Malgré les critiques, M. Valls entend maintenir l’opération Sentinelle

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Que faisait une Peugeot 607  sans plaques d’immatriculation, apparemment abandonnée à proximité de la cathédrale Notre-Dame, à Paris, avec 6 bonbonnes de gaz à l’intérieur? La section antiterroriste de la brigade criminelle et la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) trouveront sans doute la clé de cette énigme. Cependant, la berline en question a été signalée par des habitants de la rue de la Bûcherie (Ve), inquiets de voir un véhicule suspect garé dans leur quartier. En clair, elle n’a pas été repérée par des policiers ou une patrouille de l’opération Sentinelle, alors même que le patron du renseignement intérieur, Patrick Calvar, avait dit redouter des attentats à la voiture piégée commis par la mouvance jihadiste lors d’une audition parlementaire, en mai dernier.

Cette dernière, lancée juste après les attentats de janvier 2015, mobilise jusqu’à 10.000 militaires, principalement de l’armée de Terre. Et cela n’est pas sans conséquence, comme l’ont souligné plusieurs rapports, parlementaires ou non, publiés au cours de ces derniers mois.

L’un des effets est la chute du nombre de jours de préparation opérationnelle (JPO), avec, en 2015, l’annulation de 70% des rotations dans les centres d’entraînement spécialisés (en réalité, seul l’entraînement avant projection sur un théâtre extérieur a été préservé). Un autre est la « surchauffe opérationnelle », avec la mobilisation de 70.000 soldats, soit 105% des effectifs de la Force opérationnelle terrestre (FOT).

Alors que la Loi de programmation militaire actualisée (LPM) 2014-2019 prévoit de mobiliser, dans la durée, 7.000 hommes pour Sentinelle, le nombre de soldats engagés dans cette mission est resté à 10.000 depuis novembre 2015. Ce qui implique nécessairement une révision à la hausse des effectifs de la FOT et donc de disposer de 9.000 recrues supplémentaires si jamais ce niveau devait devenir la norme.

Et puis il y a aussi les conséquences sur la vie des personnels, un rapport du Haut comité d’évalution de la condition du militaire (HCECM) ayant estimé que l’opération Sentinelle était un « facteur de risques pour la condition militaire ».

Aussi, pour toutes ces raisons, les critiques portées contre cette opération intérieure ne manquent pas, la première étant que les militaires n’ont pas à être les supplétifs des forces de sécurité. Car, en plus des problèmes qu’elle suscite, sa pertinence est aussi remise en cause : elle n’a pas permis d’empêcher les attentats de Paris, de Nice et de Saint-Étienne de Rouvray.

Lors de l’Université d’été de la Défense, le 6 novembre, Jean-Pierre Raffarin, qui préside la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées, a mis les pieds dans le plat. « On a demandé à la Défense de faire tapis, en montant d’entrée de jeu au plafond de 10.000 hommes, avec de trop éphémères redescentes à 7.000 », a-t-il dit. « En conséquence, les tensions sont fortes pour l’armée de terre, au moins jusqu’à fin 2017, et les entraînements et les rythmes d’activité resteront perturbés », a-t-il rappelé.

« Les forces armées ne sont pas là pour pallier les carences des autres institutions (…) l’ordre public est du ressort des forces de sécurité intérieures », a encore martelé l’ancien Premier ministre du président Chirac. Aussi, il en appelé « à une meilleure répartition des rôles entre les armées et les forces de sécurité intérieures et à un allégement dynamique de Sentinelle. »

« Le confort politique, c’est le statu quo à 10.000, c’est vraiment du confort », a encore asséné M. Raffarin. « Le besoin du pays lui, c’est de redonner des marges de manoeuvres » à nos armées, a-t-il ajouté.

Pour autant, malgré ces critiques, le Premier ministre, Manuel Valls, n’a pas l’intention de mettre un terme à l’opération Sentinelle. « On ne peut pas dire que nous faisons face à une menace sans précédent, qu’il y a un continuum entre sécurité intérieure et extérieure, et ne pas y impliquer pleinement nos armées y compris sur le territoire intérieur », a-t-il répondu à M. Raffarin.

« C’est vrai que c’est un vrai changement dans lequel l »armée de terre est plus particulièrement impliquée (mais) je constate que les Français plébiscitent ce choix », a fait valoir M. Valls.

Pour rappel, l’opération Sentinelle a 4 objectifs : dissuader, intervenir le cas échéant, protéger et rassurer. Or, il est vrai que selon les derniers sondages, les personnes interrogées sont, à une large majorité, favorables à la présence des militaires dans les rues. Mais peut-on raisonnablement juger l’efficacité une opération militaire à cette aune?

Cela étant, M. Valls s’est dit ouvert à une évolution du dispositif. « S’il y a continuum je plaide pour qu’on garde sous une forme qui peut toujours évoluer cette opération Sentinelle même si je suis conscient que c’est un effort très important de nos armées », a-t-il dit. « Il va falloir continuer à réfléchir et à innover, trouver le bon point d’équilibre », a-t-il ajouté.

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