L’US Navy s’interroge sur l’avenir de l’aéronavale et pourrait se contenter de 4 nouveaux porte-avions

Il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir… En effet, le président Trump s’est donné pour objectif de doter l’US Navy de 355 navires d’ici 2030, dont 12 porte-avions. Une ambition encore plus élevée que celle de son prédécesseur, Barack Obama, qui avait parlé d’une flotte devant compter, à terme, 308 bâtiments.

Or, en décembre, les projections de la marine américaine prévoyait de mettre en oeuvre « seulement » 287 navires d’ici à l’exercice 2025 [contre 297 actuellement], c’est à dire après la dernière année d’un éventuel second mandat de M. Trump. D’où le rappel à l’ordre que lui a adressé la Maison Blanche à l’époque, en lui demandant de revoir sa copie.

Seulement, le budget du Pentagone ne pouvant pas grimper jusqu’au ciel [pour reprendre un adage boursier], cet objectif paraît très difficile à atteindre, d’autant plus que l’US Navy doit impérativement mener de front plusieurs programmes coûteux, comme celui concernant le renouvellement de ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE] de type Ohio par ceux de la nouvelle classe Columbia.

Les réalités budgétaires étant ce qu’elles sont, l’US Navy a récemment fait part de son intention de ne pas prolonger la durée de vie de ses 20 destroyers de type Arleigh Buke les plus anciens [Flight I], estimant qu’une telle opération n’était pas pertinente. Et il est question de réduire de 12 à 7 exemplaires la commande de destroyer Arleigh Burke Flight III.

Dans le même temps, un appel d’offres portant sur la conception d’une frégate de nouvelle génération a été lancé [programme FFG(X)]. Ces navires multimissions devraient être dotés d’une version modifiée du radar SPY-6 destiné aux destroyers de type Arleigh Burke Flight III, du système de combat AEGIS et de 32 cellules de lancement vertical.

Quant aux capacités aéronavales américaines, leur avenir va sans doute se jouer lors des six prochains mois. En effet, ce 10 mars, l’US Navy a lancé un groupe de travail qui, appelé « Futur Carrier 2030 », est chargé de livrer, d’ici six mois, au secrétaire à la Marine, qui est Thomas Modly, un rapport « détaillant le rôle de l’aviation navale embarquée » dans un contexte marqué par une rivalité accrue avec la Chine et la Russie et l’apparition de nouvelles menaces, comme les missiles hypersoniques ou la mise en service de sous-marins toujours plus difficiles à détecter.

En outre, ce groupe de travail aura aussi à examiner les conséquences d’une coopération plus étroite entre l’US Navy et l’US Marine Corps [USMC], tout en prenant en compte les nouveaux concepts opérationnels de ce dernier, dont le Distributed Maritime Operations [DMO] et l’Expeditionary Advance Base Operations [EABO], les besoins nécessaires à une « force navale intégrée » et les conséquences en matière de construction navale.

Cette étude, qui sera menée avec l’appui de l’US Naval Academy, du Naval War College, de la Marine Corps University et de la Naval Postgraduate School, devra également prendre en considération les « principes de dissuasion, les missions de présence au niveau mondial, la protection de la sécurité économique améticaine ainsi que les combats potentiels avec d’éventuels adversaires ».

« L’étude définira également les contraintes probables en termes de budget ainsi que la possibilité d’envisager de futures technologies possibles non encore inventées qui pourraient changer l’avenir de l’aviation navale embarquée », précise encore le communiqué de l’US Navy.

Pour le secrétaire par intérim à la marine américaine, cette réflexion est nécessaire avant d’aller plus loin dans la construction de nouveaux porte-avions de classe Ford. Actuellement, quatre navires de ce type ont été commandés : l’USS Gerald Ford, poursuit ses essais en mer, l’USS John Fitzgerald Kennedy a été lancé, la construction de l’USS Enterprise a commencé et le dernier, l’USS Doris Miller doit entrer en service en 2032. Et il n’est pas impossible que la série puisse s’arrêter-là.

« Les défis à long terme auxquels notre nation et le monde sont confrontés exigent des évaluations lucides et des choix difficiles. […] Parce que nous avons quatre nouveaux porte-avions de la classe Ford sous contrat, nous avons un peu de temps pour repenser ce qui va suivre. Toute évaluation que nous faisons doit tenir compte des coûts, de la capacité de survie et des exigences nationales essentielles pour maintenir une base industrielle capable de produire les navires dont nous avons besoin – des navires qui contribueront à une force navale intégrée supérieure pour les années 2030 et bien au-delà », a en effet expliqué M. Modly.

Ce dernier avait toutefois donné des indications sur l’orientation que devait prendre l’US Navy en matière de capacités aéronavales. « Nous devons être dans de nombreux endroits à la fois, et nous devons compliquer les calculs de nos adversaires dans la région [Pacifique]. Il y a certaines plateformes dans lesquelles nous devons investir et que nous n’avons pas actuellement. Nous devons aller de l’avant, à la fois du côté de la recherche et du développement, et peut-être aussi augmenter la taille de la base industrielle pour produire ces choses », avait-il expliqué, après avoir souligné le coût « important » des porte-avions de la classe Ford. Porte-avions qui constituent, avait-il estimé, des « cibles attrayantes ».

Actuellement, l’US Navy met en oeuvre 10 porte-avions de la classe Nimitz. D’ici 2030, trois d’entre-eux devraient être retirés du service [les USS Nimitz, USS Dwight D. Eisenhower et USS Carl Vinson]. Puis viendra le tour des USS Theodore Roosevelt et USS Abraham Lincoln. Ce qui veut dire que, en 2040, la marine américaine disposerait de 9 navires de ce type à cette date. Voire moins si l’on se souvient du cas de l’USS Harry Truman, lequel a failli être désarmé à l’occasion de sa refonte à mi-vie ayant été avancé [mais le Congrès et le président Trump s’y étaient opposés, ndlr].

A priori, d’après les concepts avancés outre-Atlantique [*] l’idée serait de les utiliser pour protéger les lignes d’approvisionnement lors d’un conflit. C’est, en tout cas, la démonstration récemment faite par l’USS Dwight D. Eisenhower avant son entrée en Méditerranée.

Dans le même temps, pour les opérations plus offensives, il s’agirait d’engager des porte-avions légers, pouvant embarquer une douzaine d’avions de combat [des F-35B, en l’occurrence]. Tel serait, en tout cas, le point de vue de l’US Marine Corps, avec son concept de « Lightning Carrier« .

Cependant, les travaux du groupe « Futur Carrier 2030 » seront menés en même temps qu’une autre étude sur la « future structure des forces » l’US Navy, conduite par le David Norquist, le numéro deux du Pentagone. Cette dernière a été lancée par Mark Esper, le secrétaire américain à la Défense, parce qu’il n’était pas satisfait des plans que les responsables de la marine lui avaient soumis.

[*] Voir : « Fleet Tactics and Coastal Combat« 

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