Le Kremlin exige la soumission de tous les combattants du groupe paramilitaire Wagner

La chute de l’avion d’affaires Embraer Legacy 600 dans lequel auraient pris place Evguéni Prigojine, le chef du groupe paramilitaire russe Wagner, ainsi que son « directeur exécutif », Dmitri Outkine, recèle bien des mystères…

Déjà, elle a eu lieu le 23 août, soit exactement deux mois après la mutinerie lancée par M. Prigojine contre Sergueï Choïgou, le ministre russe de la Défense, à qui il reprochait sa façon de conduire les opérations en Ukraine. Et, à l’époque, le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, avait parlé de « trahison ». Et l’on sait le sort qu’il réserve à ceux qui l’ont trahi.

Ensuite, ce n’est pas la première fois qu’une personnalité susceptible de faire de l’ombre à M. Poutine meurt dans un accident aérien : en 2002, le général Alexandre Lebed, un temps pressenti pour succéder au président Boris Eltsine, trouva la mort dans la chute de son hélicoptère. Mais, ayant survécu à l’accident, les deux pilotes de l’appareil furent jugés pour « négligence » et « violation des règles de sécurité en vol ».

Par ailleurs, et selon des vidéos diffusées via les réseaux sociaux, le comportement de l’Embraer Legacy 600 durant sa chute a de quoi intriguer : il est parti en vrille subitement, après avoir apparemment perdu une aile. Le fait que, au moment des faits, il survolait la région de Tver, où des systèmes de défense aérienne sont déployés, donne du poids à l’hypothèse d’un tir de missile.

Cependant, le Pentagone s’est dit prudent au sujet d’une telle conjecture. « Nous ne disposons d’aucune information permettant de confirmer les informations de la presse selon lesquelles l’avion a été abattu par un missile », a en effet déclaré le général Pat Ryder, son porte-parole, le 21 août.

Un autre élément étonnant est la présence, à bord de cet appareil, des trois membres les plus éminents de Wagner. Ce qui au contraire aux règles de prudence. Le chef de la logistique du groupe, via les sociétés Evro Polis et Neva JSC, Valeri Chekakov aurait ainsi pris le même vol qu’Evguéni Prigojine et Dmitri Outkine, alors qu’il aurait pu se trouver à bord d’un second appareil – un Embraer Legacy 650 – qui devait, a priori, assurer la même liaison.

En outre, la célérité dont ont fait preuve les autorités russes pour identifier les corps [sans tests ADN?] et confirmer la mort des dirigeants de Wagner a aussi de quoi intriguer… C’est comme si elles avaient pris la peine de s’assurer que les trois hommes étaient bien montés à bord de l’appareil.

Aussi, le ministère britannique de la Défense [MoD] considère qu’il n’y a « pas encore de preuve définitive » sur la présence de Prigojine à bord du Legacy 600, d’autant plus que celui-ci était connu pour prendre des « mesures de sécurité exceptionnelles ». Toutefois, il estime sa mort comme étant « fort probable ».

Quoi qu’il en soit, le 24 août, Vladimir Poutine a fait une sorte d’éloge funèbre d’Evguéni Prigojine et de ses lieutenants. « C’était un homme au destin compliqué, qui a commis de graves erreurs dans sa vie, mais qui obtenait les résultats qu’il fallait » », a-t-il dit au sujet du chef de Wagner, avant de présent ses « sincères condoléances » aux proches des victimes. « Il s’agit de personnes qui ont apporté une contribution significative à notre effort commun » en Ukraine, a-t-il dit, lors d’une réunion retransmise à la télévision.

Cela étant, le Kremlin n’aura pas non plus tardé à prendre les dispositions nécessaires pour assurer sa mainmise sur Wagner. Dejà, en juin, le groupe paramilitaire avait dû remettre ses armements lourds aux forces russes, avant de s’exiler en Biélorussie. Et ses combattants qui n’avaient pas pris part à la mutinerie avaient été appelés à signer un contrat avec le ministère russe de la Défense. Avec la disparition présumée d’Evguéni Prigojine, M. Poutine a l’intention d’aller encore plus loin.

En effet, ce 25 août, celui-ci a signé un décret obligeant les membres des formations paramilitaires à « prêter serment à la Russie », comme le font les soldats des forces régulières. En clair il devront jurer « fidélité » et « loyauté » ainsi que « suivre strictement les ordres des commandants et des supérieurs ».

En outre, ils devront aussi s’engager à « respecter de manière sacrée la Constitution russe », à « accomplir consciencieusement les tâches qui [leur] sont confiées » et à « défendre courageusement l’indépendance et l’ordre constitutionnel » de la Russie.

À noter que cette reprise en main des groupes paramilitaires russes, à commencer par celle de Wagner, survient alors que plusieurs pays de l’Otan ont promis de livrer des avions de combat F-16 à l’Ukraine… et d’assurer la formation de ses pilotes et celle de ses techniciens. De telles annonces renforcent la cohésion des soutiens de Kiev.

Or, lors d’une récente audition parlementaire, le directeur du renseignement militaire français, le général Jacques Langlade de Mongros, avait souligné l’importance de cette cohésion selon un « modèle clausewitzien ».

« Le centre de gravité, pour l’Ukraine, est probablement la cohésion de l’alliance occidentale. Si elle se fragilise, si le soutien se fait plus hétérogène ou plus contesté dans certains pays, cela ne facilitera pas le travail des Ukrainiens à court terme et fragilisera globalement leurs chances d’atteindre leurs objectifs. Côté russe, le centre de gravité est probablement la solidité du système poutinien. Si celui-ci venait à s’effondrer, nous assisterions sans doute à une déliquescence rapide de l’appareil militaire russe », avait-il en effet expliqué.

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