Une reprise de la guerre au Nagorny-Karabakh pourrait avoir des conséquences régionales dévastatrices

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Haut-lieu de la résistance arménienne face aux Perses au IIIe siècle, le Nagorny-Karabakh, territoire montagneux et difficile de 11.500 km2, a une histoire tumultueuse. Au début du XIXe siècle, il passa sous contrôle russe. Puis, en 1868, son admninistration fut confiée au gouvernement d’Elisavetpol, qui correspondait alors à l’ouest de l’Azerbaïdjan et à une partie de l’Arménie. Les problèmes venaient de commencer…

Après la révolution d’octobre et l’avènement des bolchéviques, trois nouveaux États se formèrent : la Géorgie, l’Azerbaïdjan et l’Arménie, ces deux derniers se disputant… le Nagorny-Karabakh.

Mais Staline trancha le différend et confia ce territoire à la « République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan. » On en resta là jusqu’aux années 1980. La Glasnost et la Perestroïka eurent pour effet de relancer les tensions sur le Nagorny-Karabakh, dont la population arménienne, exprima des velléités d’indépendance à l’égard de Bakou.

En 1988, le Parlement du Nagorny-Karabakh vote le rattachement avec l’Arménie. À partir de là, des heurts éthniques commencèrent… avant de déboucher sur une guerre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, favorisée par l’éclatement de l’Union soviétique. En 1994, et après plus de 30.000 tués, un cessez-le-feu fut obtenu sous l’égide du groupe de Minsk (France, Russie, États-Unis) et le Haut-Karabakh devint une République autoproclamée, sous protecterat arménien.

Cependant, ce cessez-le-feu n’est que virtuel car il est régulièrement violé par l’un ou l’autre camp. Mais, depuis quelques mois, les accrochages entre forces arméniennes et  azerbaïdjanaises semblent à la fois plus fréquents et plus meurtriers.

La preuve avec ceux qui ont commencé dans la nuit du 1er au 2 avril, avec des moyens mis en eouvre par les deux camps jamais vue depuis 22 ans. Selon Erevan, « l’Azerbaïdjan a lancé vendredi soir une attaque massive à la frontière du Nagorny Karabakh avec chars, artillerie et hélicoptères », ce qu’a démenti Bakou, qui a affirmé n’avoir fair que riposter à des tirs venus du côté arménien.

Après plusieurs heures de combat, l’Arménie a admis avoir perdu 18 soldats, sans toutefois préciser si ces derniers appartenaient aux forces arméniennes ou à celle du Nagorny-Karabakh, soutenues par Erevan. De son côté, l’Azerbaïdjan a reconnu la mort de 12 de ses militaires ainsi que la perte d’un hélicoptère.

La situation est à surveiller de très près car une éventuelle guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan est susceptible d’avoir des conséquences régionales dévastatrices dans la mesure où elle pourrait impliquer d’autres acteurs régionaux. Ainsi, Ankara soutient Bakou tandis qu’Erevan peut se prévaloir de l’appui de Moscou et de Téhéran. En outre, le sud du Caucase s’en trouverait déstabilisé.

D’où, d’ailleurs, les appels immédiats au cessez-le-feu lancée par la communauté internationale, à commencer par la Russie, les États-Unis et la France (le groupe de Minsk, ndlr).

Ainsi, le président russe, Vladimir Poutine, a appelé « les deux parties à un cessez-le-feu immédiat et à faire preuve de retenue pour éviter qu’il y ait de nouvelles victimes » tandis que ses ministres des Affaires étrangères et de la Défense, MM. Lavrov et Choïgou, ont pris contact avec leurs homologues azerbaïdjanais et arménien.

À Washington, le secrétaire d’État, John Kerry, a condamné « dans les termes les plus forts » les derniers affrontements et pressé Erevan et Bakou à « respecter strictement le cessez-le-feu » car, a-t-il fait valoir, « il n’y a pas de solution militaire à ce conflit ».

De son côté, le président Hollande a déploré « profondément les graves incidents » au Haut-Karabakh et appelé les deux parties à « la plus grande retenue » et au « respect immédiat, total, durable du cessez-le-feu ».

En revanche, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, dont le pays est presque aux première loges, a pris fait et cause pour Bakou. « Nous prions pour que nos frères Azerbaïdjanais triomphent de ces combats avec le moins de pertes possibles », a-t-il déclaré, en marge d’un déplacement aux États-Unis. « Nous soutiendrons l’Azerbaïdjan jusqu’au bout », a-t-il insisté, avant de s’en prendre au Groupe de Minsk. « S’il avait pris des mesures justes et décisives, ce genre de choses n’arriverait pas », a-t-il estimé.

Cela étant, les combats ont continué dans la nuit du 2 au 3 avril, Bakou ayant dénoncé 130 violations du cessez-le feu par les troupes arméniennes. « Les tirs provenaient à la fois du territoire arménien et du Nagorny Karabakh occupé par les Arméniens », a ainsi accusé le ministère azerbaïdjanais de la Défense. Son homologue arménien a quand à lui dénoncé les tirs en provenance d’Azerbaïdjan…

Quoi qu’il en soit, sur le plan militaire, l’avantage va clairement du côté de Bakou, qui, grâce à ses revenus pétroliers, a pu porter le budget de ses forces armées à plus de 2 milliards d’euros. Ces dernières, majoritairement équipées de matériels d’origine russe (ou ex-soviétique), disposent de 100.000 hommes, de 600 blindés (dont 94 chars T-90 mais aussi une centaine de T-55 de conception très ancienne)  et de 80 avions de combat.

Face à cela, l’Arménie et la République du Haut-Karabakh ne peuvent qu’opposer une trentaine d’avion de combat (en majorité des Su-25 d’attaque au sol) et une centaine de chars T-72. Toutefois, Erevan bénéficie, sur son territoire, d’une présence militaire russe relativement importante, ce qui a quelques vertus dissuasives.

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