Centrafrique : Deux Mirage 2000D ont été sollicités par la MINUSCA pour un appui aérien à Birao

Lors d’une récente audition au Sénat, le général [2S] Didier Castres, ancien chef des opérations à l’État-major des armées [EMA] a déploré une certaine forme de « prêt à penser » dans la résolution de crises, c’est à dire que des solutions identiques sont appliquées quelles que soient les réalités des pays ou des régions en déliquescence.

Le schéma est quasiment invariablement le même : une intervention militaire est lancée pour éviter un bain de sang que s’apprêtent à commettre des groupes armés se disputant le pouvoir, puis un processus politique est initié avec le concours des Nations unies qui déploient une opération de maintien de la paix pendant qu’une mission de formation des forces armées locales est décidée afin de rétablir l’autorité d’un État failli.

La Centrafrique est un cas d’école. En 2013, des affrontements entre la coalition rebelles de la Séléka, qui venait de renverser le régime du président Bozizé, et des groupes génériquement appelés les « anti-balaka » se multipliaient. Au point que le pire était redouté à Bangui. Ce qui motiva la décision de la France d’intervenir avec l’opération Sangaris. Cette dernière ayant permis d’éviter ce que tout le monde craignait tout en permettant un retour de l’ordre contitutionnel [avec la tenue d’élections, ndlr], la Mission multidimensionnelle intégrées des Nations unies pour la stabilisation de la République centrafricaine [MINUSCA] a pris le relais, pendant que l’Union européenne lançait la mission EUTM RCA, visant à former les forces armées centrafricaines [FACa].

Seulement, la coalition de la Séléka a depuis fini par se disloquer, les anti-balakas sont toujours plus ou moins actifs et tout ce beau monde se dispute les ressources du pays. Ce qui donne lieu à de fréquents déchaînements de violences, dont certains ont des motivations ethniques, économiques voire religieuses. Cependant, le dernier accord de paix, signé en février 2019 par une dizaine de groupes armés et le gouvernement centrafricain, a laissé entrevoir une amélioration de la situation. Mais il est, lui aussi, régulièrement remis en cause, malgré, au passage, la présence russe dans le pays, via la société militaire privée Wagner.

« Le activités menées par des groupes armés en violation de l’Accord se sont poursuivies, notamment la violence contre les civils, la taxation illégale et l’obstruction à l’autorité de l’État. Après une diminution des actes de violence en juin et en juillet, leur nombre est reparti à la hausse en août et en septembre, y compris dans des zones qui n’avaient jusqu’alors pas été touchées par le conflit », a ainsi relevé Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, dans son dernier rapport sur la Centrafrique.

Le souci est que quand une situation s’est apaisée dans un secteur, une nouvelle crise survient dans un autre. Ainsi, fin janvier, dans le cadre de l’opération « Mo kiri! » [Toi, dégage!], la MINUSCA est parvenue à faire reculer le groupe « Unité pour la paix en Centrafrique » [UPC] qui, dirigé par Ali Darassa, s’est rendu coupable de maintes exactions dans la région d’Alindao [sud].

Mais, dans le même temps, la tension montait de nouveau à Birao [nord], entre le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique [FPRC, dominé majoritairement par les ethnies Rounga, Haoussa et Goula] et le Mouvement des libérateurs centrafricains pour la justice [MLCJ, dominé majoritairement par l’ethnie Kara]. Déjà, en septembre, les deux groupes s’étaient durement affrontés [71 tués et une cinquantaine de blessés], ce qui avait conduit la MINUSCA à intervenir.

Le 10 février, et alors que la situation restait encore tendue, Irène Kouassi, la cheffe du bureau de la MINUSCA s’est félicité du fait que l’action de la mission des Nations unies avait « contribué à réduire la tension entre les groupes ethniques » à Birao. Ce qui était a priori un peu prématuré puisque, trois jours plus tard, de nouveaux combats ont éclaté entre le FPRC et le MLCJ à une quinzaine de kilomètres de la ville.

« Cela constitue une violation flagrante de l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation en République Centrafricaine [APPR-RCA] dont ils sont signataires », a réagi la MINUSCA, dans un communiqué publié conjointement avec l’Union africaine [UA] et la la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale [CEEAC]. Et de demander « au FPRC de renoncer immédiatement à sa tentative d’attaquer la ville de Birao » en le mettant en garde « contre conséquences dramatiques des violences sur la population civile » et d’appeler le « le MLCJ à éviter tout acte pouvant mener à une escalade injustifiée. »

C’est donc dans ce contexte que les forces françaises ont été sollicitées par la MINUSMA, comme elles l’ont ponctuellement déjà été par le passé pour dissuader, voire stopper, un groupe armé préparant une offensive.

Ainsi, le 13 février,  deux Mirage 2000D, basés à N’Djamena au titre de la force Barkhane, ont assuré une mission « d’appui aérien rapproché » au-dessus de Birao, alors que, par ailleurs, les aviateurs français sont déjà très sollicités pour appuyer les opérations au Sahel.

« Les équipages des deux Mirage 2000 ont réalisé un ‘show of force’ à la demande et en appui de la MINUSCA qui observait des regroupements de groupes armés à proximité de la ville », a en effet indiqué l’État-major des armées [EMA].

Un « show of force » consiste à survoler à très basse altitude les positions d’un groupe hostile afin de le dissuader à lancer une attaque. Il s’agit d’un ultime avertissement avant une éventuelle ouverture du feu.

« Cette mission visait à les dissuader de lancer une offensive. Elle souligne que la France, en contribuant activement aux missions internationales MINUSCA et EUTM-RCA, continue de s’investir directement pour la paix en RCA », a rappelé l’EMA.

Selon le Réseau des journalistes pour les droits de l’Homme en Centrafrique, la situation était relativement calme à Birao, le 14 février. « Les groupes armés ont regagné leur position suite à l’intervention musclée de la MINUSCA », a indiqué le préfet de la région. Cependant, d’autres informations, non confirmées, ont fait était de la présence de combattants du FPRC à seulement 2 km de la ville.

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