Le ministre de la Défense va devoir livrer un bras de fer pour préserver son budget

Le Premier ministre, Manuel Valls, a démenti, lors de son passage au journal télévisé de TF1, le 11 mai, l’existence d’un « plan caché » d’économies drastiques concernant le ministère de la Défense, comme l’avait révélé plus tôt le député UMP Xavier Bertrand, invité du Grand rendez-vous Europe1/i-Télé/Le Monde. « Nos armées (…) doivent être préservées », a-t-il dit. Toutefois, le chef du gouvernement a précisé qu’il y aurait des efforts à faire pour réduire les déficits et que « tout le monde devra y participer ».

Sur Twitter, l’éditorialiste politique Michaël Darmon (i-Télé) a cité des propos qu’aurait tenus le président de la République en « off ». « Hollande en privé sur les crédits de Defense : « il y aura des efforts dans la loi triennale, des discussions dans le budget 2015 », a-t-il posté. Et d’ajouter, toujours en citant le chef de l’Etat : « Il faut que tout le monde y participe ».

Si les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, l’on peut en dire de même pour les Lois de programation militaire (LPM)… La dernière, adoptée par le Parlement en décembre dernier, est d’une construction fragile, reposant sur des recettes exceptionnelles d’un peu plus de 6 milliards d’euros. Prévoyant d’allouer à la Défense un budget ne prenant pas en compte l’inflation (ce qui revient, de facto, à une baisse des moyens) jusqu’en 2016, sa trajectoire financière doit être impérativement respectée sous peine de devoir à renoncer à certaines capacités et à revoir encore à la baisse les ambitions.

Les parlementaires qui ont travaillé sur le sujet et les chefs d’état-major ne cessent de mettre en garde contre la moindre encoche susceptible de faire dérailler la LPM 2014-2019. Mais au final, cela revient à prêcher dans le désert…

Dès 2014, les armées devraient être mises à contribution pour limiter le dérapage des déficits publics. Le gouvernement doit en effet trouver plus de 4 milliards d’euros, en plus des 15 milliards d’économies déjà programmés.

Déjà, 7 milliards de crédits ont été gelés en début d’années pour abonder la réserve de précaution ministérielle (chaque ministère y contribue à hauteur de 6-7% de son bugdet (*)). Cette dernière devrait être sollicitée pour réduire les déficits, du moins d’après Pierre Moscovici, au temps où il était encore ministre de l’Economie. Mais selon les Echos, citant une source gouvernementale, « cela ne suffira pas ». Et les ministères devront trouver 1,6 milliards d’euros d’économies supplémentaires.

La chanson est connue : tout le monde participera proportionnellement au montant de son budget. Sauf que certains ministères seront davantage sollicités que d’autres, jugés prioritaire… Et la note pourrait être salée pour la Défense.

A cela s’ajouteront d’autres efforts dans le cadre du budget pluriannuel 2015-2017, qui prévoit 50 milliards d’euros d’économies. Les ministères ont reçu, à cette fin, leur lettre de cadrage ce week-end. Et, toujours selon les Echos, il leur a été précisé que leurs dépenses de fonctionnement devront encore baisser de 15% d’ici à 2017 (5 % en 2015, 10 % en 2016 et 15 % en 2017). « Cet objectif est transversal à ce stade, mais devra être adapté aux différents ministères », a toutefois indiqué une source gouvernementale au quotidien économique. Mais, si l’on en croit les propos prêtés au président Hollande par Michaël Darmon, les armées n’y couperont pas.

Déjà, l’actuelle LPM affiche déjà un objectif de 600 millions d’euros d’économies sur les dépenses de fonctionnement pour la période 2014-2019, alors qu’elles étaient déjà fortement sous contrainte. Comment, alors, aller encore plus loin quand l’amiral Guillaud, l’ancien chef d’état-major des armées (CEMA) affirmait, en septembre 2013, que ces ressources diminuées « ne permettront plus de satisfaire nos objectifs de maintenance préventive » en matière d’infrastructure et que le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), le général Ract-Madoux, en craignait les répercussions sur le moral de ses troupes?

« Si on supprime des crédits sur les trois prochaines années en-deçà de ce qui est prévu à l’heure actuelle, on supprimera du physique. C’est mécanique », avait récemment prévenu le général Pierre de Villiers, l’actuel CEMA. « Les gains de productivité, ça a des limites », avait-il insisté.

Ah oui… Il paraît que, selon M. Le Drian, le ministre de la Défense « ce qui se joue en ce moment aux portes de l’Europe est la crise la plus grave depuis des décennies survenue sur le continent européen, depuis la fin de la guerre froide certainement, depuis l’Acte d’Helsinki de 1975 aussi » et que les « les fondements même de la sécurité européenne sont menacés »…

(*) La circulaire du Premier ministre du 14 janvier 2013 qui consacre le principe dit d’auto-assurance, prévoit en outre que la règle générale d’utilisation de la réserve de précaution est désormais de « prévoir son annulation au moins partielle en fin de gestion ». Les aléas de gestion doivent par conséquent être prioritairement couverts par redéploiement de crédits; le dégel des crédits mis en réserve revêt désormais, précise la circulaire, « un caractère exceptionnel » et doit en outre « être dûment justifié ».

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]