Sahel : La France consulte ses partenaires sur l’avenir du groupement européen de forces spéciales « Takuba »

Lors de son discours de rentrée, le 20 janvier dernier, la ministre des Armées, Florence Parly, avait souligné la réussite du groupement européen de forces spéciales « Takuba », déployé au Mali dans le cadre de l’opération française Barkhane, avec la participation, notamment, de la Suède, du Danemark, de l’Estonie, de l’Italie, de la Roumanie et de la République tchèque. Et d’y voir « la preuve que les Européens sont capables de combattre ensemble, dans des missions exigeantes, lorsque leurs intérêts sont en jeu ».

Seulement, l’avenir de Takuba s’écrit en pointillé. S’étant emparée du pouvoir à la faveur d’un coup d’État mené en deux temps, la junte malienne a franchi toutes les lignes rouges fixées par certains pays contributeurs à cette force européenne. À commencer par le recours aux service du groupe paramilitaire russe Wagner.

« Le contingent estonien s’en ira si un accord de coopération est conclu avec le groupe Wagner », avait, par exemple, averti Kalle Laane, ministre estonien de la Défense, en septembre dernier, alors qu’il venait d’être fait état de discussions entre Bamako et la société militaire privée russe.

Pour le moment, et alors que la présence de mercenaires russes aux côtés des forces armées maliennes [FAMa] est désormais avérée, aucun pays contributeur n’a retiré ses troupes de Takuba… qui a même récemment reçu le renfort d’un détachement des forces spéciales danoises.

Ce qui été dénoncé – un peu tardivement – par la junte malienne, qui a demandé à Copenhague de retirer « immédiatement » son contingent [dont l’arrivée était pourtant annoncée depui mai 2021] au motif que son déploiement « est est intervenu sans son consentement » et « sans
considération du Protocole additionnel applicable aux partenaires d’opération européens devant intervenir au Mali, dans le cadre de la Force Takuba ».

« Si quelqu’un doit venir au Mali, on se met d’accord là-dessus. […] On a dit aux Danois : si vous voulez venir au Mali, c’est un engagement entre Danois et Maliens », a insisté Choguel Kokalla Maïga, le Premier ministre malien, qui a, ces derniers mois, enchaîné les déclarations désobligeantes à l’égard de la France.

Après avoir remis en cause les accords de défense avec Paris et posé des restrictions dans l’espace aérien malien, le gouvernement malien cherche visiblement à entraver l’action de Barkhane.

Quoi qu’il en soit, à l’Assemblée nationale, le 25 janvier, Mme Parly a affirmé la « solidarité » de la France avec ses « partenaires danois, dont le déploiement intervient, contrairement à ce qu’affirme la junte malienne, sur une base juridique légale ».

La ministre a également dénoncé l’attitude des autorités maliennes de « transition », qui ont « rompu [leurs] engagements » tout en multipliant les « provocations ». Et à ce contexte malien « hostile » est venu s’ajouter un coup d’État au Burkina Faso, désormais dirigé par le « Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration », dirigé par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Quelles seront les intentions de la junte burkinabè? En tout cas, l’actionnaire du groupe Wagner, Evegueni Prigojine, n’aura pas tardé à saluer la prise du pouvoir par les militaires à Ouagadougou… tout comme Alexandre Ivanov, le chef des « instructeurs » russes présents en Centrafrique.

« En Afrique comme en Europe, la Russie, par ses actions et ses discours, privilégie une stratégie d’intimidation. Elle choisit la confrontation masquée, qui est un facteur de déstabilisation. Nous l’avons clairement indiqué à nos homologues russes dès le mois de novembre », a fait remarquer Mme Parly aux députés. Et d’ajouter : « Faire face aux menaces hybrides qui se déploient sous le seuil du conflit ouvert constituera une des priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, à travers la finalisation de la boussole stratégique européenne ».

Pour autant, au Sahel, il n’est pas question « d’abandonner la lutte contre le terrorisme » car ce « combat est essentiel à notre sécurité », a assuré la ministre des Armées. « Cet engagement contre le péril djihadiste au Sahel, mais, plus largement, en Afrique de l’Ouest, nous comptons le poursuivre, aux côtés de nos partenaires africains, européens, mais aussi américains », a-t-elle continué.

Reste à voir comment… « Nous devons nous adapter à ce nouveau contexte et tenir compte de cette situation. Dans ce double objectif de poursuite du combat et d’adaptation, nous avons engagé une concertation approfondie avec nos partenaires, notamment ceux de la task force européenne Takuba », a indiqué Mme Parly.

D’ailleurs, les consultations entre les pays contributeurs au groupement « Takuba » vont bon train… Depuis le 21 janvier, Mme Parly enchaîne les entretiens téléphoniques avec ses homologues européens dont les forces sont engagées au Mali. Et une vidéoconférence devant tous les réunir est prévue le 28 janvier. Qu’en sortira-t-il?

Faute d’accord sur la conduite à tenir et étant donné que certains pays contributeurs sont aussi directement concernés par les tensions actuelles avec la Russie, l’existence de Takuba pourrait être remise en cause, alors même que, assurant la présidence de l’UE, la France l’a présentée comme une avancée de la défense européenne.

Photo : État-major des armées

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