Selon le Pdg de Naval Group, le gouvernement a tous les éléments pour se prononcer sur le futur porte-avions
À l’occasion de l’édition 2018 du salon Euronaval, la ministre des Armées, Florence Parly, avait donné le coup d’envoi des études relatives au futur porte-avions appelé à succéder au Charles de Gaulle. Cette phase devait durer 18 mois, avec une implication de plusieurs industriels, dont, évidemment, Naval Group [ex-DCNS], Thales, MBDA, Dassault Aviation ou encore TechnicAtome.
L’enjeu de ces études était de répondre à plusieurs questions clés, comme le mode de propulsion, la nature des catapultes [électromagnétiques ou à vapeur?], le nombre de navires pouvant être envisagé [un ou deux?], les évolutions technologiques auxquelles il faut s’attendre d’ici 2020 ou encore les possibilités de coopération au niveau européen.
Et, certaines des choix à faire peuvent avoir des conséquences lourdes. Ainsi en est-il, par exemple, de la propulsion de ce futur porte-avions. En effet, une décision en faveur d’une propulsion classique donnerait, comme l’ont avancé certains, la possibilité de doter la Marine nationale de deux bâtiments au lieu d’un seul. Mais elle porterait un rude coup à la filière nucléaire française, laquelle aurait du mal à conserver ses compétences, faute de plan de charge.
Quoi qu’il en soit, le Pdg de Naval Group, Hervé Guillou, qui quittera prochainement ses fonctions, a confié dans un entretien donné à Defense News que son groupe avait déjà remis à la Direction générale de l’armement [DGA] sa copie sur ce futur porte-avions.
« Nous attendons une décision sur le futur programme de porte-avions. Je ne peux pas dire le moment exact. Mais je suis optimiste, la décision sera prises cette année. Nous avons remis à la DGA nos études préliminaires et nos compromis coût-capacités. Nous avons également donné beaucoup de détails sur le moment de la mise en service éventuelle du nouveau porte-avions. Le gouvernement dispose désormais de tous les informations qu’il a demandées pour se prononcer », a en effet déclaré M. Guillou.
Cependant, ce dernier a été avare en détails. Si ce n’est que, sans suprise, Naval Group sera le maître d’oeuvre de ce programme car il est « le seul capable de concevoir » un tel navire et de lui intégrer pas moins de « 200 fonctions ». Ou encore que le futur porte-avions devra être en mesure de mettre en oeuvre des drones [ou plus vraisemblablement d’effecteurs connectés, aucun programme, hormis celui du démonstrateur nEUROn, n’ayant été lancé à ce jour] et qu’il sera doté de catapultes électromagnétiques. En tout cas, M. Guillou les a explicitement évoquées.
Le choix en faveur de ces catapultes électromagnétiques, qui ont été récemment qualifiées à bord de l’USS Gerald Ford, lequel inaugure une nouvelle classe de porte-avions américains, permet de faire quelques déductions.
Pendant un temps, il a été envisagé de doter la France d’une filière industrielle pour concevoir des catapultes à vapeur. Cette option a donc été abandonnée. Logiquement d’ailleurs car elle n’aurait pas été rentable. Cela étant, si elles présentes des avantages indéniables étant donné qu’elles permettent de lancer des avions plus lourd, en limitant les contraintes mécaniques subies par la structure de ces derniers, et d’accroître le rythme des opérations aériennes, les catapultes électromagnétiques sont gourmandes en énergie. Ce qui plaide donc en faveur d’une propulsion nucléaire.
Par ailleurs, les catapultes électromagnétiques utilisées aux États-Unis mesurent 90 mètres de long, contre 75 mètres pour celles à vapeur. Ce qui suppose donc que le futur porte-avions sera plus long que son prédécesseur. Et donc plus imposant [on parle de 60.000 à 70.000 tonnes].
Que ce navire soit plus imposant que le Charles de Gaulle n’est pas une surprise : le New Generation Fighter [NGF], sur lequel reposera le Système de combat aérien du futur [SCAF], affichera une masse de 30 tonnes, soit 10 de plus que le Rafale Marine.
Le choix du type de catapulte déterminera sans doute la position de l’îlot de ce futur porte-avions. Îlot qui serait probablement placé vers l’arrière du porte-avions, de façon à pouvoir lancer et ramasser simultanément les aéronefs qu’il emportera.
Aussi, ces éléments expliquent la raison pour laquelle M. Guillou a confirmé, dans les colonnes de Defense News, que les Chantiers de l’Atlantique seront sollicités. En effet, la coque de ce futur porte-avions sera construite au chantier naval de Saint-Nazaire, seul à disposer, en France, des installations ad hoc pour une telle tâche. Pour rappel, le Charles de Gaulle avait été construit à Brest.
Reste que la mise en oeuvre d’un navire aussi imposant que devrait l’être ce futur porte-avions sera susceptible d’avoir des « coûts cachés ». En effet, sans doute faudra-t-il revoir les bassins Vauban, Toulon, afin de leur permettre de l’accueillir quand il s’agira d’effectuer les IPER [Indisponibilité Périodique pour Entretien et Réparation]. Cela étant, ces derniers ont déjà été élargis pour y faire entrer les 80.000 tonnes des porte-avions américains de type Forrestal.
À noter que la décision que prendra le gouvernement au sujet de ce futur porte-avions interviendra au moment où l’US Navy s’interroge sur l’avenir de ses capacités aéronavales, l’idée de limiter le nombre de navires de la classe Ford à quatre unités ayant été avancée.