Les capacités des forces suédoises risquent d’être limitées par la transition énergétique

En 2006, la ministère suédoise de l’Environnement, qui était alors Mona Sahlin, avait affirmé que la dépendance de la Suède à l’égard des hydrocarbures « devait prendre fin d’ici 2020 ». À l’époque, il était alors beaucoup question du « peak oil », c’est à dire du pic de production maximum de pétrole, lequel ne s’est depuis pas concrétisé…

Quoi qu’il en soit, quinze ans plus tard, et même si sa production électrique est « décarbonée » à 97%, notamment grâce à son parc de dix réacteurs nucléaires et à l’énergie hydraulique, la Suède a toujours besoin de pétrole, ne serait-ce que pour les transports routiers, lesquels sont à l’origine de plus de 33% de ses émissions de CO2. Cela étant, en 2015, l’objectif affiché par Mme Sahlin fut reporté à 2030 par Kristina Persson, alors ministre pour le Développement et la Coopération nordique. « Ce sera difficile, mais c’est possible », avait-elle dit.

Puis, en 2018, la Suède a adopté une « loi climatique » ambitieuse pour contraindre les entreprises et la société à la transition écologique, avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2045. D’où la décision du constructeur automobile Volvo de ne proposer que des voitures électriques d’ici dix ans et de s’inspirer de l’américain Tesla pour les vendre [c’est à dire en se passant de concessionnaires].

Cela étant, les activités militaires n’échapperont pas à cette transition énergétique, alors même que le gouvernement suédois a décidé d’augmenter significativement son effort de défense [+40% d’ici 2025] pour faire face aux manoeuvres russes dans la région de la Baltique.

D’une certaine manière, pour des forces armées, réduire la consommation d’énergies fossiles et se tourner vers des sources énergétiques « alternatives » peut procurer quelques avantages, à commencer sur le plan budgétaire, les cours du pétrole étant volatiles. Au niveau opérationnel, des véhicules hybrides [avec une motorisation thermique et électrique] seraient plus discrets [s’il est possible de faire rouler un véhicule de 30 tonnes sans faire de bruit…] et plus résilients [grâce à leurs deux moteurs]. Et le nombre de missions logistiques serait appelé à diminuer.

D’ailleurs, en France, le ministère des Armées [qui, au passage, a réduit ses émissions de Co2 de 18% entre 2010 et 2018] a récemment mis en place une « stratégie énergétique de défense », résumée par la formule « consommer sûr, consommer mieux, consommer moins ». Signe de ce changement d’approche, le Service des essences des Armées [SEA] est désormais devenu le « Service de l’énergie opérationnelle » [SEO].

Les forces suédoises sont peu ou prou sur la même ligne. « Être autosuffisant grâce aux énergies renouvelables, aux améliorations de l’efficacité énergétique et aux économies d’énergie signifie une dépendance réduite vis-à-vis des acteurs externes, une sécurité d’approvisionnement accrue, des coûts énergétiques plus faibles et une durabilité accrue en cas d’approvisionnement énergétique limité », font-elles en effet aussi valoir.

Seulement, pour pouvoir utiliser des blindés hybrides, encore faut-il en mettre au point. Et un programme d’armement peut prendre dix ans pour devenir réalité… Quant à l’aviation qui représente 70% de la consommation de carburant des forces suédoises, la seule solution à ce jour et de recourir aux biocarburants.

Or, les objectifs de Stockholm en matière de réduction de la consommation d’énergies fossiles vont apparemment trop loin pour l’état-major suédois, comme l’a récemment rapporté le quotidien Dagens Industri. Ainsi, ce dernier a prévenu que les exigences de la loi sur le climat en matière d’énergie « signifient que la capacité des forces armées à exécuter leurs missions sera limitée. »

Le problème se situe au niveau du stockage des biocarburants, dont la durée de conservation est nettement plus courte que pour le diesel, notamment par basses températures, ce qui est le lot des forces suédoises… Or, rappellent ces dernières [.pdf], la sécurité des approvisionnements énergétiques ne peut qu’être renforcée par le stockage de carburant pour les véhicules , les aéronefs, les navires et la production locale d’électricité.

Par ailleurs, l’Administration du matériel de défense [l’équivalent suédois de la DGA française] a également fait remarquer que plusieurs types de blindés actuellement en service ne fonctionnent pas avec des biocarburants…

Photo : © Forces armées suédoises

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