Les États-Unis refusent d’être entraînés dans la guerre civile syrienne, selon le chef du Pentagone
Durant le dernier mandat du président Barack Obama, les États-Unis lancèrent un programme visant à former et à équiper 5.400 rebelles syriens modérés en Jordanie. Programme qui vira au fiasco puisqu’à peine ces combattants mirent le pied en Syrie qu’ils furent défaits par les jihadistes du Front al-Nosra (qui se fait maintenant appeler « Front Fatah al-Cham »). « Une blague à 500 millions de dollars », ironisa la sénatrice républicaine Kelly Ayotte.
À l’époque, Washington considérait que le départ du président syrien, Bachar el-Assad, était un préalable à la résolution du conflit qui mine la Syrie depuis maintenant 6 ans. En décembre dernier, Barack Obama estimait encore que le chef du régime syrien « ne pouvait pas gagner sa légitimité à coups de massacres. »
Mais l’arrivée de l’administration Trump a rebattu les cartes. Ainsi, Washington s’accomode du maintien de Bachar el-Assad, estimant que son sort doit uniquement relever du « peuple syrien ».
En clair, il s’agit désormais de se concentrer uniquement sur le combat contre les groupes jihadistes, ce qui ne va pas sans créer des tensions avec les forces syriennes et leurs alliés. Cependant, les États-Unis ont maintenu leurs lignes rouges, notamment au sujet de l’usage d’armes chimiques. En avril, le président Trump n’a ainsi pas hésité à ordonner une frappe massive contre la base syrienne d’al-Shayrat, soupçonné d’avoir été à l’origine de l’attaque au gaz neurotoxique ayant visé la localité de Khan Cheikhoun, le 4 avril dernier.
Et, c’est parce que des activités « suspectes » indiquant « des préparatifs pour une utilisation possible d’armes chimiques » ont été repérées sur cette même base que Washington a lancé un avertissement clair, le 26 juin au soir, à Damas. Un message considéré par Moscou comme étant une « menace inadmissible ».
Peu avant l’avertissement lancé par Washington, le chef du Pentagone, l’ex-général James Mattis, a rappelé les nouveaux fondamentaux de la politique américaine en Syrie, alors qu’il se trouvait dans un avion le menant en Europe, où il doit prononcer un discours en Allemagne sur le lien transatlantique avant de participer à une réunion de l’Otan à Bruxelles.
« Nous refusons simplement de nous laisser entraîner dans les combats de la guerre civile syrienne, nous essayons d’y mettre fin au travers d’efforts diplomatiques », a ainsi affirmé M. Mattis. Seulement, ces dernières semaines, la coalition anti-jihadiste a ouvert le feu à plusieurs reprises sur les forces pro-régime dont l’attitude a été jugée hostile ou menaçante, notamment à At-Tanf et à Tabqa, où un avion d’attaque Su-22 « Fitter » syrien venait de s’en prendre aux Forces démocratiques syriennes (FDS), en première ligne face à l’EI à Raqqa.
« Si quelqu’un s’en prend à nous, nous bombarde, nous tire dessus, alors nous ferons ce que nous avons à faire, en application du principe d’auto-défense », a alors expliqué James Mattis.
Le souci est que les forces syriennes, avec l’appui de l’aviation russe et des milices chiites, s’approchent des zones où opère la coalition anti-jihadiste et ses alliés locaux engagés contre l’EI. Ce qui a donné lieu aux tensions à At-Tanf et à Tabqa. « Il faut vraiment faire attention avec cela. Plus vous vous rapprochez, plus cela devient compliqué », a souligné M. Mattis.
Aussi, ce dernier a souligné, à nouveau, l’importance de maintenir ouvert les canaux de communication entre le contingent russe déployé en Syrie et le commandement des opérations aériennes de la coalition, installé au Qatar. Canaux qui ont été suspendus par Moscou après l’affaire du Su-22 syrien abattu.
Cette histoire de fermeture, par les Russes, de ces canaux de communication n’est pas claire. Le 23 juin, un porte-parole de la coalition, le colonel Ryan Dillon, a assuré qu’ils sont restés ouverts afin d’être « utilisés pour être sûr que nous nos équipages aériens et nos forces sur le terrain sont en sécurité. »
Par ailleurs, autre sujet sensible, le secrétaire américain à la Défense a abordé la question des armes et des matériels fournis, en vue de la bataille de Raqqa, aux FDS, dont l’ossature est constituée par les milices kurdes syriennes, considérées comme terroristes par Ankara.
Ainsi, M. Mattis a indiqué que les États-Unis s’emploieront à récupérer une partie de ces équipements. « Nous les récupérerons durant la bataille [de Raqqa], nous les réparerons et lorsqu’ils n’auront plus besoin de certaines choses ils les changeront pour des équipements dont ils ont besoin », a-t-il dit, sans plus de détails.