Les coupes dans le budget de la Défense pourraient dépasser les 2,3 milliards d’euros d’ici 2017

En novembre dernier, le gouvernement avait décidé d’annuler 650 millions d’euros de crédits dans le budget 2013 des forces armées, quitte à compliquer l’entrée en vigueur de la Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, alors soumise à l’examen du Parlement. Cela étant, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, s’était montré rassurant : la somme manquante allait être compensée par 500 millions d’euros de recettes exceptionnelles supplémentaires (REX) en 2014.

Seulement, nous voilà arrivés presque au milieu de l’année… Et ces recettes exceptionnelles tardent à venir. Et il est fort probable qu’elles ne viennent jamais. Et pour cause : sur les 1,6 milliards d’euros d’économies supplémentaires que le gouvernement entend réaliser en 2014 pour tenir ses objectifs en matière de déficit public, entre 300 et 350 millions seraient prélevés sur le budget de la Défense, si l’on en croit les informations du quotidien Les Echos, qui ne parle pas des crédits gelés au titre de la réserve de précaution ministérielle (7% du budget), laquelle devrait être également sollicitée…

Mais il ne s’agit-là que du hors d’oeuvre! Car, selon la même source, l’effort demandé aux forces armées par Bercy serait d’un montant de 1,5 à 2 milliards d’euros pour la période 2015-2017. Et le plus fort dans l’histoire est que le ministère de la Défense n’en était pas au courant.

« Nous l’avons appris à la radio, comme vous », a confié, à Europe1, un conseiller de l’Hôtel de Brienne. Et le même média d’ajouter que Jean-Yves Le Drian « attendait toujours des explications de l’exécutif » lundi soir. « Il n’y a pas de plan secret » et « nos armées doivent être préservées », avait affirmé, la veille, le Premier ministre, Manuel Valls, sur le plateau de TF1, avant d’avancer que tout le monde devait faire des efforts.

Ce plan secret, c’est le député (UMP) et ancien ministre du Travail, Xavier Bertrand, qui l’a révélé lors du Grand rendez-vous Europe1/i-Télé/Le Monde. Si les sommes en jeu pour l’Hôtel de Brienne devraient être moindre par rapport à celle qu’il a indiquées (la belle affaire, cela dit!), il n’en reste pas moins que le parlementaire était bien informé. Et pour cause : « C’est le secrétaire général de la défense nationale qui a fait les simulations », a-t-il confié à la station de la rue François Ier.

Quoi qu’il en soit, ces nouvelles coupes, si elles sont confirmées (il faudra qu’elles soient votées par le Parlement et il est à espérer que les commissions ad hoc du Sénat et de l’Assemblée nationale rééditeront ce qu’elles firent quand il était question du « scénario Z » l’an passé) mettront à terre l’actuelle LPM, laquelle avait déjà pris en compte l’effort que devaient réaliser les armées au titre de la réduction des déficits (budget ne prenant pas en compte l’inflation jusqu’en 2016 – soit 400 à 500 millions d’euros de manque à gagner par an -, suppression de 23.500 postes supplémentaires, dissolution de garnisons, etc…). Et c’est sans compter l’impact qu’elles auront sur les industriels de la défense, déjà sous tension, et dont les exportations rapportent chaque année à la France 5 milliards d’euros en moyenne.

Cette LPM constituait un minimum. Elle devait permettre de conserver l’ensemble des capacités des forces armées, en attendant que la situation budgétaire du pays aille mieux. Y toucher signifie que l’édifice s’écroulera… Cela étant, ce n’est pas ce que pense Claude Bartolone, le président de l’Assemblée nationale.

« Le Parlement a voté une loi d’orientation 2014-2019 pour les dépenses militaires. Qu’il puisse y avoir, les deux, trois premières années, un effort supplémentaire réclamé par rapport à l’ensemble, un effort qui serait moins important dans les dernières années de cette loi de programmation, peut être une piste », a-t-il déclaré, ce 12 mai, à l’antenne de RTL.

« À un moment où on se rend compte (…) que le monde est encore incertain, il faut que l’on soit attentif aux moyens qui vont à nos armées, mais à un moment où nous voulons faire des efforts pour éviter les augmentation d’impôts et les sacrifices demandés à l’ensemble de nos compatriotes, il faut que chaque euro soit utile et que chaque euro soit pensé dans son utilisation », a encore ajouté M. Bartolone.

Que chaque euro soit utile et pensé dans son utilisation? Comme par exemple les 32 milliards dépensés pour la formation professionnelle (dont 40%, il est vrai, viennent des entreprises), critiquée pour son manque d’efficacité, comme le soulignait le journal Le Monde, en décembre dernier?

Le président Hollande aura donc à faire des arbitrages. A plusieurs reprises (campagne électorale de 2012, intervention télévisée du 29 mars 2013, 14 juillet dernier, voeux aux armées en janvier), il a affirmé ou laissé entendre que les armées ne seraient pas une « variable d’ajustement budgétaire ». Si ces coupes budgétaires deviennent réalité, alors qu’en sera-t-il de la crédibilité de la parole politique?

« Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent », a cyniquement dit Henri Queuille (19 fois ministre sous la IIIe République et 3 fois président du Conseil sous la IVe), pour qui, dit-on, le chef de l’Etat éprouve de l’admiration. Puisse cette formule être démentie.

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