est habituellement utilisé par le Pentagone et le département américain de l’Énergie pour « désigner la capacité à maintenir les armes nucléaires en toute sécurité et sous contrôle », explique la FAS, pour qui l’administration Biden ne tient pas son engagement à faire la transparence sur les sujets nucléaires…

La base de Lakenheath a une capacité d’accueil de 132 bombes B-61, réparties dans 33 « systèmes de stockage et de sécurité » de type WS3.

Cela étant, et au-delà du manque de transparence dénoncé par la FAS, plusieurs raisons peuvent expliquer les travaux envisagés sur le site britannique.

La première est qu’ils visent sans doute à préparer le stockage éventuel de la nouvelle bombe B-61-12. Un autre consisterait à donner plus de flexibilité à la dissuasion de l’Otan, à l’heure où la Russie évoque régulièrement la « menace nucléaire ». Et cela pourrait être une réponse au déploiement d’armes nucléaires russes en Biélorussie. Enfin, on peut aussi imaginer – une telle hypothèse ayant été avancée plusieurs fois au cours de ces dernières années – que la base turque d’Incirlik finisse par abandonner sa mission nucléaire… au profit de celle de Lakenheath.

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