Russie : Déclarations contradictoires au sujet du déploiement de bombardiers Tu-22 en Crimée

Quand le président d’une commission parlementaire, censé maîtriser son sujet, fait une déclaration, on est généralement porté à la croire sur parole. Et d’ailleurs, l’ensemble des agences de presse russes et internationales ont donné du crédit au propos tenus le 18 mars par le sénateur Viktor Bondarev, le président du comité pour la Défense et la sécurité de la haute assemblée russe.

Ainsi, à l’occasion du cinquième anniversaire de l’annexion de la Crimée, ce dernier a indiqué que Moscou avait décidé de déployer un « escadron » de bombardiers stratégiques Tu-22M23 « Backfire » sur la base aérienne de Gvardeyskoïe, situé au centre de cette péninsule qui fut autrefois ukrainienne.

Pour rappel, développé dans les années 1960, le Tu-22 a donné lieu à deux autres versions : le Tu-22M2 et le Tu-22M3, entré en service en 1981. Ayant un rayon d’action de 6.800 km, cet appareil peut voler à une vitesse supérieure à 2.000 km/h et emporter jusqu’à 12 tonnes de munitions, dont des missiles nucléaires.

Ce n’est pas la première fois qu’un tel déploiement de ces bombardiers est évoqué : en effet, la presse russe s’en était fait l’écho dès 2014… En outre, Moscou a toujours affirmé son droit à pouvoir mettre en oeuvre des armes nucléaires depuis la Crimée. De quoi, donc, donner de la substance aux affirmations de M. Bondarev.

Mais ce sénateur est allé encore plus loin en justifiant la mesure prises par les autorités russes. En effet, a-t-il expliqué, l’envoi de Tu-22M23 en Crimée est une réponse à la mise en service par l’Otan du système antimissile AEGIS Ashore en Roumanie. Ce qui, selon lui, réprésente un « défi majeur » pour l’état-major russe. Et d’assurer qu’une telle décision a « radicalement modifié l’équilibre des forces dans la région. »

Puis, M. Bondarev a justifié l’annexion de la Crimée par le risque que ce territoire risquait de devenir un « protectoriat des États-Unis » et, qu’à ce titre, les Américains y auraient déployé des capacités militaires susceptibles de contrarier la liberté de manoeuvre de la marine russe non seulement en mer Noire mais aussi en Méditerranée. En outre, a-t-il continué, Moscou, qui, chaque année versait « environ 100 millions de dollars à Kiev » pour utiliser la base de Sébastopol, pouvait s’exposer à un « chantage » de la part du gouvernement ukrainien, lequel menaçait de « ne pas prolonger le bail ».

Seulement, le comité pour la Défense et la sécurité du Sénat russe [Conseil de la fédération, ndlr] s’est désolidarisé des propos de son président en parlant d’une déclaration « erronée ». Et l’homologue de M. Bondarev à la Douma, Vladimir Shamanov, en a fait de même, tout en assurant que les forces russes actuellement présentes en Crimée étaient « parfaitement capable de repousser toute tentative d’attaque », étant donné que les défenses ont été « massivement renforcées depuis la réunification de 2014 » avec le systèmes S-300, S-400, Buk-M2, Pantsir S-1 et Bastion.

« Il n’est pas nécessaire de parler du déploiement des bombardiers TU-22M3 et des systèmes de missiles Iskander-M, car ils ne sont tout simplement pas en Crimée », a ainsi affirmé M. Shamanov, selon l’agence Tass. Mais, d’après Interfax, il aurait dit le contraire… Bref, on s’y perd.

Quoi qu’il en soit, deux choses sont a peu près certaines. La première est que, comme ils le font régulièrement, deux Tu-22M3 ont, la semaine passée, survolé, les eaux internationales de la mer Noire durant un vol qui a duré plus de cinq heures [et nul besoin pour eux d’être basés en Crimée pour cela]. La seconde est que, le 18 mars, l’Otan a dénoncé le renforcement du dispositif militaire russe dans cette région.

« Nous condamnons le renforcement généralisé du dispositif militaire russe en cours en Crimée, et nous sommes préoccupés par la volonté qu’affiche la Russie de renforcer encore son dispositif militaire dans la région de la mer Noire ainsi que par les efforts qu’elle déploie en ce sens », a en effet dénoncé le Conseil de l’Atlantique nord.

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