Selon un rapport, il faudrait simplifier les procédures d’achat de matériels destinés aux forces spéciales

Dans le rapport qu’ils ont remis le 13 mai, les sénateurs Gérard Larcher, Jacques Gautier et Daniel Reiner estiment que « la question cruciale des équipements n’a pas été traitée » dans le cadre du renforcement des forces spéciales recommandé par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN) de 2013.

« Indépendamment de l’augmentation quantitative, il faut veiller à la qualité des équipements des forces spéciales françaises et à leur adaptation aux missions demandées. Or, de ce point de vue, la qualité des moyens est apparue insuffisante à vos rapporteurs. Cette insuffisance est d’autant plus surprenante que les forces spéciales sont supposées bénéficier des meilleurs équipements », ont ainsi constaté les trois parlementaires.

Outre le domaine de l’aéromobilité (les hélicoptères), où quelques difficultés ont été soulignées par les rapporteurs, l’âge des 2 avions de transport C-130 Hercules et surtout des 3 Transall C-160 (habitués aux terrains sommaires en Afrique) mis en oeuvre par l’escadron 3/61 Poitou est une des données du problème. Mais leur remplacement par des A400M « devrait se faire progressivement », ont-ils noté.

« La capacité d’emport et l’allonge de l’A400M seront des atouts pour le COS (ndlr, Commandement des opérations spéciales) : la rapidité d’exécution, la capacité de mener une opération directement depuis la métropole (empreinte minimale sur le terrain) », ont estimé les sénateurs. Toutefois, ont-ils déploré,  » il semblerait qu’il ne soit pas en mesure d’effectuer des ravitaillements en vol d’hélicoptères, contrairement aux spécifications de l’appareil, ce qui pourrait nuire à la capacité d’élongation des forces spéciales. Sauf à ce qu’une adaptation de l’appareil aboutisse, la modification d’Hercules C 130 de l’armée de l’air française pourrait être envisagée ».

Seulement, ce point n’est pas tout à fait exact. Des essais de ravitaillement en vol d’un hélicoptère EC-725 Caracal par un A400M ont été menés en juin 2013.

Cela étant, le document préconise de modifier également les C-130 pour leur intégrer la « capacité C3ISTAR (boule optronique jour/nuit avec désignateur laser et console d’exploitation des images pour réaliser les missions de surveillance, renseignement, ciblage et reconnaissance).

S’agissant des commandos Marine, les rapporteurs n’ont pas constaté de problèmes majeurs en matière d’équipements, si ce n’est pour le Commando Hubert (action sous-marine), « pour qui l’acquisition de nouveaux moyens sous-marins du type des propulseurs sous-marins de deuxième génération (PSM 3G) et le renouvellement de la flotte des tracteurs sous-marins ou diver propulser device (DPD) semblent tarder ».

En revanche, les sénateurs se disent préoccupés par l’état des véhicules terrestres mis en oeuvre par les forces spéciales. « Soit ils sont de conception ancienne, soit ils ont été commandés en trop petit nombre, soit ils ont fait l’objet d’une usure accélérée », ont-ils souligné.

Deux types de véhicules sont utilisés principalement : le VLRA (véhicule léger de reconnaissance et d’appui) et le VPS (véhicule de patrouille SAS). Le premier, produit par ACMAT (Renault Trucks Defense) et de conception ancienne, « fait l’objet d’une usure prononcée » tandis que le second (châssis Panhard et moteur Mercedes), acquis en urgence opérationnelle en 2005, présente une « usure a été très rapide compte tenu des conditions d’utilisation, d’autant que leur quantité était très réduite (45 véhicules plus 5 marine) ». Aussi, le rapport indique que « ces équipements sont à bout de souffle et doivent être remplacés ».

