Les ministres de la Défense de l’UE parlent de mutualisations et de coopérations entre les armées des Etats membres

Au cours des années 1990, l’effort de défense des Etats européens représentait encore 30% des dépenses militaires mondiales. A contrario, le Canada, sous la houlette du Premier ministre libéral Jean Chrétien, décidait de réduire le sien de 23% afin de lutter contre les déficits publics.

Et c’est au nom de cette même exigence de rigueur budgétaire que les pays européens ont réalisé des coupes dans leurs budgets militaires, lesquels sont déjà en baisse constante depuis la dernière décennie. Dans le même temps, le Canada a quant à lui augmenté son effort de défense. Le budget alloué à ses forces armées est passé de 9 milliards de dollars en 2001 (1,1% du PIB) à 21 milliards en 2010. Et au niveau mondial, les dépenses militaires ont progressé de 6% lors de la même période.

Reste que la situation des armées européennes devient préoccupante, au point même d’inquièter Washington. Un éditorial du New York Times s’en est fait récemment l’écho en pointant les lacunes du Vieux Continent en matière de forces terrestres. « Le Pentagone peut facilement fournir à l’Otan tous les porte-avions et missiles nucléaires nécessaires. En revanche, l’organisation a besoin de troupes au sol et les Etats-Unis peinent à répondre à l’appel » a ainsi fait valoir le quotidien new yorkais, après l’annonce de la nouvelle coopération franco-britannique en matière de défense.

Quoi qu’il en soit, la crise économique, qualifiée de « surprise stratégique » par le chef d’état-major de la Marine (CEMM), l’amiral Forissier, impose des réductions parfois drastiques, des budgets militaires européens.

Les armées françaises, avec 3,6 milliards d’euros d’économies à réaliser en 3 ans, lesquelles devrait en théorie être partiellement compensées par des recettes exceptionnelles qui tardent à venir, s’en tirent plutôt bien par rapport à leurs homologues européennes, même si une révision des priorités définies par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale publié en 2008 semble inexorable.

Pour le Royaume-Uni, la réduction budgétaire a été fixée à 8%, avec, à la clé, une réduction de format de ses forces armées et des pertes capacitaires, notamment au niveau de la Royal Navy, fierté des Britanniques. Et c’est ce qui a incité Londres a chercher à établir une coopération poussée en matière de défense avec Paris.

En Allemagne, la situation n’est guère plus réjouissante. Les forces allemandes devront économiser 8,4 milliards d’euros. Pour y arriver, la solution qui semble la plus évidente est, là encore, de réduire les effectifs. Ainsi, Berlin va supprimer la conscription et passer à une armée professionnelle. Seulement, cela pose un autre problème : selon le ministre de la Défense, Karl-Theodor zu Guttenberg, le coût de cette mutation est incompatible avec l’effort budgétaire qui lui a été demandé.

Au Pays-Bas, et à l’instar de la plupart de ses homologues européens, le gouvernement a annoncé des mesures, en septembre, pour économiser 3,6 milliards d’euros en 2011. Bien évidemment, l’armée néerlandaise, dont le contingent a obtenu des résultats intéressants lors de son engagement en Afghanistan, ne sera pas épargnée. Il est en effet question de réduire les effectifs du ministère de la Défense de 10.000 personnels, sur les 69.000 qu’il compte actuellement (50.000 militaires, 19.000 civils). Par ailleurs, la presse a évoqué l’état désastreux de la flotte de F16 de la RNALF (Royal Netherlands Air Force) : un tiers seulement des 87 appareils sont en état de vol (contre 45 il y a encore 3 ans).

C’est donc dans ce contexte que les ministres de la Défense des Etats membres de l’UE se sont retrouvés, le 9 décembre, à Bruxelles. Bien évidemment, ces coupes dans les budgets militaires portent atteinte à la crédibilité des forces armées des pays de l’Union et l’enjeu est donc de trouver des solutions pour y remédier.

Ainsi, les ministres européens comptent reproduire la démarche faite par la France et la Grande-Bretagne en matière de défense et, par conséquent, ont mis l’accent sur « l’intensification de la coopération militaire en Europe ».

Selon eux, la crise économique qui frappe les dépenses militaires des Etats membres devrait être vue non pas comme une fatalité mais comme une chance pour faire progresser la défense européenne, en développant les coopérations, les mutualisations de certaines capacités, du moins sur celles qui « pourraient donner lieu à un partage des rôles et des tâches » et l’interopérabilité pour celles jugées « primordiales » pour la sécurité nationale des pays membres.

A cette fin, l’Agence européenne de défense (AED) a été chargée « d’intensifier ses travaux afin de contribuer à identifier les domaines pouvant donner lieu à une mutualisation et à un partage de ressources » et il reviendra à la Haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la sécurité, la britannique Catherine Ashton, d’en faire le bilan d’ici à la mi-2011.

Dans le fond, cette réunion de Bruxelles n’a pas fait beaucoup évolué ce dossier puisque l’AED devait déjà remettre en ce mois de décembre une série de pistes concernant la mutualisation des moyens militaires des Etats membres, à la demande du ministre belge de la Défense, Pieter De Crem, qui estimait alors, en septembre dernier, que le traité de Lisbonne n’avait pas encore d’application concrète sur le plan de la défense.

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