Ce qui est prévu d’ici trois ans au plus tard. « Mais d’ici là le risque de rupture capacitaire est avéré », prévient le rapport. « Le trou capacitaire des VPS, qui seront remplacés par les VLFS, aura lieu en 2016 et celui des VLRA, remplacés par les PLFS (Poids Lourds Forces Spéciales, ndlr), en 2017. Si l’acquisition est faite par appel d’offres, cela retardera de plusieurs années la procédure, car s’agissant de véhicules simples, sur étagère, certains constructeurs écartés feront des recours contentieux », ont par ailleurs estimé les sénateurs.

Concernant les équipements individuels, le rapport estiment qu’ils ont « un niveau satisfaisant », avec, toutefois, quelques exceptions. « Vos rapporteurs ont fait le constat de l’insuffisance, voire de l’obsolescence des équipements optroniques. De nombreux opérateurs achètent leur propre matériel. Il est en particulier regrettable que tous les opérateurs des forces spéciales ne disposent pas de jumelles de vision nocturne de dernière génération (JVN) équipement indispensable », ont indiqué les sénateurs.

Quant aux systèmes de transmission, ils sont communs aux trois armées. « On notera que les liaisons tactiques des forces spéciales passent par des matériels d’origine américaine », ont souligné les rapporteurs.

Aussi, le rapport insiste sur le fait que « pour des raisons évidentes tenant à la structuration même de nos forces spéciales en ‘système intégré’, l’augmentation des effectifs, sans augmentation proportionnelle des équipements, limiterait considérablement la portée de la réforme ». Et d’ajouter : « Sans avion et sans hélicoptère pour les transporter, sans drones pour les éclairer, sans satellites pour les renseigner, sans transmission pour communiquer, nos forces spéciales ne pourront accomplir les missions que l’on attend d’elles ».

Pour améliorer ce qui peut l’être, les sénateurs ont avancé quelques pistes, en commençant par simplifier les procédures d’acquisition de matériels pour les forces spéciales. Ces dernières sont « d’une grande complexité » et « ne donnent pas satisfaction », comme l’a déjà souligné un rapport de la Cour des comptes publié en 2008.

« Le COS n’a pas les moyens de sa politique : état-major ultra-restreint, concentré sur l’opérationnel, il n’a pas les moyens de répondre à cette fonction d’équipement. Par ailleurs, les pouvoirs de la CIEPCOS (Commission Interarmées d’Etudes Pratiques Concernant les Opérations Spéciales, ndlr) ne sont que consultatifs et les fonds dont disposent le COS ne permettent que de répondre aux besoins les plus urgents. Il doit faire face aux états-majors d’armée qui sont les seuls décisionnaires et pour qui les besoins du COS sont trop limités pour intéresser qui que ce soit. Ils sont du reste vus comme une source de désorganisation. Le principal problème est celui des délais. Ceci vaut naturellement pour les achats, compte tenu du caractère échantillonnaire des commandes qui ne motive personne », ont constaté les sénateurs.

Ainsi, ces derniers ont donné l’exemple d’une « modification minime du véhicule terrestre P4 » qui « a pris trois ans » et celui de « la mise en place d’une mitrailleuse 12,7 sur l’hélicoptère Cougar » qui « a pris cinq ans ».  Et, ont-ils poursuivi, « il est même arrivé, en matière d’optronique, que le matériel commandé ait été frappé d’obsolescence au moment de sa livraison! ».

Aussi, ces derniers ont estimé que « le seul vrai moyen de permettre au COS de bénéficier des souplesses qui existent dans le code des marchés publics est, soit de lui conférer l’autorité de pouvoir adjudicateur, soit d’en désigner ou d’en créer un à son intention ». Et, pour accélérer les procédures d’homologation des matériels, les rapporteurs ont proposé « l’extension automatique d’une homologation réalisée dans une armée aux autres armées; de même, lorsque le matériel est connu et qu’il est déjà homologué dans les armées alliées ou par l’Otan, le droit de modifier un matériel devrait être reconnu à la CIEPCOS, ce qui suppose de modifier ses missions » et « le traitement en priorité des demandes d’homologation du COS ».

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